La date du 6 mars 2016 risque d’être négativement mémorable pour le peuple béninois. Tout le monde crie et veut la paix pour ce pays. Mais le désordre et la désinvolture qui caractérisent la préparation de l’élection présidentielle en vue laisse entrevoir des signes d’un scrutin tacheté d’irrégularités, voire de contestations qui pourraient perturber la quiétude chère au peuple du Bénin.
Plusieurs indices placent le Bénin sur la ligne rouge. D’abord, le désordre remarqué au niveau de tous les états-majors des candidats en cette période de précampagne est extraordinaire. Tous sont en campagne et dans les grandes villes du pays, les affiches sont déjà posées et les réunions d’appels à voter se déroulent déjà, contrairement aux prescriptions du code électoral. L’argent a pris le dessus et la conscience du peuple est visiblement manipulée. A environ deux semaines du scrutin, l’horizon est toujours sombre et même les cinq candidats en tête ne sont pas encore identifiés. Ce n’est pas ordinaire. C’est plutôt inquiétant ; car on s’imagine déjà le comportement des militants et sympathisants des différents candidats au soir du 6 mars. Contrairement aux habitudes antérieures, les organisations de la société civiles s’intéressent peu à la transparence et au déroulement pacifique de l’élection. Les appels à la paix et à la non-violence viennent à compte à gouttes.
Ensuite, la Commission électorale nationale autonome (Céna) peut se dire prête. Mais les autres institutions qui doivent l’accompagner dans l’accomplissement de sa mission sont loin de réussir leur devoir. Le Conseil d’orientation et de supervision de la liste électorale permanente informatisée (Cos-Lépi) a déjà échoué. La Cour constitutionnelle a dit avoir pris ses responsabilités en déchargeant l’équipe de Augustin Ahouanvoébla. Mais la décision laisse des doutes et inquiétudes. La recommandation de la Cour constitutionnelle qui consiste à voter avec l’ancienne carte (pour ceux qui n’auront pas pu avoir la nouvelle) est très grave et porte entorse au principe d’égalité des chances. Comment, dans un même pays et pour une même élection, des citoyens peuvent être autorisés à aller voter avec de différentes cartes d’électeurs ?
Cette décision de la Cour ouvre aussi le boulevard aux fraudes massives. Pire, cette décision pourrait priver une bonne partie des populations de leur devoir civique. Des localités entières peuvent ne pas voter ainsi que des générations. Les localités dans lesquelles la distribution ne pourra pas être effective et totale verront les nouveaux majeurs privés de leurs droits de vote. La Cour constitutionnelle donne simplement l’occasion d’effectuer un vote partiel sur le territoire. L’autre conséquence est aussi le faible taux de participation à cette élection. Mais en réalité, certains candidats seront pénalisés au détriment de leurs adversaires. Personne ne le souhaite. Mais la situation, telle qu’elle se présente, risque de conduire à ce qu’on n’espère jamais pour ce pays. Quel serait le comportement des nouveaux majeurs et des citoyens qui seront privés de vote ?
Sabotage contre l’unité nationale ?
Le député Augustin Ahouavoébla a fauté. Peut-être qu’il s’est confié à des machines qui n’ont pas pu répondre, selon le chronogramme défini. Mais en réalité, on peut penser à un acte prémédité. Comment peut-on convoquer le corps électoral depuis avril 2015 et installer l’équipe du Cos-Lépi en juillet 2015 sans pouvoir mettre tout en œuvre pour être prêt à bonne date ? Les seules choses réussies par cette équipe ne sont rien d’autre que des missions à l’étranger offertes par affinité à des copains et frères. En dehors de quelques Béninois de l’Etranger qui ont été servis, les près de 4 millions de Béninois vivant au pays attendent leurs cartes. L’ouverture de la campagne est pour vendredi et à ce jour, des citoyens béninois ne savent pas encore avec quoi ils iront aux urnes.
A vraie dire, il s’agit simplement d’un complot contre la paix et la sécurité nationale. Le Gouvernement et le Cos-Lépi ont simplement opté pour le basculement. Personne ne peut comprendre qu’un gouvernement a pu convoquer le corps électoral depuis avril 2015 et n’aie pas pu veiller au travail des institutions en charge de l’élection présidentielle. Il y a des doutes sur le crédit du scrutin présidentiel en cours de préparation en République du Bénin. On ne peut donner aucun crédit pour une élection dont on autorise la participation avec deux types de cartes d’électeur. C’est clair que des contestations naîtront au soir du 6 mars prochain, si la Cour ne revoie pas sa décision. Ce n’est pas un souhait. Mais à l’allure où vont les choses, les Institutions compétentes risquent de rater leurs missions respectives.
F.F