La liste des 35 candidats à la succession de Yayi Boni est connue depuis le weekend dernier. Retour sur les péripéties qui ont conduit à cet épilogue qui aurait pu ne pas avoir lieu, du fait de la volonté la mouvance de s’éterniser au pouvoir.
Plus que 28 jours encore, et sera connu le résultat du 1er tour de l’élection présidentielle. La bataille sera assez rude pour les 36 candidats en lice.
Car, comme a eu à le répéter l’un des présidentiables en course, « le pays va mal, et ressemble à un champ de ruines ». Il ne leur sera guère facile de convaincre les Béninois en si peu de jours. Malheureusement, à part quelques uns, on a un peu de mal à suivre les candidats, et ce qu’ils proposent pour redresser la barre. Ceci est d’autant plus préoccupant que le « règne » du président sortant a été long, éreintant pour la classe politique, et « chaotique » dans le sens premier du mot. Il faudra faire avec. Tout en sachant que le système démocratique, à la différence des autres régimes politiques, offre l’avantage et la possibilité d’une alternance des forces politiques à la tête de l’Etat. Ce qui donne un immense pouvoir aux populations, à travers leur vote, de choisir leurs dirigeants et de peser sur leur destin. La présidentielle du 28 février aurait pu, à ce propos, être plus intéressante, si dans le lot des 35 toujours en course, un sondage permettait d’identifier les 2 ou 3 meilleurs chevaux en pôle pour le sprint final. En effet, plutôt que de se focaliser sur la pléthore de personnalités ou de candidats, on se concentrerait beaucoup plus sur les propositions et projets de société. Il faut donc le regretter et le dénoncer, l’important débat sur les mesures idoines et appropriées à appliquer les années à venir, a été retardé, voire éclipsé, par les trois facteurs que sont : le débat sur l’opportunité de la « révision » de la Constitution, l’exil de l’opérateur économique Patrice Talon, et ce que d’aucuns appellent, le parachutage du Premier ministre Lionel Zinsou.
Remettre « l’Etat de droit » sur les rails de 1990
Dans le premier cas, les velléités de révision de la Constitution ont, pendant plus de deux années, captivé l’attention et détourné l’opinion de l’essentiel. A savoir, préparer la sortie et l’après Yayi Boni. C’est d’ailleurs par exploit de vigilance et, de justesse, que la classe politique et la société civile ont pu se sortir cette épine du pied, et réussir à conjurer le mauvais sort. Le projet étant mal ficelé, et la méthode choisie bancale et maladroite, surtout dans une période de fin de mandat. La ruse « pernicieuse » et « vicieuse » de la mouvance pour maintenir son leader au pouvoir n’a donc pas prospéré. Dans le contexte d’une économie sous-développée, on aurait pu faire économie de cette crise, et éviter au peuple une distraction de plus. Mue par les « démons » d’un passage en force, la mouvance s’est enfermée dans un autisme contre-productif. Car en fait, ce projet de révision opportuniste de la Constitution, était vicié à l’avance. L’un des protagonistes qui devrait faciliter son exécution, n’a pas voulu « marcher dans la combine ». Le chef de l’Etat sortant, comme on l’apprendra plus tard sur Rfi, comptait beaucoup sur le magnat du coton et son entrisme pour la réussite de ce funeste dessein. Mais, c’était sans compter avec la « ténacité » de Patrice Talon, qui, entre-temps, avait pris conscience du rendez-vous manqué de 2006. Comme le reconnaîtront d’ailleurs tous ceux qui étaient de l’aventure aux côtés de Yayi Boni en 2006, « le casting était mauvais ». A partir de cet instant, le jeu politique va connaitre un tournant décisif : l’exil d’un des hommes les plus fortunés du pays. S’en suivront un raffut et une agitation sans commune mesure pour le pays. Déçu, froissé, et brisé dans son orgueil et sa fierté, le premier employeur de l’économie béninoise, se mettra à cœur de corriger le tir, et de remettre « l’Etat de droit » sur les rails de 1990.
L’ « ovni », Lionel Zinsou
Depuis son exil, « la télécommande » a aidé l’opposition à remporter la farouche bataille des législatives, et sûr à retrouver le perchoir. Ce qui n’est pas rien dans un pays, où les valeurs éthiques, morales et politiques ont déteint, dans ce qu’ironiquement le chef d’orchestre a lui-même appelé « démocratie nescafé ». Dans sa volonté de tout contrôler, et de verrouiller le jeu politique à son avantage, Yayi Boni qui n’a pas digéré l’échec de son « poulain » dans la bataille du perchoir, va jeter son dévolu sur Lionel Zinsou. Pris en tenaille par la Constitution qui l’obligeait à partir, et le désintérêt manifeste d’un électorat lassé par les nombreuses casseroles du régime, le chef de l’Etat sortant, qui veut se ménager un après-pouvoir « tranquille », va prendre sa mouvance à contre-pied. Comme un « ovni » venu de nulle part, le Premier ministre prendra la barque de la Refondation. Cependant, malgré son immense talent, l’économiste béninois, ne pourra rien changer à la pagaille des concours frauduleux, aux scandales financiers sordides du genre Ppea2, ni au délestage et à la misère ambiante. « Que vient-il faire dans cette galère ? », se serait demandé un de ses proches au début de l’aventure. La fronde des caciques et barons Fcbe n’y fera rien, Lionel Zinsou sera « presque » imposé, au mépris du réalisme politique, et sacrifié sur l’autel de la continuité du « yayisme ». Très tôt, l’opposition lui rendra la vie dure, avec des commentaires peu élogieux de bas étage, surtout sur « la couleur de sa peau » et sur ses « origines ». Le monde politique est parfois cruel et sans pitié. Lionel Zinsou l’apprendra à ses dépends, avec, étalée sur les réseaux sociaux la célèbre photo de sa fatigue. Il sait désormais qu’une partie de ses compatriotes l’a adopté pour des raisons politiques. L’autre partie, qui veut toujours en découdre avec Yayi Boni, l’attend au carrefour, sinon dans les urnes. D’ici le 28 février, il aura d’autres écueils et pièges à surmonter. La politique est un « piège sans fin ».
Wilfrid Noubadan