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Election présidentielle du 6 mars 2016 ; Le secret des grandes mobilisations
Publié le mardi 1 mars 2016  |  La Presse du Jour
Ambiance
© aCotonou.com par CODIAS
Ambiance électorale au village de campagne du candidat Lionel Zinsou
Cotonou 28 fevrier 2016. Ambiance électorale au village de campagne du candidat Lionel Zinsou




Tapis rouge, chants, danses, clameurs et autres artifices accueillent les candidats en campagne pour la présidentielle du 6 mars 2016 dans toutes les contrées du Bénin. A chaque étape de leur périple, la mobilisation est toujours à son comble.


La campagne pour la présidentielle du 6 mars 2016 se déroule globalement bien au Bénin. Mis à part quelques incidents signalés çà et là et accompagnés d’une forte dose d’intoxication dont les réseaux sociaux sont passés maîtres, chaque candidat engagé dans cette course à la succession de Boni Yayi au Palais de la Marina parvient à aller à l’assaut de ses électeurs. Aucune contrée du Bénin n’a de secret pour ceux qui se sont engagés à fond dans la course. Pascal Iréné Koupaki, Patrice Talon, Sébastien Ajavon, Lionel Zinsou, Abdoulaye Bio Tchané, Aké Natondé, Atao Hinnouho, Fernand Amoussou, Edah Daniel et les autres sillonnent sans aucune résistance les coins les plus reculés du Bénin. Les titres qui bardent la «Une» des journaux béninois démontrent à souhait que tous ces candidats font le plein partout où ils passent. Non ! Il n’y aura pas de morceaux choisis. Mais que ce soit à Sèmè, Kouandé, Péhunco, Nikki, Abomey-Calavi, Djakotomè, Banikoara, Gogounou… chaque candidat s’arrange toujours pour faire le plein des lieux de meeting. Derrière cet exploit se cache un secret porté par une véritable machine des élections.


« Au Bénin, les élections sont un véritable moment de vache grasse pour tout le monde et particulièrement pour nous les prestataires de services », avouent Régina. Elle a pion sur rue à Cotonou. La trentaine environ, cette ancienne diplômée de la Haute Ecole de Commerce et de Management du Bénin (HECM) s’est spécialisée dans l’événementiel. Sans être politicienne, elle est connue de pas mal de personnalités. Pour cette élection présidentielle, les nombreuses sollicitations qu’elle a l’étouffent déjà. C’est en effet elle qui a fourni à pas mal de candidats ces jeunes filles chichement habillées et qui agrémentent les caravanes de campagne. C’est avec elle qu’on a pu percer le secret de ces grandes mobilisations que nous voyons souvent lorsque tel ou tel candidat organise un meeting. Selon Régina et d’autres sources auxquelles nous nous sommes abreuvés, le mode opératoire est tout simple. « Pour un meeting qui dure environ 45 mn dans les quartiers, on exige de nos clients un forfait de deux millions de F Cfa. A cela s’ajoutent les posters, les banderoles et autres étrennes de campagnes que nous leur demandons. Le reste on s’en occupe. Dans les deux millions de F Cfa, chacun y trouve son compte. Des Chefs quartiers aux militants circonstanciels en passant par les autres prestataires que sont les loueurs de chaises, de podium, de bâches… Le réseau est bien huilé et avec la technique de bouche à oreille (téléphone arabe), nous parvenons à mobiliser le monde qu’il faut en un rien de temps » a confié Régina.


L’argent : l’incontournable appât


« Il n’y a pas autre chose qui attire les jeunes que vous voyez souvent derrière les candidats. C’est le fric, l’argent », avoue Assogba, jeune déscolarisé rencontré dans la nuit du 24 février 2016 à Porto-Novo au siège de campagne du plus jeune des candidats à la présidentielle du 6 mars 2016. « C’est depuis cinq jours que nous venons ici. Nous avons été recrutés par un Monsieur. Je ne le connais pas de nom. Le contrat est clair. On vient les matins. On a pour mission de faire le tour de la ville à bord de véhicules mis à notre disposition par la direction de campagne du candidat. Le soir, nous rentrons avec au moins 1000 F Cfa chacun. Les gens ne veulent pas savoir si nous sommes convaincus ou pas. L’essentiel, c’est de faire le show à travers la ville », explique Assogba soutenu par ses amis très fiers de faire ce boulot saisonnier.
A Louho, un des quartiers populeux de la ville de Porto-Novo, c’est une autre ingénierie électorale qui a été mise en place par les jeunes de ce quartier. Ici, tous les candidats sont les bienvenus. Ils sont accueillis avec la même importance sous une tante dressée pour la circonstance. Lorsqu’un candidat est annoncé, le lieu du meeting est paré par des affiches à son effigie. Quelques minutes après son départ, d’autres affiches à l’effigie d’un autre candidat apparaissent en remplacement des affiches du candidat qui est parti. La machine tourne ainsi dans la discipline du matin au soir. A la fin de la journée, le point est publiquement fait et chaque participant à cette kermesse électorale s’en tire à bon compte. « Les recettes varient d’un candidat à un autre », narre Sègbégnon, un des acteurs de cette ingénierie électorale mise en place par les jeunes de Louho, un des fiefs du Parti du renouveau démocratique à Porto-Novo.


« Nous sommes conscients de ce qui se passe. Tous ceux qui viennent à nos meetings ne sont pas des militants. Il y a aussi les sympathisants et surtout la foule. Nous savons qu’ils ne sont pas convaincus. Mais cela fait toujours bien dans l’opinion publique de savoir que tel candidat a fait carton plein lors de sa sortie, surtout dans une région qui n’est pas son fief électoral. Si vous ne sortez pas l’argent, vous n’aurez personne ce résultat et cela pourrait jouer négativement contre vous », reconnait un membre de la Direction de campagne d’un candidat qui a voulu requérir l’anonymat. Pour lui, l’essentiel est de ne pas crever le plafond fixé par la loi en matière de compte de campagne.


Cette dernière semaine de campagne sera décisive. Les agents mobilisateurs agréés ou occasionnels pourraient monter les enchères. C’est en tout cas ce qui se profile à l’horizon, surtout que certains candidats ne se retiennent pas quand il est question d’arroser les électeurs en billets de banque en toute violation de la loi électorale.

Affissou Anonrin
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