Ils veulent assainir, nettoyer, développer, décentraliser. Portrait de Khalifa Sall, Luc Atrokpo et Adama Sangaré, maires de Dakar, Bohicon et Bamako, qui font bouger leur ville.
Khalifa Sall, maire de Dakar, président de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA)
On lui prête des ambitions présidentielles que lui-même n’a ni infirmées ni confirmées, semblant se satisfaire du costume d’élu local. Maire de Dakar depuis 2009, réélu triomphalement en 2014, le socialiste Khalifa Ababacar Sall, 60 ans, délaisse les débats et les polémiques politiques que le Sénégal affectionne. Il leur préfère les questions d’urbanisme et de décentralisation. « Les collectivités locales sont l’alpha et l’oméga du développement », confiait-il récemment à Jeune Afrique dans l’une de ses rares interviews.
Ses réseaux, Khalifa Sall les a tissés dans les organisations d’élus locaux, en particulier l’Association internationale des maires francophones (AIMF), dont il est le secrétaire général, ou Cités et Gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA), dont il a été réélu président pour un deuxième mandat en décembre 2015, lors du sommet Africités VII, à Johannesburg, face au candidat de l’Afrique australe et maire de la ville hôte, Parks Tau. Son credo pour Dakar : privilégier la métropolisation et la « conurbation ». Autrement dit : étendre l’aire de la capitale sénégalaise bien au-delà de la presqu’île du Cap-Vert, où elle n’a plus de place pour se développer, jusqu’à Thiès et Mbour, en passant par le pôle de développement urbain de Diamniadio, l’un des projets phares du président, Macky Sall.
Luc Atrokpo, maire de Bohicon, président de l’Association nationale des communes du Bénin
Ancien séminariste, Luc Sètondji Atrokpo rêvait d’entrer dans les ordres. À 42 ans, ce juriste de formation est l’un des maires les plus respectés du Bénin. Élu en 2008 à la tête de la ville de Bohicon (environ 150 000 habitants aujourd’hui) après en avoir été le premier adjoint de 2003 à 2007, il a participé à la naissance de la municipalité, puisque cette agglomération du département du Zou, située à 9 km d’Abomey, a accédé au statut de commune en 2003 avec l’avènement de la décentralisation. Depuis, Bohicon et son premier magistrat accumulent les récompenses (prix de la « meilleure commune » de la coopération allemande en 2009, prix du « meilleur acteur de la coopération décentralisée au Bénin » des Trophées Djembe Awards en 2010, etc.).
Déjà président de l’Union des communes du Zou (Ucoz), Luc Atrokpo a été élu à l’unanimité à la tête de l’Association nationale des communes du Bénin (ANCB) en novembre 2015. Le mois suivant, il s’est fait remarquer lors de la COP21, à Paris, en présentant un plan de lutte contre les inondations liées aux eaux de ruissellement dans le bassin du Zou. Un projet réalisé avec l’aide de la communauté de communes de Seine-Eure (intercommunalité française) et dont l’étude va être en partie financée par la France. « La ville de Bohicon est située dans une vallée. L’eau y est une nuisance, nous voulons en faire un atout », explique le maire. Cadre de la Renaissance du Bénin (RB), dont il est le secrétaire exécutif national, Luc Atrokpo ne cesse d’y gagner de l’influence. De quoi faire de l’ombre à Léhady Soglo, l’actuel président du parti et maire de Cotonou, affaibli par des différends familiaux. Et dont le père, l’ancien chef de l’État Nicéphore Soglo, est justement natif de Bohicon.
Adama Sangaré, maire central du district de Bamako
Depuis qu’il a été élu maire de Bamako, en 2007, Adama Sangaré rêve de voir la capitale malienne briller un peu plus sur la scène régionale et internationale. Le prochain sommet Afrique-France, que sa ville doit accueillir en janvier 2017, devrait lui en donner l’occasion. Et un peu plus de moyens. « Ça sera la fête du développement à Bamako, se réjouit-il. Nous allons prouver que, malgré la crise sécuritaire, notre ville va de l’avant et peut prétendre à devenir un centre régional des affaires. » Pour relever ce défi, de grands travaux d’infrastructures ont été engagés par l’État dans le quartier ACI 2000, qui abrite désormais des complexes de bureaux et plusieurs hôtels de grand standing. Le Centre international de conférences, qui accueillera le sommet, a été agrandi et modernisé, de même que l’aéroport – « qui n’est malheureusement plus desservi par les compagnies régionales », déplore Adama Sangaré.
La municipalité parvient elle aussi à faire avancer ses projets prioritaires. L’ancien inspecteur de l’Institut national de prévoyance sociale a ainsi enfin pu s’attaquer au problème de l’insalubrité. L’assainissement général et l’entretien des rues du district de Bamako sont désormais assurés par la société marocaine Ozone, en partenariat avec la ville de Ouagadougou, dans le cadre d’une action de coopération décentralisée. Résultat : les anciennes décharges publiques qui défiguraient les quartiers et le centre-ville ont été rasées au profit de déchetteries construites en périphérie de l’agglomération. « Nous voulons nettoyer la ville pour qu’elle redevienne Bamako la Coquette, comme on la surnommait dans les années 1960, pour sa propreté et son calme légendaire, explique l’édile. Notre autre priorité est de fluidifier le trafic routier. »
Pour débarrasser la capitale des poids lourds, la construction d’une rocade, d’un quatrième pont sur le Niger et d’un port sec sont à l’étude. Membre du bureau de l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et grand voyageur – trop, selon ses détracteurs -, Adama Sangaré aime aller voir ce qui se fait ailleurs. Notamment dans les villes jumelées avec Bamako, parmi lesquelles deux métropoles régionales, Dakar et Bobo-Dioulasso, ainsi que Nouakchott. Il a développé des partenariats dans le domaine de l’éducation avec Porto-Novo, dans celui de la culture avec Nouakchott, et, surtout, en matière de sécurité avec Ouagadougou.
Par: François-Xavier ; Freland Mehdi Ba; Vincent Duhem