Comment faire comprendre aux filles et fils du Bénin qu’en dépit de leur grand amour pour leur pays, de leur impression que le pouvoir d’Etat est désormais à même le sol à la portée de quiconque et qu’en dépit de la Constitution du 11 Décembre 1990 qui –dans son état actuel– leur en donne largement le droit… Comment leur faire comprendre qu’en dépit de tous ces facteurs pouvant conférer une certaine légitimité à leurs ambitions, ils ne peuvent pas tous être candidats à la Présidence de la République ?
Sempiternelle question qui revient à chaque veille d’élection présidentielle et qui disparaît des discussions aussitôt le vote terminé, les isoloirs démontés, les urnes rangées et le nouveau Chef de l’Etat investi. Or si on n’y prend garde et si on continue à s’y faire au lieu de s’en faire, il arrivera un moment où il nous faudra un bulletin unique de la taille d’un double format A1 pour espérer y afficher la totalité des candidats. On en aurait peut-être déjà atteint une centaine, des plus farfelues aux plus sérieuses.
Rien que pour la présidentielle du 06 Mars prochain, quarante-huit (48) intentions de candidatures ont été déclarées auprès de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA). Une douzaine d’entre ces prétendants aux fonctions suprêmes à la tête de l’Etat n’a même pas réussi à s’acquitter des 15.000.000 FCfa de caution de candidature exigée par le Code Electoral. Parmi les trente-six (36) restants qui ont reçu l’onction de la Cour Constitutionnelle après l’étape obligatoire de la visite médicale, se trouvaient encore tapis, beaucoup de candidats ‘‘poids plume’’ voire ‘‘menus fretins’’. L’expérience de la campagne et de la précampagne électorales en convainc à satiété.
Depuis plusieurs jours qu’il est offert aux candidats, l’opportunité d’aller au contact des citoyens afin de leur expliquer le bien-fondé de leur candidature et leur vision pour le Bénin, il y en a qui ont disparu des radars. On ne les voit nulle part. On ne les entend nulle part non plus, outre l’entretien radiodiffusé et télévisé de 52 minutes organisé par la HAAC et l’ORTB qui, pour certains candidats, s’est révélé être un vrai supplice. Ils sont incapables de se défendre, de promouvoir leurs propres idées, les prévisions qu’ils ont faites et qui sont censées fonder leur candidature. A maints égards, l’élection présidentielle passe pour une foire de piètre réputation. Au mieux, elle a pris des allures d’élections locales avec des candidats qui ne battent pratiquement jamais campagne au-delà de leur patelin. D’autres n’ont ni posters, ni même affichettes et ne s’en embarrassent d’ailleurs guère.
Si l’on observe la courbe de l’évolution du nombre de candidatures à la présidentielle au Bénin au cours des 15 dernières années – soit considérant les 4 dernières élections présidentielles sur les 6 organisées sous l’ère du Renouveau Démocratique – il est aisé de constater que la tendance est ascendante, dans l’ensemble. En 2001, 17 candidatures avaient été validées sur 21 dossiers enregistrés à la CENA. En 2006, 33 dossiers avaient été déposés à la Commission Electorale, 26 passeront le filtre de la Cour Constitutionnelle. En 2011, nous avions compté sur la ligne de départ, 14 candidats pour 20 déclarations de candidatures reçues à la CENA. Cinq ans plus tard, nous en sommes à 36 candidatures jugées régulièrement constituées sur 48 dossiers inscrits dans les registres de la Commission Electorale Nationale Autonome.
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A l’analyse de ces chiffres, l’on observe également que la présidentielle de 2011 est celle qui a connu le starting-block le moins pléthorique. D’aucuns avaient cru à l’époque que la fameuse courbe ascendante avait amorcé sa chute et qu’on irait désormais decrescendo. C’était sans savoir que le scrutin du 06 mars 2016 émousserait les espoirs en battant des records. La raison en est que les facteurs fondamentaux qui avaient contribué à réduire l’effectif des candidats en 2011 sont tombés entre-temps. En termes de facteurs, il y eut d’abord la mise en place de la coalition UN (Union fait la Nation) à l’initiative de quelques ténors de la scène politique béninoise, sur fond de velléités de candidature unique dans la perspective de la présidentielle de 2011. Au rang de ces ténors, citons en l’occurrence Nicéphore Soglo, Bruno Amoussou, la paire Séfou Fagbohoun/Antoine Idji Kolawolé et Lazare Sèhouéto. En 2006, la plupart d’entre eux étaient encore présidents de leurs formations politiques respectives. Soglo pour la Renaissance du Bénin (RB), Amoussou pour le Parti Social Démocrate (PSD), Fagbohoun pour le Mouvement Africain pour la Démocratie et le Progrès (MADEP) et Sèhouéto pour l’Alliance Force Clé. A l’élection présidentielle de 2006, ces formations politiques avaient présenté chacune, un candidat en la personne du responsable du parti ou de l’alliance de partis, sinon en la personne d’un ‘‘digne héritier’’ choisi par ses soins. A la présidentielle de 2011, ce fut un tout autre schéma puisqu’ils avaient réussi à transcender leur ego et tenir le pari de la candidature unique, rejoints en cours de route par d’autres hommes politiques, eux-aussi candidats malheureux en 2006. On rappellerait à loisir les cas de Sévérin Adjovi et de Kamarou Fassassi. Mais parmi ces ralliements à l’Union fait la Nation, celui du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) de Maître Adrien Houngbédji a été le plus retentissant. Adrien Houngbédji sera d’ailleurs quelques jours plus tard, désigné porte-flambeau de la coalition contre le Chef de l’Etat sortant, Boni Yayi. Cette nouvelle donne, intervenue dans le cadre de la présidentielle de 2011, a réduit le nombre de candidatures d’au moins 6 par rapport au scrutin précédent.
L’on évoque souvent la révision à la hausse et le paiement au prime abord de la caution de candidature comme la thérapie contre la cacophonie des ambitions à l’approche des élections présidentielles. Il se pourrait que la recomposition du paysage politique en de vastes ensembles durables soit, de très loin, la meilleure voie pour sauver l’honneur de la fonction présidentielle en République du Bénin. L’UN et l’année 2011 en sont une illustration.