Le Premier Ministre Lionel Zinsou a rencontré les acteurs du secteur privé ce lundi à Cotonou. Face aux opérateurs économiques, il a développé l’état actuel et les perspectives de l’économie béninoise ; certainement un des éléments de campagne des candidats à la présidentielle du 28 février. Analyse pointue et chiffres à l’appui, Lionel Zinsou conseille qu’ « Il faut préférer la production nationale à l’importation ». Extrait de son intervention.
« J’arrive de certaines régions du pays ou nous avons encore quelques problèmes d’infrastructures à régler qui sont KOUANDE, KEROU, PEHUNCO, BEMBEREKE et c’est à la fois vital pour la production agricole et notamment cotonnière et en même temps ça nous donne bien au fond à la fois l’image de ce qu’en 2025 nous devrons atteindre c’est-à-dire une bonne desserte de ces régions de fortes activités. Je vous présente donc toutes mes excuses. Je suis heureux de saluer beaucoup d’amis dans la salle et merci d’être venus si nombreux.
Au fond, l’intérêt de cet échange, c’est ce que vous direz et les questions que vous poserez et si vous voulez bien, pour commencer, je ferai une introduction sur l’état actuelle et les perspectives de l’économie du pays. Le Bénin est dans une situation assez caractéristique des pays d’Afrique Sub-saharienne qui vont bien c’est-à-dire qui vivent un paradoxe fort central qui probablement a des conséquences politiques et sociales significatives et d’ailleurs à cet égard ce sera probablement un des éléments de la campagne présidentielle, les programmes des candidats. Le paradoxe, c’est que nous avons une économie qui présente un tableau macroéconomique qui est favorable, qui pourrait même être envié et qui présente des phénomènes comme un état de pauvreté résiliant et un état de chômage des jeunes qualifiés qui est préoccupant. C’est une situation structurelle que nous partageons avec beaucoup d’état d’Afrique Sub-saharienne mais qui demande pas mal d’imagination en matière de politique économique si bien que les entreprises que vous représentez au Bénin vivent à la fois les deux situations, situation un peu paradoxale dans laquelle l’environnement économique n’est pas mauvais et l’impression générale est une impression de malaise économique. Nous sommes dans un paradoxe. Si vous échangez avec des responsables de pays développés, les grands chiffres macroéconomiques donnent plutôt une image extrêmement favorable. Nous avons indubitablement une croissance forte. 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 sont des années qui ont rompu avec simplement trois années de ralentissement et pas de récession. Le monde était en récession. Du deuxième semestre 2008 au deuxième semestre 2010, le Bénin était à 3% de croissance et c’est un cas que partageait d’ailleurs la plupart des pays d’Afrique Subsaharienne ; des années de ralentissement et puis une séquence de croissance forte. Les prévisions du FMI qui sont souvent prudentes sont les prévisions de croissance également forte en 2016. Forte et indubitable, les croissances dans les pays comme les nôtres sont des croissances sous estimées. Nous avons procédé à une petite révision technique à l’INSAE sur les bases d’évaluation du Produit Nationale Brut mais nous n’avons pas fait le travail de révision qui était accompli au Nigéria ou au Ghana. Au Ghana, en 2013, les comptes nationaux ont été révisés à la hausse du fait de sous pondération durable d’un certain nombre de secteurs (40%). Quant au Nigéria, la révision de 2014 conduite sous l’autorité de financement du FMI a conduit à une révision des comptes nationaux de 89%. Il n’y a aucun doute que toutes nos croissances par une difficulté, à apprécier la dynamique du secteur informel et par la sous pondération des secteurs nouveaux, est une croissance sous estimée. J’en parle parce qu’il y a souvent des polémiques tel que les chiffres sont faux, sont trop optimistes, on ne les retrouve pas dans les comptes des entreprises etc… La croissance est indubitablement en volume, au dessus de 5%. Il y a des variations sur l’estimation de ce qui a pu se passer en 2015, entre 5,5% et 5,8% mais de toute façon, c’est un degré de précision qui est en deçà de nos erreurs statistiques. Nous avons beaucoup de progrès à faire sur la comptabilité nationale notamment, nous avons besoin d’avoir des comptes trimestrielles ne serais-ce que pour avoir une bonne appréciation de la conjoncture. Aujourd’hui, nous n’avons pas de politique conjoncturelle parce que nous n’avons pas de mesure de la conjoncture. Et c’est un progrès à faire d’autant plus que tous les bailleurs de fonds, tous les partenaires techniques sont prêts à nous aider à le faire et aussi nous avons un bon appareil statistique au sens ou nous avons de bons statisticiens mais il faut qu’on mette les moyens de collecte de données qui nous permette d’avoir des enchainements trimestrielles. Cette croissance est faiblement différente entre le volume et la valeur étant donné que nous sommes un pays devenu sans inflation. Nous avons toujours eu les facteurs d’inflation modérée et là nous sommes à 00% ; nous importons de la désinflation du fait de la baisse du pétrole notamment un certains nombres de matières premières. Nous sommes importateurs nets de matières premières, minérales et des hydrocarbures donc dans la crise qui secoue les pays d’Afrique, producteurs de pétrole, nous sommes du côté des pays qui ont un bénéfice associé à la baisse du pétrole. Et ce bénéfice pour l’économie nationale surpasse l’impact de réduction de la demande adressée au Bénin par le Nigéria. Au niveau sectoriel, ça se ressent difficilement pour ceux qui s’occupent d’échanges avec le Nigéria, pour les parcs automobiles par exemple et dans certains éléments de trafic du port. Je ne dis pas que ceci ne se ressent pas mais je dis que nous ne ferions pas cette année 2015-2016, le type de croissance que nous voudrions faire, s’il y avait un impact fort des effets de la baisse des prix du pétrole sur l’économie du Nigéria. Dans vos questions ou vos objections, je prendrai tous les témoignages que vous souhaitez.
