La grogne des conducteurs de taxi de Bohicon enfle de plus en plus sur les gares routières et sur les radios locales. Ces conducteurs dénoncent la mauvaise gestion des diverses taxes collectées sur les gares, les intimidations et les menaces dont ils sont l’objet quotidiennement. Ils pointent un doigt accusateur en direction des équipes mises en place par le maire Luc Atrokpo et s’étonnent aussi du silence de ce dernier face aux différentes exactions.
Bohicon, la ville que tout le monde croit paisible cache bien de frustrations qui résultent notamment de la gestion de ses ressources. Telle un volcan au repos, cette situation peut bien exploser un jour à la surprise de beaucoup. Déjà les langues ont commencé par se délier depuis quelques jours. Que se passe-t-il exactement sur les gares routières de Bohicon pour que des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer les rançonnements sans limite que subissent les conducteurs de taxi ? Les nombreux courriers et rencontres entre le collectif des syndicats de conducteurs et transporteurs assimilés du Bénin (Cosycotrab)-qui est le creuset des contestataires, la mairie de Bohicon et la préfecture n’ont rien amélioré. Au contraire, les choses se sont compliquées dans chaque camp. Et, puisque le dialogue a du mal à s’engager, les deux camps tendent vers un bras de fer dans les jours à venir.
Trafic d’influence, rançonnement, le lot quotidien
Depuis novembre 2014, le bureau communal du Cosycotrab accuse «les autorités de la mairie de faire subir aux conducteurs des actes féodaux, d’intimidation politique, de rançonnement et d’harcèlement à l'endroit de ses syndiqués». Marcel Djidago, président du collectif et son équipe composée d’anciens responsables de la gare de Bohicon sont allés jusqu’à rendre responsable le maire à travers les équipes qu’il a mises en place, de faire «entre autres de l’exclusion de trois organisations syndicales de la gestion des fonds qui sont destinés au comité gare routière». Un acte qui est pourtant, selon les contestataires, contraire à l'Arrêté communal portant mode de gestion des gares et parcs annexes qui l’exige. Un arrêté qui établit l’implication de tous les syndicats dans la gestion des fonds collectés sur les gares routières.
Les contestataires qui se disent exclus, dénoncent également la disparition des 5 000 F CFA Francs collectés par les équipes de la mairie de Bohicon auprès de chaque conducteur de bus pour la réalisation des calendriers pour l'année 2015. Ce qui n’a jamais été réalisé, selon eux. Sans oublier la collecte de 2 000 F CFA chez un groupe de chauffeurs pendant quelques mois pour une destination inconnue.
Dans le souci de contribuer au développement et à l’amélioration de la gare routière centrale, les acteurs avaient décidé à l’unanimité d'aider la mairie, en créant un ticket parallèle dénommé "Réhabilitation de la gare" d’au moins 100 F CFA ou plus selon la catégorie de véhicule. La recette issue de la vente de ce ticket s’élève à au moins 40 000 F CFA par jour. Depuis 2009 que ce ticket est mis en circulation, de sa première vente sur la gare à ce jour, aucun point financier n’a été effectué, dénonce Marcel Djidago. «On en était là quand, contre toute attente, les conducteurs ont été surpris et stupéfaits d’entendre Maxime Houédjissin déclarer au cours d’une émission sur la télévision Carrefour en juin 2015, qu’en réalité le pavage de la gare routière centrale de Bohicon et du parc à bus d'Agbangon est programmé par l’Agence de réhabilitation de la cité historique d’Abomey (Archa)», poursuit-il. Alors, pourquoi avoir encore instauré ce ticket dit de réhabilitation de cette route sur la gare, s’interrogent les conducteurs.
Des millions mobilisés en l’air…
Dans la même perspective, face à l’état de dégradation de cette gare routière de Bohicon, difficile d’accès en saison pluvieuse, il y a eu une séance de travail en présence des autorités communales en charge de la gestion de la gare pour la prise de la décision de son nivellement. Suite à cette séance, une souscription a été initiée à cet effet. En un temps record, confie le président du collectif, le montant mobilisé auprès des conducteurs était de plus de 3 000 000 F CFA. Aujourd’hui, ces fonds semblent avoir purement et simplement disparu et plus rien ! C’est pour cette raison que les responsables du collectif exigent aujourd’hui des mesures hardies de suspension de la vente de ces tickets afin d'arrêter la saignée au niveau de la bourse des conducteurs. Ses frais collectés à chaque instant et tous les jours sont appelés communément "frais de positionnement" et "rabiot". Des frais qui ne servent à rien sur la gare.
