Dans le calme et la discipline, les citoyens en âge de voter étaient encore aux urnes dimanche 20 mars pour départager les deux candidats qualifiés pour le second tour : Lionel Zinsou et Patrice Talon.
A Parakou, le scrutin s’est déroulé globalement sans incident majeur. Les opérations de vote ont démarré dans l’ensemble à temps. Le retard dans les postes de vote qui n’ont pas commencé à l’heure ne dépasse guère le quart d’heure. A cet effet, observateurs et électeurs rencontrés décernent un satisfecit à la Commission électorale nationale autonome (Céna) et à ses démembrements pour avoir déployé le matériel à temps dans les centres de vote, quoique le matériel ne soit pas au complet dans certains centres de vote. Aussi, les agents de vote paraissent-ils mieux formés et ont moins balbutié dans la conduite de l’opération et le remplissage des feuilles de dépouillement.
Seulement, le taux de participation reste faible par rapport au premier tour de la présidentielle qui a eu lieu le 6 mars dernier. Moins de trois citoyens sur cinq sont effectivement sortis pour accomplir leur devoir civique. C’est le cas à l’EPP OCBN de Parakou où au poste de vote (PV) n°1 du groupe B, sur 426 inscrits, seulement 194 se sont rendus aux urnes y compris les votes par dérogation. Dans ce centre de vote qui compte sept postes, le manque d’affluence est général. Cependant, il y a des centres où la participation est relativement un peu plus élevée, comme à l’EPP Camp Adagbè où au PV n°3, sur 479 inscrits, 314 ont effectivement voté. Dans la mi-journée, des chefs de quartiers, des sages et notables ont dû faire appel à des crieurs publics et passer dans certaines maisons pour faire sortir les électeurs qui se laissaient désirer dans les centres de vote clairsemés.
Le manque d’engouement à ce second tour de l’élection présidentielle serait dû au fait que la journée d’hier, une journée consacrée à la fête des rameaux, chère aux chrétiens. Aussi, certains électeurs sont-ils découragés parce que leur candidat préféré ne s’est pas retrouvé au second tour et ils ne seraient intéressés outre mesure par l’affiche du second tour entre Patrice Talon et Lionel Zinsou-Derlin. De sources concordantes, d’autres auraient vendu leurs cartes d’électeur alors que d’autres encore disent ne pas percevoir l’enjeu de l’élection de celui qui prendra les destinées du Bénin pendant les cinq prochaines années. ?
Couacs du 2nd tour
Le second tour de l’élection présidentielle a été émaillé d’irrégularités à Parakou et environs. L’électeur Apollinaire Alagbé porteur de la carte n°10225317 s’est présenté au poste de vote du CEG Titirou où il dit avoir voté au premier tour, le 6 mars dernier, mais comme par enchantement, son nom a disparu de la liste d’émargement deux semaines après. L’homme a été simplement éconduit par le président du poste de vote, non sans manifester sa désapprobation et en vain. D’autres cas ont été signalés dans la ville. Toujours à Titirou, un homme tentait de photographier son vote mais surpris, il a été rappelé rapidement à l’ordre par la présidente du poste de vote qui a ordonné le dépôt des téléphones et smartphones avant l’accès à l’isoloir.
Au nombre des fausses notes, un garçon qui n’a pas l’âge de voter a été démasqué à l’Ecole maternelle de Ladjifarani où il était muni de la carte d’autrui. Avant que les forces de sécurité alertées ne s’occupent de lui, le jeune homme a pris la clé des champs abandonnant la pièce présentée. Un monsieur s’est présenté par la suite pour la retirer et le président du poste de vote s’est opposé et cela a créé un remue-ménage. Il y a eu également une mésintelligence à l’EPP Orou Tokorou où un représentant de la majorité présidentielle a voulu exprimer son suffrage, alors qu’il n’avait pas sa carte d’électeur. Il n’est muni que d’un ordre de mission et de sa carte d’identité nationale. Comme lui, beaucoup sont éconduits pour avoir mal compris la décision de la Céna de faire voter les nouveaux majeurs qui n’ont pas pu retirer leurs cartes d’électeur, avec leurs cartes d’identité nationale. Mais d’abord, faudrait-il que ces nouveaux majeurs soient effectivement inscrits sur la liste électorale et sur la liste d’émargement.
