Le président élu le 20 mars 2016, Patrice Athanase Guillaume Talon, a été investi hier, mercredi 6 avril 2016, au stade Charles de Gaulles de Porto-Novo. Devant les membres des institutions de la République, et plusieurs personnalités béninoises et d’ailleurs, le président élu a prononcé son premier discours dans lequel il a rappelé ses priorités et ses réformes pour son unique quinquennat. Un discours globalement satisfaisant selon les nombreux commentaires des personnalités à l’issue de la cérémonie. Il faut souligner que le président Talon est resté fidèle à ses propositions contenues dans son projet de société enrichi par ceux des candidats qui l’ont soutenu au second tour de la présidentielle. Lire ici l’intégralité du discours.
Discours d’investiture du président Patrice Talon
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle,
Mesdames, les présidents des institutions constitutionnelles
Madame la Grande Chancelière de l’Ordre National du Bénin
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les membres du Corps Diplomatique,
Honorables députés et Membres des institutions de la République,
Distingués invités,
Béninoises, Béninois, Chers compatriotes
En cet instant solennel où j’accède aux fonctions de président de la république, je voudrais tout d’abord exprimer mes profonds sentiments de fierté, à raison de ce que notre pays a réussi à organiser dans un climat apaisé, un scrutin présidentiel, dont la communauté internationale et notre peuple salue la régularité et la transparence.
Faisant avec vous le constat du parcours exceptionnel qui est le nôtre, je voudrais reconnaitre et saluer l’ancrage démocratique du Bénin qui prouve ainsi, à nouveau, sa capacité à surmonter les défis qui se sont toujours présentés à lui. Cependant, au plan économique et social, ainsi que de la jouissance des libertés individuelles l’état des lieux n’est guère reluisant. L’urgence, est donc aux réformes politiques, à la restructuration de l’économie nationale, à la reconstitution du tissu social en redonnant confiance à nos citoyens et la restauration de la crédibilité de notre pays. Certes, la tâche paraît immense mais ce n’est pas œuvre impossible si les actions à entreprendre s’appuient sur une vision claire ainsi que sur les compétences et les atouts dont nous disposons. C’est pourquoi je ferai de mon mandat unique, une exigence morale en exerçant le pouvoir d’état avec dignité et simplicité. Je m’acquitterai de mes devoirs de président de la république avec humilité, abnégation et sacrifice pour le bien-être de tous. De la nation, je garderai toujours présent à l’esprit la conviction qu’elle est une et indivisible, étant persuadé que notre pays ne sera fort que s’il reste uni.
Chers compatriotes,
Je m’emploierai chaque jour à tenir les engagements destinés à faire de ce mandat un instrument de rupture et de transition devant aboutir à la mise en place des grandes réformes politiques institutionnelles que nous avons tous appelées de nos vœux. Pour y parvenir, j’entends rétablir un état de droit respectueux des principes démocratiques et des libertés individuelles, et qui assure avec efficacité, la protection des personnes et des biens. Je m’engage à promouvoir une justice indépendante, la même pour tous, accessible et efficace ainsi qu’à redynamiser et moderniser l’administration publique. La compétence sera désormais le principal critère de promotion des cadres aux postes de responsabilité. J’instituerai des corps de contrôle indépendants dont la mission principale sera de veiller à l’orthodoxie financière dans toutes les administrations, offices et sociétés d’état. Je m’attèlerai à assurer et préserver la liberté de la presse ainsi que l’accès équitable de tous aux organes publics de presse. J’assurerai la protection de l’initiative privée et du secteur privé en tant que principal outil de développement. Je m’emploierai à accélérer et renforcer le processus de décentralisation en l’inscrivant dans chacune des actions que j’entreprendrai. Je ferai de notre démocratie un véritable instrument de coopération internationale d’intégration et de rayonnement en vue mobilisation de ressources au service du développement de notre pays. Je travaillerai à réduire puis à éradiquer la précarité en assurant dès à présent, la protection des plus démunis ainsi que l’accès pour tous, à l’eau et à l’énergie en tant que droits inaliénables et facteur de développement.
J’accorderai une priorité à la réorganisation du système de santé de façon à procurer à nos concitoyens une couverture sanitaire plus efficace et plus solidaire. Je m’attacherai à reconstruire le système éducatif afin d’assurer son adéquation avec les ambitions économiques de notre pays. Dans cet ordre d’idée, la restructuration du conseil national de l’éducation et la création de la zone franche du savoir et de l’innovation, constitueront les principaux leviers de l’action gouvernementale dans ce secteur. Je ferai du tourisme un véritable instrument créateur de richesse et d’emplois. Au plan agricole, j’ai la conviction qu’à la faveur des réformes et mutations à opérer ainsi qu’aux moyens d’investissements pertinents, notre pays pourra s’élever au rang de puissance agricole régionale avec une grande capacité de production dans les secteurs de la production végétale, de l’élevage et de la pêche. C’est pourquoi, j’entends promouvoir davantage deux filières agricoles phares en y investissant massivement de façon à créer de véritables pôles de développement agricole et industriel.
