La campagne électorale donne l’occasion de découvrir les candidats qui se sont préparés pour la fonction présidentielle. A l’analyse des posters de propagande, ceux des candidats de la rupture sont plus expressifs et captivants, tandis que les images du candidat de l’alliance républicaine, Lionel Zinsou, illustrent une spontanéité dans la course à la Marina.
Le candidat de la « Nouvelle conscience », Pascal Irénée Koupaki, à travers deux de ses affiches, montre clairement qu’il s’est préparé pour occuper le fauteuil de président de la République. L’une des affiches présente le candidat, qui entend faire du Bénin un pays apprenant, un pays entreprenant et un pays innovant, sous fond du courage, de la foi et de l’abnégation (Cfa), comme une personnalité qui connaît les réalités de sa Patrie. Droit sur le poster et indiquant la voie à suivre, le message qui accompagne l’effigie de Pascal Irénée Koupaki est tout aussi court qu’expressif. « Avançons … » Cette phrase verbale a une double valeur. La première, est injonctive. Il s’agit de l’autorité qui imprime la norme à suivre sous un ton impératif. Dans un contexte où le pouvoir d’Etat a été désacralisé, il faut parfois être impératif pour restaurer l’autorité. La deuxième valeur, est celle de l’exhortation. Ici, il est question de faire fi du passé pour aller à l’action. Le deuxième poster qui retient l’attention est celui sur lequel il tient un petit enfant en présence de sa tutelle, probablement sa mère. Le sens qu’il convient de donner au texte intitulé « Prenons soin des citoyens de demain » est la capacité du candidat à donner de la considération au statut de l’enfant. Il s’agit d’un usage esthétique de la langue de Molière. Les deux morceaux choisis parmi tant d’autres messages et posters de campagne sont l’expression évidente d’un candidat qui a mis son ingéniosité à prospecter le terrain, à répertorier les problèmes des citoyens, à formuler une vision, à décliner les problèmes en objectifs et à rechercher les solutions les plus efficaces dans la durée. Cela va de soi que l’ancien collaborateur émérite du président Yayi Boni s’est préparé à la fonction de président de la République.
Même style pour Bio-Tchané
Abdoulaye Bio-Tchané qui se positionne comme l’héritier de feu Mathieu Kérékou, entend lutter contre le régionalisme et ethnocentrisme qui ont caractérisé le régime du président Yayi Boni. De même profil professionnel que Pascal Irénée Koupaki, Abdoulaye Bio-Tchané supplante son concurrent sur ses expériences de Directeur Afrique du Fonds monétaire international (Fmi), de président de la Banque ouest-africaine de développement (Boad) et de président du conseil d’administration du Fonds africains de garantie et de coopération économique. Déjà candidat en 2011, où il avait bravé les tempêtes pour rivaliser avec son prédécesseur de la Boad, Yayi Boni, le leader de l’Alliance Abt, sorti 3ème de ces joutes, capitalise beaucoup d’expériences. Cela se traduit sur ses affiches de campagne. Les messages tirés de son projet de société sont illustrés à l’aide d’images de terrain. Le regard scrutant l’horizon, Abdoulaye Bio-Tchané rassure ses compatriotes. Le thème central de sa campagne est « Agir ensemble. » Et cet ensemble est écrit avec des amas de foules, symbolisant le peuple. C’est à partir de l’action commune que Bio-Tchané aborde les grands axes de son projet de société. Les affiches exposent clairement qu’à chaque thème correspondent des images appropriées. Ainsi, lorsque Bio-Tchané évoque la question des infrastructures, il l’accompagne d’images de rêve. Lorsqu’il évoque les thématiques d’électricité, de micro-crédits aux femmes ou d’emplois des jeunes, il les illustre convenablement. Dans le domaine de la communication, une telle symphonie entre les images et les textes, donne de la valeur ajoutée à la publicité. Et ceci n’est pas un effet de hasard. Abdoulaye Bio-Tchané, à tout point de vue, s’est aussi préparé à assumer les plus hautes fonctions de la République.
