Bénin/présidentielle: Jérôme Carlos renvoie dos à dos partisans de la continuité et de la rupture
Publié le : 12/03/2016Auteur : AFRIKATVCatégorie : Articles - Politique
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Dans un style limpide et imagé, le chroniqueur et écrivain béninois, Jérôme Carlos, livre son analyse de deux termes qui rythment l’arène politique béninoise dans la perspective du second tour de la présidentielle.Une analyse publiée sur sa page officielle d’un réseau social et dont Afrikatv se fait le relais.
Continuité et rupture. Voilà deux concepts qui brillent de mille feux, ces temps derniers, dans le ciel des idées qui agitent le Bénin. Rien de nouveau, pourtant, autour de ce couple infernal.
Il est de tous les débats qui portent les peuples vers les cimes de leurs rêves. L’un comme l’autre élément de ce couple est à prendre pour un couteau à double tranchant. La continuité induit mouvement, constance, persistance. Mais il est dit qu’un peuple qui avance sans vision est un peuple qui court sans frein (Proverbes 29. 18). La rupture induit cassure, coupure, césure, déchirure. Quand la gangrène s’installe, l’ablation des tissus gangrenés reste l’unique solution.
Nous n’avons donc pas, a priori, de préjugé favorable pour l’un ou pour l’autre concept. L’un et l’autre s’invitent dans le débat béninois, tels deux morceaux de sucre dans la bouillie matinale de nos compatriotes. Mais la marche « dialectique » de notre peuple, si l’on pouvait s’exprimer ainsi, c’est de continuer de faire quelque chose, plutôt que de se croiser les bras. (Continuité). C’est également de s’interdire de faire la même chose, de manière mécanique et routinière. (Rupture).
Tout tient, finalement, à trois éléments fondamentaux. Ils interagissent dans tout projet de continuité ou de rupture. Il s’agit de la qualité de la vision d’une part, de l’efficacité de notre posture dans l’action d’autre part, de la hauteur de nos références éthiques et morales enfin. Toutes choses qui trouvent à s’illustrer sur trois grands chantiers où le Bénin a autant besoin de continuité que de rupture.
1- La reconstruction du consensus national autour de l’essentiel. La conférence des forces vives de la nation aura été un des temps forts de la marche des Béninois pour une prise en charge d’eux-mêmes par eux-mêmes. Soulé par une révolution qui libérait ses toutes dernières pétarades, le Bénin, dans ses profondeurs humaines, décida d’arrêter la saignée. Il cautérisa souverainement la plaie qui appelait une gangrène certaine. La rupture était à faire et le pays la fit.
Vingt-cinq ans après cet acte historique, revisiter la conférence des forces vives de la nation s’impose comme une nécessité. Il s’agit de dégager de nouvelles cohérences, en conformité avec les réalités et les exigences du monde contemporain. Ce n’est pas un acte de rupture. Cela s’inscrit dans la logique d’une simple continuité. Tant il est vrai que qui fait la vidange de sa voiture n’en change pas le moteur. Il faut serrer les boulons, graisser les organes sensibles, faire un toilettage interne qui redonne du punch à l’engin. Rien de plus, rien de moins. Voilà ce dont nous avons besoin ces jours prochains, sous la forme d’assises nationales inclusives, bénéficiant de la participation de chacun et de tous. Nous redéfinirons ensemble la nouvelle feuille de route d’un Bénin nouveau.
2 – La recomposition de notre système partisan et de la classe politique. Nous sommes sortis d’un système de parti unique, dominé par « La voix de son Maître », pour nous abîmer dans la marre aux crapauds des clubs électoraux. Ici tout est à faire et à refaire. Ici, tout est à penser et à repenser. La rupture s’impose comme une loi. Tirant leçon de nos échecs, nous avons tout à inventer. Nous voilà devant une page blanche. A charge pour chacun de nous d’inventer sa vérité. Nous finirons par en sortir, avec un peu d’intelligence, un nouveau système partisan. Avec plus d’acteurs majeurs que d’amuseurs publics. Avec des idées, voire des idéologies plutôt qu’avec l’argent-roi. Avec une culture politique élevée, un sens des responsabilités plus affirmé. En somme, tout le contraire de la ruse, de l’amateurisme, de l’improvisation et de la débrouillardise. .
.3 – La réconciliation des Béninois au-delà de leurs intérêts partisans et égoïstes. La réconciliation est un combat. Elle se conquiert de haute lutte. Il faut la vouloir vraiment. Il faut s’y investir ardemment. La réconciliation des Béninois vaut davantage par son contenu que par son contenant. Et le contenu de cette réconciliation réfère au sacré. Nous sommes loin de nos embrassades et accolades de façade. Nous sommes également loin de nos périmètres rationnels marqués de certitudes intellectuelles. La réconciliation des Béninois se fera sur la foi d’un pacte de sang qui exalte des vertus cardinales comme la fidélité, le respect de la parole donnée, le respect de sa signature, la crainte de Dieu. « Gbè do su ». Il s’agit donc de rompre d’avec le mensonge ambiant, de renoncer à la ruse. Dans la droite ligne du concept fon du « Lin vo djo ». Commençons par changer dans nos têtes. Seule une attitude mentale positive fait de nous des hommes et des femmes positifs.
Une chronique de Jérôme Carlos