De façon sectorielle, je sais qu’il y a un impact et cet impact mérite d’être corrigé le plus possible. C’est un élément important de la politique économique mais globalement il est évident que comme toutes les économies du monde qui ne produisent pas les matières premières minérales, le fait que leur prix se soit effondré est un facteur en tant que elles sont importées qui est un facteur positif pour l’ensemble de l’économie hormis les secteurs directement fournisseur du Nigéria. Nous avons donc une économie à inflation extrêmement faible ce qui veut dire que lorsque sont distribué des augmentations de salaire, elles ont un effet qui est de pouvoir d’achat pleins sans confiscation par l’inflation. L’autre facteur macroéconomique qui dans le tableau est assez important, cette économie à des échanges équilibrés alors la balance commerciale du pays est déficitaire parce qu’on ne comptabilise pas exactement les importations et les exportations, il y a certains flou sur certains phénomènes aux frontières. Mais en matière d’échanges extérieurs, il y a un juge de paix, c’est la balance des mouvements de capitaux ; c’est-à-dire que même si on n’a pas comptabilisé les entrées et les sorties de marchandises, on comptabilise toujours les flux financiers et nous sommes en excédents de la balance de paiement. Par conséquent, l’apparence d’un pays qui importe sans exporter est une apparence fausse. Nous sommes un pays qui est en excédent structurel de paiement courant c’est-à-dire que les avoirs extérieurs du Bénin augmentent tous les jours. En terme d’exécution des finances publiques, et je suis tout à fait d’accord sur le fait que cela n’est pas perçu de cette manière, mais la réalité de l’exécution du budget de l’état, c’est que nous sommes un pays à déficit extrêmement faible. Nous sommes en moyenne période dans la norme de l’Union Economique et Monétaire c’est-à-dire en moyenne période à 3% de PIB de déficit ce qui est très peu pour un pays en développement et qui est difficile à atteindre pour beaucoup de pays développés.
Nous avons donc une exécution saine mais un phénomène qui est un peu masqué par les habitudes de la puissance publique conforme à celle de beaucoup d’état mais tout à fait à corriger, d’avoir un caractère un peu discrétionnaire et aléatoire à la façon dont l’état exécute ses dépenses notamment vis-à-vis des entreprises. C’est quelque chose qu’il faut absolument éradiquer. Nous avons hérité d’une tradition de finances publiques où l’Etat souverain considère (si on parle un instant, non pas comme Premier Ministre mais comme quelqu’un qui a une PME à gérer au Bénin), l’Etat est souverain et regarde avec une certaine distance parfois avec une certaine considération que les fournisseurs. Il faut le corriger avec vigueur parce qu’en réalité nous avons une situation de finance publique qu’il est très facile à expliquer comme étant très saine quand vous faites 5% de croissance en volume compte tenu des progrès tendancielles légers de la collecte des impôts, la modernisation des recettes fiscales qui sont en cours et celles qui ont été faites, vous avez une progression des dépenses et les recettes s’équilibrent à peu près mais, les recettes structurellement augmentent de 7% l’an lorsque vous avez une croissance de 5% l’an. C’est tout à fait logique et après il faut régler des dépenses pour qu’elles n’augmentent pas plus de 7% l’an mais c’est ce qui se produit. Il y a un facteur d’accélération de la dépense publique, c’est que nous recevons de plus en plus de flux d’aide public au développement. C’est une situation qui est l’inverse de la tendance mondiale mais qui concerne un certain nombre de pays africains et il est clair que le Bénin, démocratie exemplaire, attire volontiers les engagements d’aide publique. Nous avons un prélèvement obligataire d’ensemble sur le PNB qui est cantonné à 18% et qui est en très légère progression tendancielle annuelle qui est très faible. Nous prélevons la moitié du prélèvement obligatoire mondial. C’est pour cette raison que nous avons toutes les peines du monde à assurer la mobilité, la sécurité, l’éducation, la santé parce que avec 18% de prélèvement obligatoire dans le PIB, nous avons une limite très importante à la capacité de l’état à jouer son rôle et c’est accomplir ses fonctions. Tous ces chiffres, vous pouvez les retrouver dans le rapport économique et financier associé au budget de l’état qui contient l’ensemble des chiffres que je viens de donner ou dans les données de la banque centrale ou encore dans la note de synthèse du Fonds Monétaire Internationale, ces trois documents étant tous convergents.
