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Boni Yayi, un Objet Politique Non Identifié
Publié le mercredi 17 fevrier 2016  |  Autre presse
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© AFP par STEPHANE DE SAKUTIN
Visite du president Thomas Boni Yayi en France
Paris, 18 août. Entretien entre Thomas Boni Yayi, président du Bénin et son homologue Français François Hollande




La nuit du 12 janvier 2016 au Bénin fut une nuit de folie politique rampante. Un fait majeur en venait à se graver sur le roc solide de l’histoire de la présidentielle de février 2016. Le ralliement subit, prétendument improbable ou prévisible (cela dépend de là où on se situe !)du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) et de la Renaissance du Bénin (RB) au candidat Lionel Zinsou coopté par les Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE). Fait subit pour des cœurs embaumés d’angélisme, surexcités qui croyaient naïvement découvrir encore au Bénin, des vertus de la morale d’un compromis structurant ; mais prévisible pour des lecteurs attentifs, cédant à peine aux gesticulades militantes et s’inscrivant, avec un léger recul, dans la rationalité des comportements politiques et des registres activés par les acteurs en compétition depuis un temps relativement récent. Car la politique au Bénin, sous l’ère du Président Boni Yayi, n’en finit point de révéler son univers des possibles politiques.
En déplaçant la focale de lecture, loin des élucubrations abondantes sur du houngbédjisme, du léhadysme et autres, le "fait-événement" du 12 janvier, s’il faut le considérer comme tel, a révélé Boni Yayi comme un Objet Politique Non Identifié (OPNI) qui défie les lois de la certitude et des compromis. L’alliance PRD-FCBE-RB scellée ce soir-là, a un contenu pédagogique tant dans les actes suggérés par les deux personnages pêchés dans la nasse FCBE, Adrien Houngbédji et Léhady Soglo, que par ailleurs dans le génie de celui qui aura suscité et fabriqué ce "deal majestueux", digne d’enseignement dans les écoles de science politique, en l’occurrence, le Président Boni Yayi. Sans commenter les rationalités néo-machiavéliennes d’accès aux circuits d’accumulation des deux premiers, il est plutôt intéressant de comprendre comment Boni Yayi confirme, aujourd’hui au Bénin et depuis 2011, l’hypothèse aristotélicienne le créditant d’« animal politique ».
Le Président Boni Yayi en s’apparentant en effet à un Objet Politique Non Identifié est devenu un acteur qui dément royalement sur lui, toute probabilité politique. Il est impossible de préjuger sur lui, de parier sur ses répertoires, ses moyens et ses pensées. Si vous l’attendiez par devant, il apparaîtra par derrière ; et si à l’inverse, vous l’espériez par l’arrière, le revoilà déjà devant vous ! Sans doute, aura-t-on besoin encore d’aller chercher loin ailleurs, celui qui peut réconcilier Dieu et le Diable pour qu’enfin, les portes du paradis politique s’ouvrent dans les cieux béninois. En 10 ans, la classe politique béninoise s’est loupée sur un homme qu’elle croyait connaître, maîtriser et dont la presse a réussi à inscrire dans l’imagination comme un intrus. Pourtant, Boni Yayi est cet intrus qui ne cesse de donner constamment à ses opposants des gifles à la figure et des coups de pieds dans le cul. L’homme qui leur file entre les mains dans un scénario à la « seul contre tous » n’est-il pas finalement un magicien politique ? La folie vespérale du 12 janvier va-t-elle être la dernière séquence politique que nous offre l’acteur-vedette dans cette compétition électorale ? Comment a-t-il réussi, ce Boni Yayi, la fabrication d’une alliance politique inattendue par le commun des mortels et visiblement donnée dans l’opinion comme contre nature ? En retenant le souffle, on apprendra ainsi que dans la galaxie politique béninoise, il n’y a point d’équation non résolvable par lui. Il est devenu le maître-à-penser de toute la classe politique, celui qui édicte les règles du jeu, qui compose l’arithmétique politique et en donne la mesure rythmique initiale et originale. Sinon, déjouer ce que certains ont pompeusement glosé pour qualifier de "pacte du 19 mai" est d’abord un travail d’artiste. Boni Yayi est donc un artiste, sans doute exceptionnellement doté d’une magie performative du verbe et de l’action. Boni Yayi a dû certainement recourir à cette ressource pour défaire le nœud du compromis du 19 mai et enfin persuader Adrien Houngbédji du PRD et Léhady Soglo de la RB, deux icônes de la bataille antirévisionniste à rallier le camp de son dauphin Lionel Zinsou très chouchouté.
