30 septembre 2013 Projet de loi sur la révision de la Constitution à l’Assemblée nationale : Tiraillement entre la Commission des lois et la Cour constitutionnelle
Depuis quelques jours, le débat sur la révision de la Constitution a lieu dans les instances des institutions de la République : la Cour constitutionnelle et l’Assemblée nationale. Alors que dans sa décision Dcc 13-124 du 12 septembre 2013, la Cour constitutionnelle a fait tomber l’obligation qui est celle de soumettre le projet de révision du chef de l’Etat à l’avis préalable de la Cour suprême, les membres de la Commission des lois de l’Assemblée nationale trouvent qu’il y a maldonne. De plus, n’ayant pas reçu cette décision, ils ont rejeté le projet de loi. Mais, les sept sages se rattrapent en envoyant la décision au Parlement. Beaucoup se demandent ce qui va se passer désormais.
Après la rue, les instances des partis politiques et de la Société civile, le débat sur la révision de la Constitution a droit de cité à l’Assemblée nationale et à la Cour Constitutionnelle. On vient d’assister à la première passe d’armes entre les deux institutions républicaines. En effet, la Commission des lois de l’Assemblée nationale lors de sa réunion le 24 septembre 2013, a renvoyé le projet de loi en le déclarant irrecevable. La plupart des membres de cette Commission ont voté pour le rejet pur et simple du projet, alors que la minorité a soutenu que son étude soit ajournée. Le motif soulevé pour décider de son rejet, est relatif à la décision Dcc 13-124 du 12 septembre 2013. Les partisans du rejet ont estimé que cette décision n’a pas été notifiée au Parlement et qu’à ce titre, la Cour constitutionnelle a manqué à une exigence légale. Une position qui a surpris les sept sages de la Haute juridiction. Surpris parce qu’ils ont déjà donné le feu vert en rendant cette décision qui fait d’ailleurs polémique. Ils ont aussitôt réagi en notifiant la décision au Parlement. Malgré cette notification, la préoccupation de la Commission des lois est toujours à l’ordre du jour. Elle-même plus pertinente que le simple problème de non publication de la décision au Journal officiel. Alors venons-en au contenu de cette décision Dcc 13-124 du 12 septembre 2013. Les sept sages ont soutenu qu’il n’est pas fait obligation au chef de l’Etat de soumettre son projet de loi sur la révision à l’avis préalable de la Cour suprême. C’est ainsi qu’elle s’est montrée d’accord sur la position du Secrétaire général du gouvernement dans sa réponse à la mesure d’instruction. Il a établi que « L’article 105 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui rend obligatoire la consultation préalable de la Cour suprême pour les projets de loi ne fait pas référence à l’article 154 de la Constitution qui parle de révision sans renvoyer non plus à l’article 105 alinéa 2 de la Constitution. Les projets de loi que le gouvernement a l’obligation de soumettre à cette formalité préalable sont ceux qui font référence aux matières énumérées dans les articles 98 et 99 de la Constitution. Le terme projet de révision ne figure pas dans ces matières… ».
Polémique
Ainsi est née la polémique. Du point de vue de nombreux juristes, c’est une erreur de la part de la Cour constitutionnelle de trancher dans ce sens. Après avoir saisi la Haute juridiction afin qu’elle déclare anticonstitutionnel le décret n° 2013-55 du 6 juin 2013, par lequel le chef de l’Etat transmet le projet de loi portant révision de la Constitution à l’Assemblée nationale, le juriste Serge Prince Agbodjan soulève une erreur matérielle contenue dans la décision Dcc 13-124. D’après ses démonstrations, l’une des deux jurisprudences citées par la Cour constitutionnelle pour justifier sa décision est fausse en ce qu’elle évoque un autre sujet qui n’a rien à voir avec la matière dont il est question. Il y a lieu que les sages reprennent leur décision, a martelé le juriste. Sur cette question, on connaissait déjà la position du Professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè, constitutionnaliste et l’un des pères de la Constitution du 11 décembre 1990. Dans son interview publiée le 05 août 2013 dans le quotidien « Le Matinal », le président de l’Institut des droits de l’Homme et de la démocratie (Idh), a dit ceci : « l’article 105 de la Constitution est clair et net là-dessus. L’initiative des lois appartient concurremment au président de la République et aux membres de l’Assemblée nationale. L’alinéa 2 : Les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres. Ecoutez bien, après avis motivé de la Cour suprême saisie conformément à l’article 132 de la présente constitution et déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale. Ce qui impose que le projet de loi de révision soit transmis à la Cour suprême qui doit donner un avis motivé. S’il vous plait, mon collègue, le président Théodore Holo, la Cour constitutionnelle ne peut pas ne pas le dicter. Ce que la Cour doit dire : l’article 105 n’ayant pas été respecté, le décret portant transmission du projet y compris votre texte, c’est inconstitutionnel.. ». En clair, « la procédure est déjà mauvaise », soutient Maurice Ahanhanzo Glèlè, ancien membre de la Cour constitutionnelle. Or, dans sa décision, la Cour de Théodore Holo montre que cette consultation n’est pas obligatoire quand il s’agit d’un projet de révision. Les différentes interprétations qu’on a de l’article 105 de la Constitution proviennent du rang des membres de la Cour constitutionnelle, actuelle et ancienne mandatures. A l’Assemblée nationale, les députés, membres de la Commission des lois se préparent à démonter les arguments présentés par la Haute juridiction pour justifier sa décision.
Que fera désormais le Parlement ?
Après avoir pris acte de la notification de la décision de la Cour constitutionnelle, les membres de la Commission des lois se réuniront au cours de cette semaine. Le jour sera connu, sans doute ce lundi 30 septembre. Mais en attendant, ils se préparent à sortir un arsenal juridique pour trouver un alibi solide, capable de confondre la Cour constitutionnelle. Pour y arriver, ils vont brandir une décision jurisprudentielle rendue dans de pareilles conditions par la Haute juridiction. Les membres de la Commission sont bien déterminés à s’appuyer sur des manquements de cette décision querellée au regard de la jurisprudence pour rester dans leur logique d’irrecevabilité du projet de loi de révision. Même si la Cour constitutionnelle a fini par leur notifier sa décision, ils ne comptent pas faire preuve de flexibilité. Car, il y un message à capter dans leur décision de rejet du projet de loi de la révision de la Constitution. Ils ne veulent pas être taxés demain de copinage avec le chef de l’Etat pour ses ambitions floues. Le projet risque d’être renvoyé à nouveau après son étude en Commission des lois. Puisque, la présidente Hélène Aholou Kêkê et ses collègues ne pourront plus trouver un argument pour le renvoyer, ils se verront dans l’obligation d’amorcer son étude. Cela prendra le temps qu’il faut, mais le projet a peu de chances de prospérer. Le débat est plus que jamais d’actualité, notamment à l’Assemblée nationale et à la Cour constitutionnelle dont la décision suscite beaucoup d’interrogations.