Avec les derniers développements dans le dossier du projet de révision de la Constitution, non seulement on a raison de ne pas faire confiance aux initiateurs du projet, mais en plus, on doit se demander s’ils ne prennent pas les Béninois pour des demeurés.
Jusqu’à ces derniers jours en effet, le gouvernement soutient, du moins publiquement, n’avoir pas à requérir l’avis motivé de la Cour suprême avant de déposer son projet de révision à l’Assemblée nationale. Or les faits prouvent une curieuse incohérence.
Tout a commencé par le décret n°2013-255 du 6 juin 2013 portant transmission à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la révision de la ConstitutionLe 9 juillet 2013, Serge Prince Agbodjan forme devant la Cour constitutionnelle un recours en inconstitutionnalité contre ce décret pour lequel l’avis motivé de la Cour suprême n’a pas été préalablement requis. Le 12 septembre 2013, la Cour constitutionnel déclare conforme à la constitution le décret portant révision de la Constitution au terme de sa décision DCC13-124. Le gouvernement se sent conforté dans la position publiquement défendue jusque-là.
Or nous venons d’avoir la preuve que par une correspondance du 14 août 2013 enregistré le 19 août 2013 sous le n°241-C (voir fac-similé page 5), le président de la république lui-même a bel et bien fini par saisir la Cour suprême, on dirait secrètement, pour « demande d’un avis motivé au sujet du projet de la loi portant révision de la Constitution », en invoquant le respect des « exigences constitutionnelles et législatives » !
Pourquoi donc ce jeu d’incohérence, d’insincérité et de secret de la part du pouvoir exécutif? Que nous cache-t-on d’autres ? Cette manière de conduire le dossier ne peut qu’accroître chez les acteurs à l’intérieur du système et dans l’opinion publique le sentiment d’être manipulés. De quoi aggraver la méfiance!
On voit encore mieux à quel point les députés de la Commission des lois de l’Assemblée nationale ont du mérite à déclarer irrecevable ce projet de révision.
Mais alors, de graves questions se posent au sujet de la Cour constitutionnelle qui, par la décision DCC 13-124 opère un revirement de jurisprudence par rapport à ses propres décisions sur la même matière en 2006 et 2008. Face aux manipulations et fantaisies du pouvoir exécutif, les sages ont mieux à faire pour assoir leur légitimité.
Dans tous les cas, les Béninois ne sont pas des demeurés !