Patrice Talon ou le vrai candidat de la Rb originelle
Déjà en août 2015, l’ex-ami du président Yayi Boni, contraint à l’exil à Paris, a formulé sa candidature. Le 17 août précisément, sans ambigüité, il annonçait d’aller lui-même au charbon. Depuis cette date, il s’est résolument mis au travail. Il s’est entouré de beaucoup de cadres constitués en laboratoire d’expertise. Quelques descentes sur le terrain à partir d’octobre lui ont permis de jauger sa cote de popularité et de ramener dans son état-major des images qui créent l’émotion. Patrice Talon dans les bras d’une maman dont l’expression du visage révèle toute son admiration à l’importateur des intrants de la filière coton, est une image forte et captivante. Sa culture dans l’emploi de la langue Fon fait de lui le candidat le plus adulé des militants de la Renaissance du Bénin (Rb) de Me Rosine Vieyra Soglo. Victime des exactions d’un pouvoir aux abois, Patrice Talon, qui occupe bien l’espace des affichages est le candidat qui veut donner une nouvelle chance au Bénin à travers « Un nouveau départ ».
Sébastien Ajavon, la révélation
L’opérateur économique spécialiste de l’agro-alimentaire fait une campagne de charme. Il est très présent dans tous les quartiers de Cotonou et les artères de la capitale économique. « Réussissons ensemble » est son thème de rassemblement. Contrairement à Pascal Koupaki et Abdoulaye Bio-Tchané, Sébastien Ajavon inonde l’espace des affiches avec son effigie mettant en exergue sa beauté. Les affiches réalisées ne portent pas assez de messages variés et illustrés. Cependant, il démontre sa capacité à mener jusqu’à terme une campagne époustouflante.
Les efforts de Gbian
Handicapés par le défaut de soutien de l’Alliance Soleil, sous la bannière de laquelle il a été élu député, le Général Gbian Robert (Ggr) a fait des efforts remarquables pour une entrée sur scène en politique. Candidat à la présidentielle pour la première fois, le fils de Ina dans la commune de Bembèrèkè situé à plus de 500 km au nord-est du Bénin fait une offensive à Cotonou. Prônant essentiellement l’unité nationale, Robert Gbian a une attention pour les personnes sous tutorat de leurs parents. A cet effet, il a posé avec un enfant témoignant ainsi son affection pour cette catégorie de personnes. Il est aussi préoccupé par le développement de l’agriculture et les posters illustrés en sont des preuves tangibles. Cela démontre bien que l’ambition de briguer le fauteuil de la Marina par cet officier de l’armée ne date pas d’hier.
La spontanéité de Lionel Zinsou
Comme un cheveu dans la soupe, Lionel Zinsou, qui s’efforce d’établir en vain un lien entre sa personne et ses origines, n’était pas du tout attendu au rendez-vous de la présidentielle de 2016. Encore dubitatif, il l’a annoncé timidement et sans conviction le 3 novembre 2015. Soit à moins de 4 mois de la date initiale fixée au 28 février 2016. Cette spontanéité se traduit dans les actes de sa campagne électorale. Sébastien Ajavon, l’un des candidats qui disposent d’assez de soutiens politiques, n’a pas jugé utile de faire figurer sur ses affiches les images de ses supporters. A l’inverse, Lionel Zinsou n’a que ça sur ses quelques posters. Il est en duo avec Léhady Soglo pour témoigner sa proximité avec les citoyens de Cotonou. Idem à Porto-Novo avec Adrien Houngbédji. Sur quelques rares affiches, Lionel Zinsou est avec des anonymes comme s’il s’agissant d’un assemblage grotesque des images. Sur les affiches visibles, aucune ne crée de l’émotion. Au contraire, son regard furtif et craintif donne l’impression qu’il ne s’est véritablement pas préparé pour une élection présidentielle au Bénin. Ces détails qui ne peuvent échapper à l’attention d’un analyste d’images, sont simplement la preuve de ce que le candidat du président Yayi Boni, du président Adrien Houngbédji et du président Léhady Soglo a été contraint de défendre les couleurs d’une coalition hétéroclite en proie à des clivages internes. En définitive, il est à retenir que le savoir-faire ainsi que les ambitions des candidats qui se sont préparés à succéder au président Yayi Boni découlent des images scéniques que sont les posters de campagne.
Jean-Claude Kouagou