Le premier ministre béninois, Lionel Zinsou, candidat à l'élection présidentielle, le 31 janvier.
Lionel Zinsou, dont la nomination au poste de premier ministre d’un pays dit souverain a reçu l’onction de Paris, est vu par certains comme un maillon de l’éternelle Françafrique. Ou, concept plus en vogue, de l’AfricaFrance, du nom de la fondation qu’il a créée et qui dit souhaiter rétablir les principes d’équité entre les deux entités.
Mais dans la présidentielle béninoise du 6 mars, Lionel Zinsou n’a manifestement pas une opposition à sa hauteur intellectuelle, encore moins à la hauteur des défis urgents du pays. Depuis sa nomination en juin 2015 à la tête du gouvernement, l’ancien banquier est la cible d’attaques racistes inacceptables.
Est-ce un crime d’être métis ?
Au sein de l’opposition béninoise et dans l’espace ouest africain en général, les attaques contre Lionel Zinsou sont quotidiennes. Qu’elles soient relatives à son orientation politique, ses propositions concrètes et sa capacité à diriger le Bénin, soit. Mais qu’elles aient pour seul ressort le racisme et la xénophobie est indigne d’un continent qui souffre, depuis des siècles, d’une vision abjecte basée sur l’inégalité entre les hommes.
Au fond, on reproche à Lionel Zinsou d’être né d’un mariage mixte. Est-ce un crime d’être métis ? Qui, en Afrique, ne vit pas ou ne côtoie pas le métissage dans sa vie quotidienne ? C’est un racisme qu’il faut dénoncer sans équivoque. Une indignation sélective consisterait à ignorer ou banaliser un mal qui risque de gangrener nos sociétés déjà affaiblies par la pauvreté et le déficit démocratique.
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Par manque d’idées ou de véritables propositions pertinentes, une partie de la classe politique béninoise brille par des réflexes de racisme pathologique. La députée Rosine Soglo, ancienne première dame, a ainsi affirmé : « Lionel Zinsou est un Blanc et aucun Blanc ne peut diriger le Bénin. »
Le bilan de Boni Yayi, un homme comme en rêvent parfois les Africains parce qu’il n’est pas issu du sérail politique, est décevant. L’homme finit même par devenir une affligeante caricature de dirigeant usé, dépossédé de sa lucidité, et dont les pitreries alimentent les réseaux sociaux.
Mais en face, quelle alternative ? J’ai souvent critiqué les oppositions africaines. Elles peuvent se révéler pires que ceux-là qui nous gouvernent sans vertu, sans efficacité, sans probité. Et parfois, les alternances – quand elles surviennent – nous font tomber de Charybde en Scylla. Elles ne représentent souvent que des changements de personnes, sans alternative programmatique ni transformation sociale.
Une opposition dépourvue d’idées ?
De fait, l’opposition béninoise semble évoluer dans une terrible vacuité idéologique et programmatique. Ses membres ne proposent aucun projet alternatif et s’en tiennent à de stériles invectives. Elle se complaît dans un minimalisme renversant, ponctué par des salves de propos répugnants sur l’identité de Lionel Zinsou, la couleur de peau ou le nombre d’années passées en France. Et cela alors que le Bénin est considéré comme une exception démocratique en Afrique de l’Ouest…
Il est immoral de faire subir à un peuple déjà martyrisé par la pauvreté ce niveau de débat au sujet de qui est plus noir que l’autre parmi ceux qui se présentent au suffrage universel. On nie décidément tout aux peuples d’Afrique : à l’indignité de leur situation économique, ils doivent ajouter le manque de respect de ceux qui sollicitent, pourtant, leur confiance.
L’irresponsabilité politique n’a décidément pas de limite. Nous avons vu ce que l’ivoirité a provoqué en Côte d’Ivoire. Une décennie de guerre civile. D’ailleurs, ce débat identitaire gagne du terrain en Afrique de l’Ouest. Récemment au Sénégal, on devisait sur le passeport de Karim Wade ou celui de son père.
Si Lionel Zinsou fait aujourd’hui figure de favori à la présidentielle du 6 mars après seulement quelques mois de carrière politique, c’est grâce aux alliances qu’il a nouées, aux idées qu’il a lancées mais aussi grâce au désert politique qui règne dans ce pays. Malgré une multitude de candidats en lice, aucune alternative sérieuse et crédible ne semble sortir du lot.
L’opposition béninoise semble se tromper de combat. Si elle persiste dans cette voie de ne débattre que de l’identité du favori, elle ne récoltera que défaite et déshonneur. Une défaite électorale certaine, et une abomination politique. Qu’est-ce que son attitude raconte de l’avenir de la jeunesse africaine dans la mondialisation ? En Europe, il est inimaginable de se priver des talents de la mixité qui, malgré le débat français nauséeux sur la déchéance de nationalité, est considérée comme une chance, pas un fardeau. L’Afrique ne doit pas régresser en allant à rebours de l’histoire. Sinon, qu’allons nous transmettre à nos enfants, nous, la génération du métissage ?