Enfin je ferai de la lutte contre la corruption un combat de tous les instants et de tous les jours et qui n’épuiseront pas les efforts inlassables de la justice et de la société civile destinés à mettre un terme à l’impunité. À cet égard et pour en donner le gage nécessaire, je déclare du haut de cette tribune, que non seulement je m’y suis préparé mais j’affirme que je suis déjà prêt maintenant et tout de suite.
Mesdames, Messieurs, chers compatriotes,
Comme vous le voyez le mandat qui s’ouvre augure d’heureuses perspectives que je m’engage à transformer en actions concrètes destinées à l’essor du Bénin, au bien-être et à l’épanouissement de nos populations. Je voudrais y associer la communauté internationale, nos traditionnels partenaires techniques et financiers ainsi que toutes les bonnes volontés de quelque horizon qu’elles viennent avec cet immense espoir qu’ils resteront aux côtés de notre pays lorsque j’aborderai les défis de la reconstruction nationale, ceux de l’enracinement de la démocratie, ainsi que la lutte contre la pauvreté et la corruption.
Je m’en voudrais, ici, de ne pas souligner avec force, que l’enracinement démocratique de notre pays est largement tributaire du système partisan qui est le nôtre et des valeurs, qu’ensemble, nous envisageons de promouvoir. Il n’est pas alors sans intérêt de s’inquiéter du rôle de l’argent dans la compétition politique et le vote des électeurs. Il nous faut de toute urgence, prendre la mesure du péril collectif, auquel nous sommes exposés. En termes clairs, si l’état démocratique que nous aspirons à construire passe par des élections libres et transparentes tenues à bonne échéance, le vote du citoyen en tant que moyen d’expression de son adhésion à l’idée démocratique doit être débarrassé de toute considération financière ou rétributive. Ici et maintenant, j’appelle à notre conscience citoyenne et davantage de civisme pour faire cesser le règne de l’argent en politique.
Deux autres défis majeurs de notre temps sont constitués par le terrorisme et la criminalité transfrontalière. J’y ferai face avec courage et détermination en comptant sur la coopération sous régionale et le soutien de la coopération internationale. Dès lors, nos forces de défense nationale ainsi que les services de renseignement devront être désormais engagés en appui aux forces de sécurité publique pour assurer la protection des populations de nos villes et campagnes.
Mesdames, Messieurs,
Je prends le ferme engagement devant le peuple béninois et devant le monde ici représenté, que sous mon mandat, la gouvernance au sommet de l’état, aura constamment à cœur de rechercher et d’identifier où qu’elles se trouvent les compétences nécessaires dont notre pays a besoin pour apporter le plus efficacement possible, les réponses nécessaires aux besoins de développement et de bien-être de nos populations des villes et des campagnes. C’est la sélection par le mérite et l’observance des valeurs qui font la qualité d’une gouvernance. Cette sélection est d‘autant plus efficace si elle se fonde sur l’égalité réelle des chances lors des concours de recrutement, lors des appels d’offre public, lors de la reconnaissance et la récompense de la qualité du travail accompli. À présent, que je l’engage pour notre pays, pour un nouveau départ, ensemble nous vaincrons la fatalité, j’y crois fermement, nous avons tout pour réussir.
Vive la République,
Vive le Bénin,
Je vous remercie.
Quelques réactions au discours
Éric Houndété : (Député)
«Vous savez que j’ai longtemps combattu le rôle de l’argent dans les élections. J’ai entendu le président prendre des engagements très forts par rapport au rôle de l’argent dans les élections. Donc vous imaginez bien que je l’attends sur ce chantier. C’est un chantier que nous devons tous aborder parce que nous ne pouvons pas dénaturer l’engagement des béninois par rapport aux élections. Et donc Je lui souhaite bonne chance. Nous serons ensemble dans ce combat. Bien évidemment je continuerai à jouer mon rôle de veilleur… je continuerai à jouer mon rôle de combattant pour la liberté et pour l’épanouissement des béninois».
Nicéphore Soglo (Ancien président de la République)
«Notre pays a montré une fois de plus sa maturité. Démocratie et développement vont de pair et il est absolument indispensable et nous l’avions prouvé à une époque où la situation était terrible. (…) Les gens sont très fiers de ce que nous avons fait. Ce peuple est un peuple mûr, un peuple patient. Et il y a de quoi être fier de ce qu’a fait le peuple. (…) Je suis fier de ce qu’a dit le président, parce que le plus dur commence maintenant. (…) C’est vrai que nous sommes un pilier important de la CEDEAO (…) Il faut que nous soyons dans un ensemble comme les Etats-Unis».
Lionel Zinsou (Premier ministre)
C’est un grand moment de démocratie. C’est un grand moment de sobriété. Le discours du président de la République était remarquable… ».
Komi Koutché (Ministre d’Etat chargé des finances)
Le président de la République a fait de très bonnes déclarations d’intention. Nous sommes là. On va veiller aux grains.