Patrice Talon pourra-t-il résister à l’épreuve du pouvoir ? La question doit sa légitimité aux abus et errances observés dans la gouvernance politique ces dix dernières années, dont l’une des caractéristiques majeures est la précipitation et l’inconséquence dans la prise des décisions au sommet de l’Etat. Plus d’une fois, Boni Yayi et son équipe ont été contraints de rapporter des décrets, arrêtés ou autres. Une pratique qui n’a pas aidé à consolider la stabilité sociopolitique, mais qui a jeté du discrédit sur les engagements de l’Etat qui a perdu de son prestige. D’ailleurs, l’actuel président de l’Assemblée nationale, Me Adrien Houngbédji n’a pas fait économie de vérité en qualifiant l’équipe de Yayi de ‘’gouvernement ventilateur’’, pour ainsi caricaturer l’inconstance de ce régime. Sur ce terrain donc, le président Patrice Talon a beaucoup à faire et doit surtout se démarquer de son prédécesseur pour remettre en confiance ses compatriotes et rassurer les partenaires. Certes, c’est une évidence que les défis sont nombreux et l’urgence signalée dans différents secteurs de la vie socioéconomique nationale, mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Alors, il faudra poser des actes bien mûris pour ne pas à avoir à revenir sur la parole de l’Etat. Cela ne fait pas sérieux. Et Patrice Talon, qui a été aussi victime de cette inconséquence du régime Yayi doit tout mettre en œuvre pour ne pas redonner vie à ce triste chapitre de l’histoire de la Nation. Les décisions du gouvernement doivent donc être irréversibles. Talon doit rompre avec le laxisme qui caractérise son prédécesseur et instaurer une dynamique de fermeté dans les prises de décisions.
Le péché de la reculade
La mémoire collective a encore souvenance des dossiers Pvi, suspension des réseaux Gsm, essence ‘’kpayo’’, service militaire d’intérêt national, Béninrail, boîte à pharmacie pour les motos… sur lesquels la gouvernance Yayi a trébuché. L’homme de Tchaourou a parfois justifié ses erreurs par sa méconnaissance de certains dossiers et rejeté implicitement le tort sur ses collaborateurs. D’où la formule ‘’je suis responsable, mais pas coupable’’. C’est pourquoi, après dix ans de gouvernance à la reculade, le peuple risque d’être moins tolérant. La sanction contre ce mode de gestion a d’ailleurs été sans appel lors de la présidentielle. 65% des électeurs ont clairement dit ‘’non’’ à la continuité proposée par le régime sortant et accordé leur confiance à l’homme de la Rupture. C’est dire que le régime du Nouveau départ n’a d’autres choix que de respecter la volonté de ce peuple qui a encore prouvé sa maturité et son attachement aux idéaux de bonne gouvernance. C’est un peuple très exigeant qui a porté Patrice Talon au sommet de l’Etat. Il doit donc prendre la mesure de l’enjeu, et face aux dossiers brûlants de la République, lui et son équipe doivent mûrir les réflexions avant toute prise de décisions. Cela créditera davantage son pouvoir et donnera lieu à une gouvernance apaisée. Une chose est sûre, Patrice Talon n’a pas le choix. Il doit réussir, surtout là où son prédécesseur a échoué.
, Arnaud DOUMANHOUN