Par : Is-Deen O. TIDJANI
Beaucoup sont les béninois qui s’interrogent sur les réelles motivations du candidat de l’Alliance Républicaine <
-Qu’est-ce qui explique l’état actuel de notre agriculture ?
L’agriculture n’est pas financée dans notre pays à hauteur de ses besoins. Elle est peut-être financée à hauteur du 20ème de ses besoins. On est dans la lignée d’un siècle d’économie qui n’a pas financé l’agriculture.
L’agriculture coloniale n’était pas financée et depuis l’indépendance, c’est l’agriculture qui a financé le reste de l’économie. C’est avec les recettes du palmier à huile qu’on a beaucoup financé l’Etat, puis quand la palmeraie en a souffert et est à peu près morte, c’est avec les recettes du coton qu’on a continué à financer l’Etat. Donc, ce n’est pas l’Etat ou les banques qui financent l’agriculture, c’est l’agriculture qui finance l’Etat.
Et ça c’est quelque chose qui est à casser. Il faut faire un effort très important de financement de crédit, de capital pour l’agriculture.
-Sur quels atouts peut-on aujourd’hui miser pour redorer le blason de notre agriculture béninoise?
A la différence de beaucoup de pays, on est un pays qui a encore la moitié de sa surface agricole utile en terres arables et donc on peut y installer beaucoup de jeunes puisque les terres existent. Les communes en disposent et sont parfaitement prêtes à le faire.
Mais Il faut qu’il y ait des outils de crédit agricole sinon cela ne se fera pas. Dotons-nous de ces outils et vous verrez que même si un jeune sur deux réussit, les gains réalisés par celui-ci couvriront les pertes réalisées par celui qui n’aura pas réussi éventuellement et permettront de dégager du bénéfice.
-Quelle solution préconisez-vous pour changer cet état de choses ?
Il faut créer une banque agricole, si possible privée ou mutualiste, très décentralisée avec un guichet de microcrédit rural et un guichet de crédit plus important pour les coopératives et les exploitations plus grandes. Pourquoi ? Parce que ça casse l’endettement des paysans entre les mains des usuriers. Ce qui est fondamental car c’est l’un des plus grands ressort de la pauvreté dans notre pays. Des agriculteurs vont jusqu’à céder toutes leurs terres parce qu’ils sont dans la main des usuriers.
Une structure comme ça permet aussi à des jeunes de s’établir dans l’agriculture. C’est un chaînon manquant. La plupart des pays du monde ont ça, mais nous n’avons pas cet instrument-là. Il faut un crédit agricole au niveau de chaque arrondissement parce que c’est à ce niveau que se passe le financement de l’agriculture.
-L’agriculture, ce n’est pas très glamour. Quid des infrastructures et de la croissance à deux chiffres ?
Attention. Ça ne change rien au fait que je veux les aéroports, je veux le port, je veux la boucle ferroviaire, je veux les hôtels de la route des pêches, je veux les touristes, à Ouidah, à Abomey, à la Pendjari, je veux des fermes de serveurs refroidis à l’électricité solaire, je veux des autoroutes à péages, mais simplement, si j’ose dire, ça c’est le plus simple. C’est ce qui fait de la croissance à deux chiffres.
Mais la responsabilité des hommes politiques dans ce pays, ce n’est pas seulement de faire de la croissance à deux chiffres pour que les plus riches deviennent plus riches. On peut faire une société d’inégalités. C’est facile si on ne se concentre que sur les grands projets de croissance.
Mais, ce qui produit autant de résultats macroéconomiques que l’aéroport, les chemins de fer, le port, l’autoroute et l’hôtel, c’est: une tonne de plus, c’est un cabri de plus, c’est un demi-litre de plus. Si vous regardez bien, le port vit de ce que l’on exporte plus de maïs, plus de noix de cajou. Ma seule justification du péage, c’est qu’il y aura plus de camions qui vont transporter d’avantage de produits.
C’est donc important que le cotonculteur passe de 950 kg à l’hectare à une tonne parce que si vous multipliez ça par un certain nombre de dizaine de milliers de contonculteurs, c’est ce qui remplit les camions qui circulent sur nos routes, c’est ce qui justifie le port. Et On peut réaliser ça. En 5 ans, on peut passer de deux à trois tonnes. ça n’impressionnera personne, mais ça doublera les revenus.
Vous savez, ce sont de petites victoires. Mais elles changent tout. Par exemple, Il n’y aurait pas de Chine moderne aujourd’hui sans les progrès considérables de la paysannerie. Dans l’histoire du monde, la petite hydraulique rurale, cette hydraulique, la plus simple du monde, les petits barrages de terres, les petites retenues d’eau, sont plus importants que les révolutions culturelles. Et l’hydraulique de base c’est ce dont on a besoin dans la vallée de l’Ouémé.