C’est contraire à l’expérience parce que dans la mesure où nous avons un secteur formel faible, qui représente environs 15% autour de l’emploi, 85% de l’emploi est informel dont 99% dans le secteur du commerce par exemple exprimé en nombre de personnes employées. Nous avons un secteur informel qui est très important, il est moins important aux contributions à la richesse nationale en PIB mais légèrement supérieur à 50% donc nous avons une base fiscale qui repose sur des entreprises qui sont par définition dans le secteur formel et qui ne ressentent pas les 18% de prélèvement obligatoire puisqu’elles assurent à peu près la moitié du PIB, elles ressentent plutôt une fiscalité qui ressemble à la moyenne mondiale de fiscalité qui est le double de notre fiscalité réelle. Ça donne des situations malaisées et ça conduit à des comportements d’assez faible d’acceptation de l’impôt. Et du coup, il y a des réactions de l’administration fiscale qui sont des réactions qu’on trouve dans tous les cas ou il ya une assiette étroite des contribuables qui acceptent mal l’impôt.
Lorsque vous prenez un pays qui a une croissance forte, des paiements extérieurs en excédents, que vous avez une exécution de finance publique sans déficit dans un univers sans inflation et que vous les proposez aux Ministre des Finances d’un pays en développement, aucun d’eux n’atteint cela et c’est l’aspect positif. Les investissements qui ont d’un taux élevé sont en forte progression et nous avons 20% de moyenne de croissance par an. Quand nous avons ce paradoxe macroéconomique auquel nous assistons et que nous y ajoutons les procédures de désendettement très supportable, c’est-à-dire 35% du PIB, nous avons l’impression que nous avons une importante marge de manœuvre et beaucoup de degré de liberté. Vous allez peut être me dire que ce sont des histoires alors je vous invite à regarder les comptes d’exploitations de ceux qui parmi vous participent des secteurs les plus dynamiques. Ils ont des taux de croissance à deux chiffres continu. Et c’est d’ailleurs commun avec l’ensemble des pays de la région. Nous avons des moteurs de consommation et elle représente 73% du PIB du Bénin et l’investissement 27%. Si nous prenons d’autres exemples, les deux secteurs les plus croissants sont le tertiaire notamment tous les services modernes et la logistique et le port tant vilipendé a quand même doublé ses trafics dans les sept dernières années. Donc tout ceci qui est lié à des services tertiaires modernes rendus aux entreprises ou à la logistique progresse chaque année plus vite que l’économie. On a pris l’habitude de regarder ce pays et son économie à travers des chiffres fétiches et on pense que le coton résume le pays. Le coton qui est relativement stable, c’est 10% de la valeur de la production agricole et 400 000 hectares en moyenne période. La surface agricole de ce pays, c’est 8 millions d’hectares et la surface mise en œuvre, employée, c’est 4 millions d’hectares et donc en se focalisant sur le coton qui a des mérites considérables parce que c’est une filière structurée qui donne des garanties, il y a ce que les économistes appellent des externalités très importantes du coton. Je ne nie pas du tout l’importance du coton mais c’est 10% de la valeur de la production et il ne faudrait pas que ça cache que nous avons doublé la production agricole sur 10 ans avec un doublement de la production vivrière qui donne lieu à de petites transformations que vous n’appeliez pas industrielle parce que c’est de la première transformation puisque avec du manioc on peut faire du gari, du manioc et le meilleur gari vient de Savalou ».
Par La Rédaction,