Les candidats à l'élection présidentielle, une brochette de plus d'une trentaine, courent par monts et par vaux. A côté, sept autres coureurs s'activent. Il nous plaît de leur décerner la palme politique de l'endurance. Ces marathoniens hors du commun méritent notre attention et notre intérêt. Chacun d'eux est le meilleur en son genre. Chacun d'eux court comme il peut et à son rythme. Aucun d'eux ne fait des vagues. Encore moins ne s'entoure de ce qui fait la vogue. Les uns et les autres ne sont pas moins présents dans l'espace public de la politique.
Appelons, pour ouvrir le ban, Atao Hinnouho. Il est à l'image du roseau. Il plie là où les grands arbres se cassent et se fracassent. Qui a vraiment remarqué que son parti, le Réseau Atao, a accompli un véritable exploit. C'est, en effet, la seule formation de l'échiquier politique, à réussir à désigner en son sein un candidat. Ici et là, les leaders, charismatiques ou non, ont choisi de se casser. Ils se sont mis au garde-à-vous. Ils se liquéfiés dans l'anonymat. Ils se sont alignés en rang d'oignons derrière des candidats non politiques. Face à quoi, l'exploit d'Atao Hinnouho a valeur d'exemple. Il mérite d'être salué.
Madame Marie-Elise Gbèdo est incontestablement la marathonienne béninoise de la présidentielle. Candidate la toute première fois en 2001, elle est entrée dans l'histoire politique nationale. C'est la première femme à avoir osé franchir le Rubicon. Elle n'a cessé, depuis, de tutoyer la toge du premier magistrat de la République. Elle reste le symbole vivant du genre dans une société fortement masculine comme la nôtre. Et c'est Martin Luther King qui a raison : "Avoir la foi, disait-il, c'est monter la première marche même quand on ne voit pas tout l'escalier."
La professeur Antoine Détchénou est, comme on dit, un vieux de la vieille. Il a posé ses valises en politique dès les premières heures de l'accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale. De cette position avancée, il se compte au nombre des pionniers qui tentèrent de faire émerger un jeune Etat, encore dans les langes du colonialisme, à la pleine responsabilité d'un Etat adulte. Le coup d'Etat militaire du 26 octobre 1972 qui renversa le Président Justin Tométin Ahomadégbé l'a trouvé comme directeur de cabinet de ce dernier. Aujourd'hui, en 2016, il n'a pas trahi ses premières amours. Son militantisme n'a pris la moindre ride. On peut le dire ainsi, la politique est sa seconde famille. Actif comme pas possible, il défie l'âge de ses artères. Fabuleux démenti au fameux axiome de Cazalis !
Le professeur Irenée Zinsou est le père géniteur du candidat Lionel Zinsou. Depuis que son fiston a déboulé dans l'arène publique, affirmant ses ambitions présidentielles, il bat ferme campagne. Des hauteurs de ses 90 ans, il veut en être la plus sûre caution auprès des dignitaires, souverains et autres têtes couronnées du pays. S'il ne montre aucune fatigue à tenir ce rôle éprouvant de mentor, c'est que la famille a ses raisons que la politique ne connaît point.
Le Président Nicéphore Dieudonné Soglo a dirigé les destinées de notre pays. Il a été, une décennie durant, l'édile de Cotonou. Alors que certain lui souhaitaient une retraite tranquille, voici que l'homme reprend du service. Il se signale, avec éclat, dans la campagne en cours. Il donne de la voix, s'autorisant de tirer à boulets rouges sur l'un des candidats. Ce qui le met en porte à faux avec son parti, la Renaissance du Bénin (RB) dont il est pourtant le président d'honneur. Mais l'homme n'en a cure. Au grand désespoir de Liady Soglo, son double successeur à la tête du parti et à la Mairie de Cotonou.
Enfin, le professeur Albert Tévoèdjrè qui se double désormais de "frère Melchior". L'homme a été de tous les combats politiques, depuis sa tendre jeunesse jusqu'aux pentes raides et vertigineuses du grand âge. La présidentielle 2016 ne le surprend point dans une maison de retraite. Comme toujours, il se tient aux avant-postes. Il multiplie les annonces et les alertes. Il anime des conférences de presse. Avec sa théorie de "la conscience en action", il se retrouve sans la vision du candidat de "la nouvelle conscience". Mais au-delà du temporel, il prophétise les temps nouveaux sous le signe du dialogue interreligieux. Albert, sur la terre des hommes, nous a entrouvert les portes du "Minimum social commun". Frère Melchior, les yeux rivés sur demain, promet de nous conduire vers les verts pâturages de l'Eden éternel.
Jérôme Carlos