La plate-forme électorale des Osc du Bénin est une coalition des Organisations de la société civile engagée dans les questions de la gouvernance démocratique et de l’édification de la paix. En cette veille de l’élection présidentielle au Bénin, cet outil a été renforcé avec de nouvelles approches en vue d’un scrutin apaisé. Dans cette interview, sa présidente, Fatoumatou Batoko Zossou, explique les raisons qui sous-tendent cet instrument et exhorte les acteurs impliqués dans le processus électoral à jouer convenablement leur rôle pour un scrutin sans anicroche.
La Nation : Qu’est-ce qui justifie la mise en place de la plate-forme des Organisations de la société civile (Osc) à la veille de l’élection présidentielle?
Fatoumatou Batoko Zossou : La mise en place de la Plate-forme des Organisations de la société civile ne date pas d’aujourd’hui. Appelée au départ sous le vocable ‘’FORS élection’’, elle vise à accompagner le processus électoral. A chaque élection donc, les organisations de la société civile travaillent en synergie afin de suivre le processus électoral. La présente plateforme a le soutien de Open society initiative for west africa (Osiwa), du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), de la Coopération suisse, de l’Union européenne et de l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique.
L’instrument technique qui soutiendra le suivi du scrutin est mis à la disposition de la plate-forme avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) et de Open society initiative for west africa (Osiwa). La nouvelle méthode de suivi des élections et le dispositif qui l’accompagne nous a permis de faire adhérer beaucoup d’ONG à la cause. La plate-forme compte aujourd’hui plus de deux cent ONG en son sein qui sont présentes dans les 77 communes du pays.
Les processus électoraux ne connaissent souvent un aboutissement heureux que lorsqu’il y a une synergie d’actions des structures concernées et des organisations de la société civile autour de l’enjeu. Nous avons des ressources humaines, des compétences et des forces complémentaires. Nous avons pris conscience que les processus électoraux sont des facteurs de conflits dans les pays africains. Nous sommes conscients que plus on y veille, mieux cela est pour la sécurité, la paix et le développement.
Vous semblez nous rassurer qu’avec les efforts conjugués des Organisations de la société civile, que le Bénin sortira grandi de l’élection présidentielle du 6 mars prochain, objet de beaucoup d’inquiétudes.
C’est notre vœu le plus cher et la plate-forme y travaille activement. Nul n’a le droit de semer la confusion dans notre pays et au sein des populations. Les politiciens doivent faire preuve de respect dans leurs relations avec les citoyens. Si tout tourne au vinaigre, quel pays dirigeront-ils au lendemain de l’élection ? Quel peuple auront-ils à diriger après une crise électorale ?
Quels sont les volets sur lesquels la plate-forme va accentuer ses actions pour une élection sans accroc?
Les chantiers de la plate-forme se résument aux activités de ses chambres. Elle dispose d’un outil dénommé ‘’Election Situation Room’’(Esr). L’Esr comporte des chambres et un plateau technique auquel seront arrimés nos observateurs qui seront déployés sur le terrain. Lesquels observateurs auront donc un logiciel qui leur permettra d’être connectés avec le plateau technique, via des codes. Ils recenseront et enverront sur le plateau technique, les difficultés, les fraudes, les violations, les comportements susceptibles de créer des tensions. A leur tour, les techniciens de plateau décodent les informations reçues et les portent à la chambre des analystes. Composée de plus d’une dizaine de personnalités, à savoir des juristes, des politologues, des éducateurs, des sociologues, des statisticiens,… la chambre des analystes recueille les informations du plateau technique en vue de les étudier de la façon la plus méthodique possible. En ce qui la concerne, la chambre des analystes situe les problèmes recensés, formule des propositions pour leur résolution, les transposent ensuite à la chambre de réponse. Laquelle chambre de réponse composée des anciens généraux, des anciens ambassadeurs, des anciens députés, des juristes, réagissent à leur tour à travers leurs contacts afin d’amener les gens à solutionner les différents problèmes posés par les observateurs.
