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Pénurie de l’essence frelatée à Cotonou et environs: Le calvaire des usagers devant les stations-service
Publié le vendredi 1 avril 2016  |  La Nation




Longues files d’attente devant les stations-service privées et pénurie au niveau de certains points de vente d’essence publics, à Cotonou et environs. C’est la situation qui prévaut depuis 72heures. Raison principale, le manque du carburant auprès des vendeurs de l’essence frelatée dite « kpayo ».

Cela fait 72 h que s’approvisionner en essence dans l’informel ou dans les stations-service à Cotonou et environs, est de la mer à boire. Et pour cause, depuis trois jours l’essence se fait rare chez les vendeurs de l’informel et les quelques-uns qui en disposent, la vendent à prix d’or.

Résultats : le liquide rouge est devenu la perle rare, occasionnant des files interminables devant les stations formelles. Pour s’approvisionner, acheteurs et vendeurs doivent monter la garde. Aujourd’hui, le taux d’approvisionnement dans les stations-service qui était relativement faible dans le pays a augmenté. La situation est telle que le seul pompiste retrouvé à la station Petroleum de Vodjè, Robert Kpatoukpa, est pratiquement débordé par la longue file qui s’est formée. Il doit servir à la fois les voitures et les motos. Même s’il a bonne mine, il doit se surpasser pour répondre aux exigences de ses clients.
Dans le rang des consommateurs, le calvaire crève l’œil : des pannes sèches en pleine chaussée. La situation est déplorable lorsque les usagers doivent traîner leurs motos sous le chaud soleil, à la recherche du moindre litre d’essence. Devant les stations privées, ce sont des files interminables qui se forment. Les rangs se resserrent. Pas le moindre espace pour faciliter le passage des piétons au niveau de la chaussée. Très tôt de bonne heure, les motocyclistes doivent s’aligner pour se procurer le précieux liquide. L’on ne démord pas, même s’il faut faire avec la rosée du matin, sacrifier le sommeil matinal ou encore s’exposer au soleil à longueur de journée, peu importe les risques, pourvu que les réservoirs soient remplis de carburant.
Nicolas Dahoundo, croisé devant l’une des stations privées à Vodjè, fait partie des plus endurants de cette épreuve. « C’est depuis 8h du matin que je suis dans les rangs et jusqu’à 10h30, je ne suis pas encore satisfait », se plaint-il.

Ces propos sont renchéris par Olivier Agadjissoudé, conducteur de taxi-moto, qui explique que la situation est la résultante de la surenchère des prix de zémidjan.

Malheur des uns, bonheur des autres

De leur côté, les ‘’Koweit cities’’, les acteurs de l’informel, sont pratiquement invisibles. La situation oblige certains tenanciers des lieux à fermer baraque. Le liquide rouge est devenu quasi inexistant. C’est le temps des vaches maigres pour les vendeurs qui font l’effort de tenir encore le coup.
A quelque chose, malheur est bon dit-on, les stations-service privées profitent de la situation pour dicter leurs lois. La discipline et la courtoisie sont les règles de conduite, pour se faire servir. Au niveau des différentes stations privées d’approvisionnement, l’essence est vendue à 1000 F CFA depuis le début de la crise. Pas question de se faire servir en dessous de ce prix, informe-t-on au niveau de cette station.
Pour les usagers qui doivent s’approvisionner dans des récipients, la règle est ferme. La vente du liquide inflammable dans des bouteilles ou bidons est formellement interdite. De leur côté, le Kpayo est cédé au minimum à 700, 800 et 1000 F CFA, selon les difficultés rencontrées par les tenanciers de ces stations à s’approvisionner eux aussi auprès de leurs fournisseurs. « C’est parce que nous ne pouvons pas rester les bras croisés que, nous sommes obligés de vendre aussi chers », explique Eric Ouindo, vendeur de Kpayo, qui explique n’avoir pas encore enregistré le moindre client jusqu’aux environs de 11 heures.

Raisons des files d’attente

La crise de carburant du côté du géant voisin de l’Est n’a pas épargné le marché illicite de l’essence au Bénin. Elle affecte le quotidien des Béninois qui s’approvisionnement généralement très peu à la pompe. Une inflation galopante qui a entraîné le renchérissement du prix du «kpayo» subitement passé de 300 à 700, 800 voire 1000 F CFA le litre à Cotonou et environs. Mais cette situation du «kpayo», aux dires des spécialistes, risque de perdurer quelques jours encore d’autant que le Nigeria cherche toujours des portes de sortie de crise et promet une solution pour la deuxième semaine du mois d’avril. « Nous travaillons dur et mettrons fin aux files d’attente devant les stations-service la deuxième semaine d’avril au plus tard », a déclaré le ministre nigérian en charge du pétrole, Ibe Kachikwu, devant le Comité sénatorial des hydrocarbures, en début de semaine. Des propos relayés par médias. S’exprimant sur les stratégies qu’il déploiera pour aboutir à cette fin, il explique : « le pipeline qui quitte la réserve d’Escravos pour la raffinerie de Warri a déjà été mobilisé après six ans d’inactivité, pour pomper 90% de carburant vers des dépôts qui n’ont pas été utilisés pendant plusieurs années ».

Selon le directeur du commerce intérieur du ministère général en charge du Commerce, Habibou Woroucoubou, les stations-service couvrent 20% de la part du marché. Pour le reste, c’est le « kpayo » qui règne en maître absolu, occupant ainsi 80%.
Malheureusement, la situation est partie pour durer encore des jours, étant donné que le Nigeria (principal fournisseur du Bénin en essence de contrebande), continue de chercher des issues à cette crise qui la secoue. Lesquels ont pour noms, les scandales de détournement, de corruption et de clientélisme dans le secteur sous le régime Goodluck Jonathan, selon les propos du ministre nigérian en charge du pétrole, Ibe Kachikwu. En attendant, les Béninois doivent espérer la fin de la crise d’ici à deux semaines, tempère le directeur du commerce intérieur du ministère en charge du Commerce.

Libéraliser le secteur

Le défi maintenant reste la capacité de la Société nationale de commercialisation de produits pétroliers (Sonacop), à satisfaire à la forte demande des populations.
Les spécialistes du secteur sont unanimes à reconnaître que la solution au problème du « kpayo » viendra sans doute de la volonté politique des dirigeants du Bénin. La thèse s’est confirmée par le directeur général du commerce intérieur du ministère en charge du Commerce, Habibou Woroucoubou, qui propose comme réponse, la libéralisation du secteur.

Le défi actuel, c’est aussi la reconversion des milliers de personnes qui s’adonnent à la vente de l’essence frelatée. Mais le lobbying politique qui encadre l’activité et son poids dans l’économie informelle du pays ont souvent empêché les initiatives gouvernementales de prospérer. Avec le Nouveau départ, la réflexion mérite d’être sérieusement engagée. En attendant que le prix de l’essence frelatée opère progressivement un retour à la normale, les populations doivent souffrir le martyre en subissant la loi du Kpayo. Le gouvernement du président Patrice Talon devra donc s’armer de méthode, de patience et de détermination pour gagner le pari de la disponibilité. Aussi, la lutte pour la disponibilité permanente du carburant va-t-elle également de paire avec la politique énergétique qui, pour le moment, a du plomb dans l’aile.


Maryse ASSOGBADJO
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