En dehors des difficultés matérielles qui minent déjà son fonctionnement, la pyramide sanitaire du Mono-Couffo se résigne depuis peu à subir une valse de responsables à sa tête. Même si ce mouvement ne concerne que le poste du directeur départemental, il est décrié pour son caractère improductif de performances rassurantes au profit des 1 011 617 âmes qui vivent dans les deux départements.
Des statistiques de l’exercice 2015 rendues publiques pour le compte du système sanitaire du Mono-Couffo, il ressort que beaucoup d’indicateurs phares sont maintenus dans une tendance baissière sur trois années consécutives. C’est le cas, par exemple, de la fréquentation des services de santé par les enfants de 0-5 ans dont le pourcentage estimé à 65,44% en 2015 est en nette régression depuis 2013 où le taux avait atteint 72,8%, avant de chuter dès 2014 à 69,4%. Idem pour l’indicateur concernant l’appropriation par la population sexuellement active des techniques de la planification familiale (PF). Sur les trois années consécutives à savoir 2013, 2014 et 2015 le taux a dégringolé respectivement de 9,3% à 7% puis à 6,01%. De façon générale, cette situation en dents de scie est observée pour la plupart des indicateurs comme le renseigne le tableau suivant :
Indicateurs 2013 2014 2015
Taux de fréquentation des services de santé (%) 44,2 42,6 42,7
Taux de fréquentation des services de santé par les enfants de 0-5 ans (%) 72,8 69,4 65,44
Taux de couverture vaccinale VAR 90,6 85,5 87,64
Taux de couverture vaccinale VAT2+chez les femmes enceintes 65,8 62,5 62,43
Taux d’incidence du paludisme grave pour 1000 habitants 14 11,7 8,69
Taux de couverture obstétricale (%) 86,7 84,8 84,12
Taux d’utilisation de PF (%) 9,3 7,0 6,01
Taux de césarienne en % 6,2 7,8 8,89
Le Chd, un centre en perte de sa référence
Les difficultés à assurer un bon fonctionnement du Centre hospitalier départemental (Chd) ne sont pas sans lien avec le faible rendement du système sanitaire du Mono-Couffo.
En effet, à l’instar des autres départements du Bénin, la pyramide du secteur dispose d’un Chd prévu pour être une structure de référence. Mais hélas ! C’est un centre dont l’apparence sauvée grâce aux efforts de son actuel directeur, Oscar Amoussou, tranche avec les difficultés internes. Lesquelles sont liées, entre autres, au plateau technique très décrié au niveau des services de la radiologie et de la dentisterie. « Pannes régulières et appareils obsolescents face auxquels les maigres ressources financières du Chd sont insignifiantes », résume le directeur du Chd. Oscar Amoussou illustre ses propos en rappelant que le fauteuil dentaire, par exemple, devenu non fonctionnel, est un don entrant dans le cadre de l’organisation de l’édition 2009 de la fête tournante de l’Indépendance du Bénin. Don de la coopération avec la Chine, poursuit-il. Le scanner à deux barrettes offert en 2008, est également tombé en panne depuis 2010. Et au regard de son obsolescence, les experts du pays donateur auraient déconseillé, selon Oscar Amoussou, tout investissement quant à son reconditionnement. A tout ceci s’ajoute l’insuffisance de personnel qualifié. Autant dire que le chapelet des problèmes est long et sollicite l’attention des gouvernants au sommet de l’Etat. Car, la marge de manœuvre en matière de financement pour la direction départementale s’est davantage rétrécie depuis l’interdiction, sur décision du Conseil des ministres, des compteurs électriques conventionnels dans l’administration publique. « L’introduction des compteurs électriques à cartes a alors pesé sur les finances au détriment de la réalisation de certaines activités programmées pour le secteur de la Santé. 4 130 000 F CFA ont été consacrés à l’achat de crédits électriques en 2015. La même proportion de dépenses a été effectuée en approvisionnement de gazoil », a rappelé le responsable en charge de la Division des études et de la Planification. Ces sacrifices ont été nécessaires, à en croire Dieudonné Bahoundjè, afin de garantir aux citoyens des vaccins et des produits sanguins de qualité.
De l’instabilité à la tête du système sanitaire
La direction départementale est l’organe faitier de la pyramide sanitaire du Mono-Couffo. C’est donc une structure dont celui qui assume la plus grande autorité, détient par ricochet la conduite du système sanitaire des deux départements. A ce titre, il est appelé à imprimer une gouvernance devant relever les indicateurs et rassurer les populations par rapport à la qualité des soins. Mais le mouvement qui est observé de ce côté, depuis quelques mois, contraste avec l’atteinte d’un tel objectif.
En effet, depuis sept mois environ, une valse de responsables s’observe à la tête de la direction départementale de la Santé du Mono-Couffo.
Tout a commencé en août 2015 avec le limogeage du docteur Virgile Dodoo. Un départ qui a permis l’arrivée du médecin-capitaine, Julien Atinon. A 39 ans, le directeur entrant était crédité d’une bonne connaissance du système sanitaire pour avoir servi, par le passé, à la médecine générale du centre de santé de référence. A en croire ses collaborateurs, le médecin-capitaine n’est pas né de la dernière pluie et fait montre de beaucoup d’ambitions et de volonté. Mais il ne tiendra le gouvernail que pendant quatre mois environ. On apprendra, courant novembre 2015, que le médecin-capitaine s’est déchargé de ses fonctions pour aller poursuivre ses études. Depuis lors, c’est Dr Aimé Sènamè Goundoté qui supplée à son absence.
Tout compte fait, en moins de sept mois, trois directeurs se sont succédé à la tête de la direction départementale de la santé dans le Mono-Couffo. Et déjà, le nouveau vent de changement de régime en cours fait craindre une énième succession. Une situation qui n’est pas contributive des performances attendues du système sanitaire, selon certains responsables syndicaux du secteur.
Le responsable en charge de la Division des études et de la Planification, Dieudonné Bahoundjè, porte d’ailleurs cette valse au rang des causes majeures justifiant les mauvais indicateurs qu’affiche le système sanitaire. Selon Dieudonné Bahoundjè, le temps relativement court de l’exercice ne permet pas aux promus de conduire à terme des réformes nécessaires et d’obtenir des résultats consistants¦
Désiré C. VIGAN A/R Mono Couffo