La bataille des mots a déjà commencé entre les deux hommes charismatiques de la politique béninoise encore en vie. Hier, jouant dans le même camp, Adrien Houngbédji et Bruno Amoussou devront aujourd’hui s’affronter pour le compte de la présidentielle du 28 février prochain. Le premier s’est arrimé au candidat du régime en place alors que le deuxième combat ce dernier, voulant en finir avec «le système Yayi». Les deux hommes viennent de monter au créneau, respectivement sur la chaine de télévision du service public, l’Ortb Tv, et les deux grandes chaînes de télévisions du privé, Canal3 Bénin et Golfe Tv Africa.
Les présidents Adrien Houngbédji et Bruno Amoussou se sont défiés par presses interposées. Me Adrien Houngbédji, sur la télévision nationale le jeudi 28 janvier dernier, trouve que la coalition qui porte le candidat Lionel Zinsou a de fortes chances de gagner l’élection, mieux dès le premier tour le 28 février prochain. «On peut ne pas aimer les Fcbe. Mais c’est eux les plus importants aujourd’hui. Nous, on a tout fait pour essayer de les disloquer. Ils ne veulent pas se laisser disloquer. C’est la force politique la plus importante du pays. Bon ! Nous, nous sommes la deuxième force politique. La Rb est la troisième force politique. Nous estimons que la première force politique plus la deuxième force politique plus la troisième force politique, il y a des chances de faire KO. Il y a des chances. Je n’ai pas dit que c’est KO nécessairement mais il y a des chances. Les urnes peuvent en décider autrement. Nous sommes des démocrates. Nous allons nous incliner. Mais nous nous battrons pour que le candidat que nous avons choisi puisse passer», a dit le président du Parti du renouveau démocratique (Prd). La réplique n’a pas tardé à venir de Bruno Amoussou mardi dernier sur les chaines Canal3 Bénin et Golfe Tv Africa. Bruno Amoussou a en effet expliqué que l’addition Fcbe-Prd-Rb ne tient pas compte de la réalité du terrain et se demande que si cette addition était juste, pourquoi l’Union fait la Nation dont le candidat unique était Me Houngbédji n’avait pas gagné en 2011 ? «Les élucubrations sur le K.O. me font rire (…) Il faut faire la différence entre la foule et le peuple (…) L’addition numérique, c’est de l’affichage que l’on essaie de conforter par les mouvements de foule. Ça n’à rien avoir avec la volonté du peuple (…) Je dis au peuple de ne pas se laisser influer par les foules. Celui qui sera élu le 13 Mars sera issu du rang de la coalition de rupture. Après le premier tour, dès que nous aurons les deux finalistes, nous allons donner des consignes de vote plus précises», maintient donc Bruno Amoussou. Ce dernier s’étonne également de l’un des arguments avancés par le président Houngbédji pour justifier le choix du Prd de soutenir le candidat Lionel Zinsou. «Le Prd existe depuis 25 ans, pendant lesquels nous n’avons fait que de l’opposition. Nous n’avons été au gouvernement pendant un peu moins de deux ans. Donc tout le temps, nous avons fait l’opposition et nous avons participé à tous les combats pour la démocratie, la liberté pour la bonne gouvernance. Nous avons participé à tous les combats qui portent nos valeurs. Le dernier combat auquel nous nous sommes opposé, c’est avec le président Boni Yayi.
Nous avons créé le parti pour pouvoir arriver à assumer les responsabilités au sommet de l’Etat. Mais nous n’avons pas réussi. Où est-ce que nous allons continuer ? Le président Yayi Boni s’en va. Nous nous sommes opposants à Yayi Boni. Le 28 février à pareille heure, le président Yayi Boni est quasiment parti. Est-ce que nous allons continuer notre opposition vis-à-vis de celui qui va venir ? C’est là la vraie question. Et nous nous sommes dits non. On s’arrête à Yayi Boni. Ce qui arrive après Yayi Boni ne le regarde pas. Nous avons été aux élections présidentielles cinq fois…», a déclaré Houngbédji lors de l’émission du jeudi 28 février dernier. Argument battu en brèche par le président Amoussou mardi dernier. «La seule question que nous nous posons actuellement c’est de savoir comment nous allons accueillir nos amis qui ne veulent plus faire l’opposition après notre victoire (…) Quand vous dites être de l’opposition dans une situation de brimade et que vous décidez de quitter l’opposition pour aller dans la mouvance, si le combat est que le nouveau régime va lutter contre la brimade, on a donc pas besoin de quitter l’opposition». Autrement, chacun croit à sa stratégie. Houngbédji pense que c’est son candidat qui remportera le scrutin. Amoussou croit fermement à la réalisation de la rupture d’avec le régime Yayi à partir du 6 avril prochain. Ce sont de vieux briscards de la politique béninoise qui parlent. Il faut s’en méfier. Mais il revient aux Béninois de trancher. Rendez-vous le 28 février pour départager les deux hommes.
Jean-Marie Sèdolo