La messe est dite. La kermesse reprendra sans tarder. Et comme au jeu de hasard propre à la foire, encore une fois nous élirons peut-être dans quelques jours un président de la République… par défaut. Un que l’on n’attendait pas, qui ne s’y attendait pas et – suprême nouveauté ! — n’en voulait pas vraiment, à l’en croire et on peut le croire sinon le comprendre. Il se voulait co-candidat de crise, il devient unique candidat de salut. Patrice TALON si c’est lui.
Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il se reproduit à l’identique le mécanisme qui vit l’avènement de la yayicratie en 2006. Vide politique, désarroi de l’électorat qui asséna aux urnes son cinglant désaveu de la classe politique, ignorant alors l’adage ‘’Plutôt le diable connu que l’ange inconnu’’. Ce ne fut donc pas HOUNGBEDJI mais YAYI.
La comparaison n’ira pas plus loin car cette fois nous quittons les abîmes sans fond du règne agonisant. Le pressenti en l’occurrence n’est ni bête ni ange, simplement un des nôtres, un homme connu en ses qualités comme en ses défauts, mais solidement entouré de grands volontaires comme lui du sauvetage collectif et du redressement.
Permettez tout de même un rapide inventaire de l’épisode électoral actuel qui donne des indices intéressants.
En toute première, le scrutin du 6 mars courant montre que l’arithmétique et la cartographie électorales traditionnelles sont désormais abolies et pulvérisées. Le vote citoyen s’est nettement affirmé, notamment en faveur des deux candidats unanimement reconnus les plus crédibles par l’opinion la plus sévère, malgré leur modeste classement, ABT et KOUPAKI. Le second aurait sûrement réalisé un meilleur score s’il s’était libéré plus tôt et volontairement du bourbier gouvernemental où il s’était enlisé sept ans durant. Quant à ABT, éminent technocrate lui aussi et bâtisseur d’une intégrité éprouvée, un profil spontanément souhaité pour l’alternance par de larges majorités citoyennes, il aura payé, du fait de son origine nordique, les calamiteuses outrances tribalo-régionalistes infligées à la concorde civile par la gouvernance Yayi. Lequel Yayi à l’évidence n’a pu succéder à KEREKOU que parce que le Patriarche avait patiemment et durablement forgé l’unité nationale.
Cette cohésion qui nous vaut le sursaut collectif d’aujourd’hui. Personnellement je ne crois pas au vote par l’argent. La corruption électorale est le fait des ‘’grands électeurs’’ et non de l’électorat de base. Celui-ci ne vote pas pour un ridicule billet de banque, mais par fidélité à son leader… à condition que ce dernier lui propose un choix honnête. Nous le voyons tous en direct. D’énormes masques sont tombés lorsque ce choix est apparu scélérat, laissant nus des roitelets qui ne régnaient en réalité que sur le trafic de ce qu’ils prenaient pour du bétail électoral. Comme aux temps jadis les esclavagistes locaux.
En toute rigueur l’objet du sursaut n’en est pas la cible véritable. La fierté collective ne s’insurge évidemment pas contre un concitoyen nommé Lionel ZINSOU, par ailleurs brillantissime auréole si étoilée. Mais très clairement contre tout ce que symbolise cette irruption impromptue aux allures de braquage électoral téléguidé. Et notre entendement de simples mortels ne comprend décidément pas comment cette sommité de l’intelligentsia mondiale a pu se prêter à une facétie aussi scabreuse.
Fantasme ou réalité, un peuple si longtemps échaudé par la servitude a tout lieu de se prémunir contre toute forme de conspiration présumée attentatoire à sa liberté. C’est là toute l’infortune de la saga Lionel ZINSOU.
La Coalition de la rupture que préside ABT et désormais cristallisée par la candidature de Patrice TALON au second tour de la présidentielle du 20 mars prochain, assume ainsi une lourde responsabilité historique. Elle doit marquer la fin de la déchéance et le début de la renaissance.
J’ai une petite pensée à l’endroit de nos amis des puissances extérieures, si habitués selon le grand humaniste Léopold Sédar SENGHOR à nous prêcher la ligne droite tout en cheminant par les sentiers obliques.
Chers amis, les Béninois vous disent ceci.
« De grâce, faites-nous confiance. Libérez-nous de tout soupçon d’ingérence. Nous savons choisir nos dirigeants — selon vos propres enseignements ! — et l’avons prouvé à répétition et avec brio durant six consultations électorales y compris la présente. Avec l’inévitable marge d’erreur qui nous a conduits en 2006 et 2011 aux affres du double quinquennat finissant. Mais immanquablement dans le respect de la volonté populaire et la stricte observance des prescriptions héritées de vos propres cultures et civilisations, judicieusement adaptées aux nôtres et aux ‘’apports fécondants de l’Universel’’, dirait le même SENGHOR.
Anciennes tutelles coloniales formées aux brûlures de l’histoire, vous vous êtes ajustées, à votre manière certes, aux impératifs nouveaux de la marche du monde et tentez d’établir avec vos anciennes possessions des relations de respect mutuel, de dignité, par exemple au sein de ces espaces originaux que sont le COMMONWEALTH et la FRANCOPHONIE.
Ensemble nous avons, vous et nous, appris à le comprendre : Il n’y a de développement réel que le co-développement.
Oui, la Coopération. Pour l’échéance du 20 mars, votre collaboration, passive si nécessaire, votre neutralité si vous préférez, nous suffira amplement. Prenons le pari de gagner ensemble. Par et pour le peuple béninois. Au nom de notre commune humanité ! ».
Issa KPARA