Boni Yayi est un aussi un producteur, un créateur exclusif de la chose politique. C’est d’abord lui qui crée et les autres se réajustent. C’est lui qui imprime la marque, prend l’initiative et les autres s’y déterminent. Autrement, aucun de ses adversaires, depuis l’inédite expédition électorale de 2011, n’a la poigne exclusive et délibérée de proactiver son répertoire avant celui de Boni Yayi. Tous regardent, comme ipnotisés, l’homme agir avant qu’ils ne réagissent. Ainsi, le Président Boni semble définitivement comme le seul commandant à bord qui a la priorité de faire – et peut-être bien – en premier lieu avant que les autres ne se décident de faire tardivement et avec médiocrité. Cela est d’autant plus vrai que celui qui indique à autrui le chemin en connaît déjà lui plusieurs qui mènent à l’endroit indiqué, et du coup pourrait le devancer sur le lieu si cela était un enjeu. Deux faits pour en donner l’illustration simple.
L’opposition politique béninoise, toutes tendances constituées, n’avait officiellement produit un candidat avant que Boni Yayi, n’agite le nom de son Premier Ministre, Lionel Zinsou, comme son successeur. Jusqu’à la fin décembre 2015, ces partis qui s’arrogent abusivement le qualificatif d’opposants de Boni Yayi, notamment les piètres politiques tapis au sein de l’UN (qu’on devra maintenant définitivement oublier) dont la vigueur et l’esprit d’initiative, se sont complètement érodés, n’ont pas cru pouvoir anticiper en consentant un candidat unique depuis qu’ils ont gagné, pourtant au forceps, la bataille du perchoir parlementaire. Versés dans un triomphalisme béat et dans la manducation abjecte et saugrenue, dans les querelles égoïstes, les "Un" ont exhibé les tares d’une bande de vieux politicards vénaux, incapables de briller. Profitant de ce cafouillage de ridicules d’arrière-cour, Boni Yayi va les souffleter en désignant (selon des primaires éclairées), son candidat et par là, celui de son parti FCBE. Et quand il l’aura fait, les unistes tenteront d’en reproduire sans y parvenir une pâle copie. Attirés par les mallettes de Talon et d’Ajavon d’une part et tiraillés par les querelles infinies entre Houndété et Golou, Boni Yayi avait sérieusement pris des longueurs d’avance sur cette clique, le temps n’étant plus chez lui aux primaires, mais à une autre séquence, celle de savoir comment pêcher les deux grosses prises du mardi soir. N’est-ce pas là du génie ? Mais sur ce registre, perdons-nous à grignoter dans quelques hypothèses qui auraient peut-être validé l’option du ralliement de ces deux partis politiques tellement convoités comme les dessous d’une femme. En vérité, même si Maître Adrien Houngbédji et Léhady Soglo étaient des femmes, ils ne risqueraient certainement pas l’acte impudique de tomber dans les bras d’un masculin démagogue et incohérent qui ne promet que l’union mais sans jamais la réaliser. Tant s’en faut, la note de séduction proposée par Boni Yayi était plus forte au point de réussir à subjuguer les "époux politiques" qui ne pouvaient, en dernier ressort, que céder à ce "mariage" tripartite.
Deuxièmement, l’on peut curieusement observer qu’au lendemain du 12 janvier affolant, il s’est aussitôt répandu la rumeur d’un possible regroupement entre Talon, Ajavon, ABT, Koupaki et autres. Si cela advenait et que le consensus se dégageait autour d’un candidat unique dans cette catégorie, on se félicitera d’avoir enfin réalisé, sans le vouloir peut-être, le rêve d’un bipartisme politique, d’un début de rationalisation de fait du système partisan béninois. Encore que là, le mérite reviendrait, à notre corps défendant, d’office à Boni Yayi qui a eu la primauté de se confectionner une grande alliance d’envergure et de siffler le démarrage. Si entre temps, Boni Yayi ne s’était pas livré à ce dosage, à cette mixture politique hétérogène, il serait impossible de penser dans le camp opposé à une union fut-elle circonstanciée. L’individuel étant, chez nous, plus fort que le collectif. C’est résolument, comme vous le constatez, Boni Yayi qui fait d’abord et les autres suivent. Et là, voilà comment l’OPNI, active des répertoires inattendus pour leur enseigner ce qu’ils savaient pourtant bien mais dont ils n’ont pas le secret de la pratique : le jeu du collectif.
Par quelle magie on ne sait, Boni Yayi, qu’on soit d’accord ou non, semble concentrer l’essentiel du jeu politique, il demeure, comme dans une poulie, l’axe central autour duquel tout tourne. En fait, n’aura-t-on pas raison de tourner dos aux politiciens apprentis qui ont fini leur règne et aller boire, comme le lamantin, à la source ! Avoir le secret de déjouer tous les pronostics, d’activer des registres et des ressources inattendus pour disqualifier ses adversaires et les remettre dans des séquences inconfortables de la lutte politique, pour enfin se faire des trophées politiques. Quelqu’un disait il y a peu qu’il était titulaire de chaire en politique, Boni Yayi lui n’est-il peut-être pas mieux ? Je veux dire un Eméritus ?
Paru dans le Magazine L’Autre Afrique
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