Donc, c'est fini. Les agitations qui vous ont secoué depuis la pré-campagne, puis la campagne, qui vous ont délesté de cinq à dix kilos et qui ont fait un énorme trou dans votre caisse, sont finies. Après la distribution des petites coupures de CFA, le don des bidons d'huile et le jet des sacs de riz à la multitude - simple partie visible de la montagne de corruption - commence, pour pendant deux jours, la post-campagne. Paraît, selon les spécialistes, que cette ultime étape fait pencher la balance en votre faveur parmi les indécis, les affamés et tous ceux qui n'en ont rien à cirer des élections. Dans cette faune, les plus ciblés sont les deux dernières catégories. On les recrute surtout dans les villages, les quartiers de ville, les taudis, sur les immondices, là où la misère reste la grande star.
L'astuce trouvée par certains, c'est faire à manger, servir un plat prisé dans la région ou la dans la communauté. On se souvient de la sauce gombo accompagnée de la pâte de maïs fumante avec lesquelles le roi de Daher avait emballé ses sujets lors des législatives de l'année dernière. Certains mangeurs en ont gardé des souvenirs onctueux et apprêtent leurs langues à en accueillir de plus goûteuses.
D'autres candidats organisent des matchs de foot avec, pour les deux équipes, des coupes à gagner, coupes du reste pleines à ras bord de billets de banque. On s'arrange pour qu'aucune des équipes ne gagne afin d'éviter des frustrations. Des arbitres sont instruits pour siffler des pénalties imaginaires pour que l'équipe qui mène soit rattrapée ou pour que le but marqué soit annulé. A la fin, tout le monde est content et le candidat peut recommander son âme présidentielle aux membres des deux équipes, aux supporters, au staff dirigeants et même aux fétiches qui les protègent, au moins un millier de personnes. Ça a été vu à Parakou, quartier Yara Kinnin.
Et puis, il y a le porte-à-porte. La nuit venue, on passe de ménage en ménage pour "remercier" le chef de famille, la mère courage d'avoir été présents aux réunions publiques du candidat auxquelles, cependant, ils n'ont jamais assisté. Les remerciements sont en forme de liqueurs ou de quartiers de viande qui passent de boubou en boubou et atterrissent au pied du chef ou dans les pagnes de la maman...
Bref, les manigances les plus inimaginables sont utilisées pour rafler la mise. De l'achat des cartes dans les zones supposées acquises à l'adversaire à la non-installation du matériel de vote aux heures indiquées ; de l'empêchement de vote des électeurs du camp opposé, à la disparition mystérieuse des agents électoraux... La manipulation et la fraude qui sont les corollaires de la corruption sont sournoisement déployées pour tronquer les résultats et dévoyer les votes. Élections folkloriques, disions-nous. Mais élections finalement chloroformées.
Florent Couao-zotti