Notre activité sur la plate-forme est comme vous pouvez vous en rendre compte, une observation active. Nous réagissons promptement aux alertes données par nos observateurs sur le terrain en même temps que nous essayons de voir si les réponses données sont conformes aux difficultés recensées et nous veillons à leur suivi. Pour son efficacité, la plate-forme est en connexion avec la Commission électorale nationale autonome (Cena) à qui elle a présenté son outil et avec qui elle avait déjà collaboré lors des élections communales et législatives passées. A travers notre plateau technique et nos diverses chambres, nous avons pu régler beaucoup de problèmes lors des précédentes consultations électorales notamment, les sources de conflits. En principe, il n’y a pas vraiment à craindre pour cette élection présidentielle parce que l’observation active est un facteur de veille efficace.
C’est vous qui conduisez la plate-forme électorale des Osc du Bénin. Est-ce là aussi le combat en faveur de l’égalité du genre ?
Aucunement ! Dans le cas d’espèce, il s’agit d’un scrutin. Avant cette élection présidentielle, c’est le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), qui avait convié les Organisations de la société civile au temps des élections législatives où nous avons été choisis par nos collègues pour conduire le comité de pilotage de ladite plate-forme. Il s’en est suivi une élection à l’issue de laquelle j’ai été élue présidente. Il ne saurait en être autrement, lorsqu’on sait que mon ONG de base ’’ WANEP-Bénin’’ travaille à la construction et au renforcement des relations pacifiques et nous avons une très grande expérience en matière de suivi des élections.
Quelle appréciation faites-vous du nombre de candidatures féminines dans la course électorale, encore que nous avons enregistré tout récemment un désistement ?
Les femmes sont en train de comprendre progressivement qu’elles doivent s’imposer sur la scène publique. On ne peut pas prétendre développer une nation quand la plus importante frange est en marge de ce processus. L’information est capitale pour l’avancement de la démocratie. Elle est primordiale pour le progrès. La bonne information favorise la prise des bonnes décisions. Lorsque les femmes ont le pouvoir décisionnel, elles seront mieux informées pour prendre les bonnes décisions. Ce qui va influer sur le comportement du reste des femmes. Au départ, le Bénin enregistrait une seule candidature féminine. Aujourd’hui, le pays en compte trois. Certes, je regrette le retrait dans le rang des femmes, mais j’estime tout de même que ce désistement a dû être bien mûri et de notre côté, nous ferons en sorte qu’à l’avenir, il y ait plus de candidatures féminines aux différentes élections. Cela se fera par la mise en place des partis politiques qui vont les soutenir. Nous notons une faiblesse dans le rang des femmes qui bénéficient de très peu de soutien des partis politiques. Il y a besoin que les femmes aussi comprennent que si l’on veut être président de la République, il faut une grosse machine de soutien derrière soi pour réussir. Ce travail est notamment du ressort des Organisations de la société civile qui doivent œuvrer à ce que les femmes comprennent que leur participation à la gestion des affaires de la cité est capitale et que sans cela, quelque soit l’éclairage et la volonté d’un dirigeant, s’il ne les associe pas à sa gestion, il ne saurait y avoir un réel développement.
Quels sont vos souhaits pour une élection présidentielle apaisée ?
Pour un bon déroulement du scrutin, toutes les structures impliquées doivent jouer convenablement leur partition. Je saluerai d’abord le rôle combien important que jouent les journalistes. Nous ne sous-estimons pas leur rôle mais cela n’est pas encore suffisant. Il faut davantage de sensibilisation à l’endroit des populations. Les paroles qui sortent de la bouche de nos politiciens ne sont pas toujours de nature à apaiser le peuple. Leurs comportements non plus ne sont pas de nature à leur donner confiance. Si les populations doivent aller aux urnes avec des idées préconçues, cela peut entacher la quiétude et la paix. A la société civile, nous jouons déjà notre partition avec des moyens limités. J’estime que les journalistes ont encore plus de moyens de se faire entendre. La contribution des radios locales qui reprennent les informations et sensibilisent les populations en langues locales est très importante. Il est question ici de diffuser beaucoup d’informations apaisantes dans les langues nationales majoritairement parlées. L’élection présidentielle doit se dérouler de manière apaisée. Chaque citoyen est libre de choisir son candidat. Même si ce dernier échoue à la compétition électorale, cela ne devrait pas empêcher son parti d’accompagner le président élu. Autrement, c’est tout le peuple y compris eux qui en ramasseront les pots cassés. Et la tendance ne pourrait être inversée que si chaque acteur impliqué travaille pour rassurer les populations à divers niveaux¦
Maryse ASSOGBADJO