Avec les nombreuses marches de soutiens et prières organisées pour soutenir sa personne, le chef de l’Etat sortant est l’homme politique qui a, sans doute, le plus instrumentalisé et abusé le fait religieux ces dernières années. Les analystes politiques ont dénoncé en son temps la forte présence des évangélistes et leur action au palais de la République. Autant dire que le choix du prochain président dépendra beaucoup de sa capacité à percer les milieux religieux.
Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, l’opinion des religieux est absente de la campagne de l’élection présidentielle et ses différentes thématiques. Certes, le Bénin est un pays laïc, mais le poids des traditions et le fait religieux y sont encore des déterminants importants. En effet, dans sa discrétion diplomatique habituelle, et dans son silence assourdissant, on sait que l’Église catholique est toujours fortement courtisée par les différentes écuries. Le scrutin présidentiel à venir n’a pas dérogé à cette règle. Nombre d’entre les candidats en lice se sont d’ailleurs très tôt réclamés d’obédience catholique. Espérant de ce fait un coup de pouce ou des consignes en leur faveur. Mais aujourd’hui et, à quelques jours de la date de l’élection, avec l’absence de ces consignes, on ne peut encore dire qui pourrait emporter les suffrages du monde catholique béninois. Tout au plus, le Clergé s’était-il borné, il y a quelques semaines, à mettre en garde les forces politiques en présence, les exhortant à circonscrire le pouvoir de l’argent et son influence dans l’isoloir. A côté de l’Église catholique, les leaders musulmans et les adeptes des religions traditionnelles comme le vaudou, participeront, eux-aussi, en filigrane au choix du prochain président. On sait que les couvents et chefferies traditionnelles sont déjà pris d’assaut par les personnalités politiques. C’est de bonne guerre. Le poids de ces entités n’est pas négligeable. Le vote étant souvent ethnique au Benin, l’influence du fils du terroir reste une donnée incontournable. C’est peut-être l’agrégat et l’addition de chacun de ses facteurs qui fera le vote. Pour autant, à l’étape actuelle, aucun candidat ne bénéficie encore d’un soutien clair et affirmé des leaders religieux. D’Abdoulaye Bio Tchané à Patrice Talon, en passant par Sébastien Germain Ajavon, Pascal Koupaki et Lionel Zinsou, pour ne citer que ces gros calibres, personne ne peut encore revendiquer ou se prévaloir des suffrages des catholiques, des musulmans, des évangéliques ou des religions traditionnelles.
« Banamè » et l’E.c.c, de nouvelles forces politiques ?
Mais, il y a d’autres forces politiques nouvelles apparues ces dernières années du fait de l’évolution sociologique du pays, des satellites des grandes religions, qui peuvent créer la surprise. Par exemple, l’appel de « Parfaite, dieu de Banamè », ne peut laisser indifférent. Depuis quelques années, ce phénomène religieux à la base d’un schisme au sein de la vielle dame catholique, et d’une importante saignée de ses fidèles, a fini par cristalliser les passions. Et malgré, la guerre qui leur est faite, Parfaite et ses adeptes poursuivent cahin-caha leur chemin. « Banamè », de simple curiosité, est devenu une réalité plutôt tangible, qui draine une certaine foule. Or, depuis quelques jours, l’église de Gbanamè fait une intrusion dans l’arène politique, et appelle au vote de la rupture. Son candidat est même connu. Si les consignes de vote données par le dieu de Gbanamè venaient à être respectées pas ses adeptes, ce sera un bon apport pour le candidat bénéficiaire. Il reste donc le vote des fils de l’église d’ Oschoffa, l’Église du christianisme céleste (E.c.c), l’une des religions les plus pratiquées dans le pays. Depuis l’époque de leur leader, feu Benoît Agbaossi en effet, les célestes ont été toujours courtisés par différentes officines politiques qui leur font des yeux doux. Le prochain scrutin est déjà au centre de moult tractations au sein de l’Ecc. L’aile Patrice Talon y est représentée par le député Patrice Nobimè qui y défend son candidat, et essaie de ratisser large. Les partisans de Lionel Zinsou et Sébastien Ajavon, eux aussi, ne veulent pas rester en marge, et se faire dicter la loi. Selon les observateurs, il ne faut pas compter sur le Pasteur Benoît Adéogoun, patron de l’ Ecc, pour donner une consigne ou indiquer la marche à suivre à ses nombreux fidèles. Ce n’est pas dans les habitudes de la maison, ni des grands leaders religieux. Les jeux ne sont donc pas encore faits pour l’élection du 6 mars prochain.
Wilfrid Noubadan