Dona Jean-Claude Houssou, le nouveau ministre de l’énergie, de l’eau et des mines est indigné. Ce qu’il lui a été donné de voir samedi dernier lors d’une tournée dans certaines unités de production de la Société béninoise d’énergie électrique (Sbee) relève de l’aberration pour cet expert qui a fait ses armes dans l’Hexagone. Outre la vétusté des installations qui témoigne du peu d’intérêt qui a été accordé à la maintenance et au renouvellement des équipements, le ministre a fait un constat qui sort de l’entendement. En effet, pour satisfaire les attentes des abonnés habitués aux coupures intempestives, la Sbee a opté pour la production de l’énergie électrique pour combler un tant soit peu le déficit lié de l’offre de la Communauté électrique du Bénin (Ceb).
A la centrale d’Akpakpa, le diagnostic est sans appel. « J’ai visité une centrale que j’appelle un musée parce que l’ensemble des moyens de production est à l’arrêt depuis des années », a confié le ministre ne sachant pas qu’à Porto-Novo le constat est encore plus désolant. Sur une puissance installée de 12 mégawatts, cette unité n’en fournit que 4 depuis des années. Pis, quand on fait le point des installations au plan national, il est attendu une production de 38 mégawatts, mais la Sbee n’en tire que 10. Selon Camille Kpogbémabou, le directeur général de la Sbee, il faut juste 10 milliards d’investissement pour obtenir la plénitude de la production au plan national. Seulement, une solution ruineuse et inefficace a été préférée. « Des groupes sont loués à des milliards par an alors qu’il faut 10 milliards pour réhabiliter une trentaine de mégawatts », s’étonne le ministre.
Du népotisme dans l’air
Selon nos investigations, la location de ces groupes électrogènes devait s’étendre au départ sur une période d’un an. Mais ça fait trois ans que ça dure. Car, ceux qui louent une grande partie de ces groupes à un coût aussi élevé à la Sbee ne sont personne d’autre que Tchaourou et alliés’’. Allez y comprendre quelque chose. Et si ces groupes étaient loués sur une courte période pour pallier un tant soit peu le déficit, cela se comprendrait. Mais que le besoin soit perpétué et sa satisfaction facturée à des milliards relève d’un choix impertinent. Pourquoi n’a-t-il pas fallu faire un peu plus d’efforts pour dégager une enveloppe de 10 milliards pour se doter une fois pour de bon d’un appareil productif ? Opter pour une location aussi ruineuse avec à la clé des résultats minables est carrément inconséquent. Mais hélas, il a fallu le nouveau départ et cette tournée du ministre de l’énergie pour que le doigt soit mis sur la plaie.
Eviter de tomber dans les pièges du changement
Maintenant que Dona Jean-Claude Houssou connaît la maison, il lui revient de prendre les décisions appropriées. Il reconnait d’ailleurs tout comme le chef de l’Etat que le Bénin a tout pour réussir. Dans son secteur, les attentes sont grandes et pressantes. Il ferait mieux de ne pas tomber dans le piège de l’euphorie et de la précipitation comme ce fut le cas en 2006. A cette époque, sous le prétexte de l’urgence, Boni Yayi a voulu régler le problème du déficit énergétique en démarrant sur les chapeaux de roue. Le jour même de son investiture, il s’est rendu au Nigeria pour tenter de trouver un début de solution au problème. 10 ans plus tard, le délestage est toujours d’actualité avec en prime la centrale énergétique de Maria Gleta qui a coûté au contribuable la faramineuse somme de 45 milliards mais qui jusqu’à présent, ne produit presque rien en termes de mégawatts. Les gouvernements se suivent mais ne se ressemblent pas. Et les collaborateurs de Patrice Talon rendraient un grand service à la nation en s’abstenant de jouer avec l’émotivité du peuple. Les coups de gueule ne règleront pas le problème du déficit énergétique. Il ne s’agit pas de monter sur ses grands chevaux mais d’agir en ayant à l’esprit qu’il faut impacter durablement le plus grand nombre. A tous les coups, il faut que le ministre reprenne ses esprits, pose des actes coordonnés et pertinents conformes à la politique énergétique du chef de l’Etat. Sinon, le « nouveau départ » retombera dans les mêmes travers que le « changement ».
Moïse DOSSOUMOU