Des accusations bien graves auxquelles les délégués du maire Luc Atrokpo refusent de répondre. Armand Gansè, nommé superviseur général des gares routières de Bohicon et pointé d’un doigt accusateur par les conducteurs, a refusé de réagir. Contacté pour répondre aux différentes accusations, il s’est refusé à tout commentaire. Il indique n’avoir pas le temps de «répondre aux grognes d’un groupe de conducteurs qui croient que nous, on va leur donner de l’argent».
Mais pour Roger Nouhouémalin, coordonnateur de l’Unacob à Bohicon, les arguments qu’avancent les contestataires ne sont pas fondés. A preuve, tous les syndicats sont bel et bien associés à la gestion de la gare routière de Bohicon. Il y a un calendrier hebdomadaire qui sort et qui fait la programmation de permanence des syndicats sur la gare. Chaque syndicat a son tour de garde sur la gare. Roger Nouhouémalin confie que les contestataires sont regroupés au sein d’un collectif de syndicats déjà associés à la gestion. Et, qu’il n’est plus question d’associer encore le collectif alors même que les syndicats qui le constituent y sont déjà. «Les camarades contestataires peuvent avoir d’autres raisons de contester ce qui se passe sur la gare routière de Bohicon, mais celles qu’ils avancent ne sont pas à mes yeux fondées».
Des promesses non tenues jusqu’à présent
De leurs côtés, les contestataires regroupés au sein du Cosycotrab ne démordent pas. Ils battent des pieds et des mains pour se faire entendre. Pour eux, leur mécontentement n’est pas seulement lié au manque de transparence dans la gestion des gares, mais aussi pour faire cesser les brimades et autres intimidations dont sont victimes quotidiennement les conducteurs. Pour Marcel Djidago, «il est inconcevable que la gare routière de Bohicon soit depuis plus de 20 ans dans le même état de délabrement, dans la boue quand il pleut et dans la poussière en temps de sécheresse. Il dit avoir adressé une lettre aux autorités en date de 23 janvier 2015, une seconde fois le 23 février 2015. Des lettres ayant pour objet la «Mauvaise gestion sur la gare routière», qui sont restées sans suite jusqu’à ce jour. Ni le maire de Bohicon, ni le préfet des Zou-Collines n’ont daigné répondre à ces correspondances. Le préfet et le maire étant les autorités de régulation qui ont «le pouvoir de nous faire sortir de cette situation semblent minimiser les difficultés auxquelles les conducteurs sont confrontés quotidiennement», se désole Marcel Djidago pour qui, le cri de détresse des milliers de conducteurs et transporteurs ne semble pas avoir été entendu par les autorités compétentes.
«Malgré toutes les promesses visant à l’amélioration des conditions de vie et de travail des pauvres chauffeurs, rien de concret jusqu’à ce jour. Au contraire, la situation a empiré et les gares routières clandestines sont mises en place et gérées par les équipes de la mairie», lance Pierre Akpakpo, un ancien conducteur et président du comité communal gare centrale de Bohicon. «D’ailleurs, aucune des promesses faites aux conducteurs par l’équipe actuelle de la mairie de Bohicon n’a été tenue. Bien au contraire ! Certains comme moi, ont été isolés des gares pour leur permettre de bien profiter et "embastiller" les chauffeurs», regrette le vieux Pierre Akpakpo qui compare la gare routière de Bohicon à une jungle où les animaux les plus féroces dévorent les plus faibles.
Pour les contestataires, il est temps qu’il y ait un peu de lumière sur les taxes collectées sur les gares routières de Bohicon. Et qu’on pense enfin à la réhabilitation de la gare routière qui est en plein cœur du marché qui demeure jusqu’à ce jour, sans électricité et eau courante ¦
Valentin SOVIDE, AR/Zou-Collines