A l’EPP Baka, un militaire s’est pointé dans le centre de vote avec son arme au poing ; ce qui a fait peur à nombre de citoyens venus voter. Il a quitté les lieux plus tard.
Autre raté, le matériel n’était au complet dans plusieurs centres de vote, surtout à Tchaourou où certains agents ont déploré l’absence du coton, de liste électorale, de calculatrice, de procès-verbal, de cahier d’observations.
Gbadamassi menace de saisir la justice
Alerté, le député Rachidi Gbadamassi a fait remarquer que certains bulletins de vote portaient par endroits à Parakou des signes distinctifs et il n’a pas manqué de tempêter. « Nos amis d’en face veulent le pouvoir à tout prix. On ne peut pas comprendre que sur le candidat Lionel Zinsou, il y a des signes visibles, en violation flagrante du Code électoral », indique le soutien du candidat Patrice Talon. Il a menacé de faire appel à un huissier et espère que « les milliers de bulletins pré-cachetés sur le candidat Lionel Zinsou soient simplement annulés ». « Pour tous les bulletins pré-estampillés, nous allons utiliser toutes les voies de recours pour qu’on les annule sur toute l’étendue du territoire national », insiste-t-il.
Rachidi Gbadamassi a saisi l’occasion pour fustiger le fait que des autorités aient fait campagne la veille du scrutin en organisant des meetings et distribué de l’argent, en donnant des consignes de vote et en injuriant même un des candidats. « C’est avec regret que j’ai constaté qu’après la fin de la campagne électorale, certaines autorités au plus haut niveau ont continué à violer violemment le Code électoral en faisant des meetings hors-délai », fustige le député. « Nul n’est au-dessus de la loi, fut-il président de la République, ministre ou député...Et c’est parce qu’on ne respecte pas la loi, qu’il y a les guerres délibérées », relève Rachidi Gbadamassi. ?
Liesse dans des rues de Parakou
D’Okédama à Dokparou en passant par Gah, Dépôt, Wansirou, certains électeurs ont manifesté leur joie dimanche 20 mars dans les rues de Parakou en chantant : « Oyé Talon ! Talon président ! Vive la Rupture ! C’est le Nouveau départ ! etc. » A l’affichage des premiers résultats provisoires issus des urnes, le porte-flambeau de la coalition de la Rupture vient largement en tête dans la majorité des postes de vote de Parakou. Ses partisans ont jubilé pour ce qu’ils appellent « le K.O. , le requiem du Changement, la fin de la Refondation ». Outre les klaxons et les cris assourdissants, certains se laissaient aller à des acrobaties sur les motos tout en criant à tue-tête une prétendue victoire. « On a pris ABT, ça n’a pas marché. Avec Talon maintenant, c’est un vrai K.O. Maintenant, le chômage va diminuer », exulte Soulé Abdoulaye, un trentenaire rencontré à l’EPP Camp Adagbè. Dans tous les trois postes de vote de ce centre, Patrice Talon vient en tête respectivement avec 187 contre 89 ; 197 contre 81 et 191 contre 114 pour Lionel Zinsou. Plus loin, au quartier Alaga dans le premier arrondissement, les chiffres provisoires en disent long sur le raz-de-marée. Dans les quartiers parcourus dimanche 20 mars au terme du dépouillement, le candidat Patrice Talon vient, de façon provisoire, largement en tête, en dehors des quartiers tels que Gah, Madina. Là encore, les écarts de voix entre les deux challengers sont assez minces. ?
Par Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori
Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori