Après la descente de ses services techniques dans des entreprises industrielles et commerciales du Bénin, Lazare Sèhouéto, ministre de l’Industrie et du Commerce, a rencontré, mercredi 4 mai dernier en son cabinet, les responsables de ces structures à qui des irrégularités sont reprochées. L’objectif est d’échanger avec eux sur les anomalies constatées par ses émissaires et de leur rappeler la nécessité de respecter les normes dans l’exercice de leurs activités afin de ne pas mettre en danger la vie des citoyens.
« Avec le Nouveau départ, il faudrait que les textes de la République soient respectés. On va traquer l’anomalie jusqu’à ce que le pays devienne normal», a déclaré Lazare Sèhouéto, ministre de l’Industrie et du Commerce en s’adressant aux importateurs de matériaux de construction et autres opérateurs économiques de l’agro-alimentaire et de la boulangerie.
Il ressort de la mission effectuée récemment sur le terrain par les services techniques du ministère du Commerce, que certains opérateurs économiques ne respectent pas les normes. Et au ministre Lazare Sèhouéto de préciser à ses hôtes que la plupart d’entre eux sont en infraction. Ainsi, prenant l’exemple du fer à béton qui se vend sur le marché, il a indiqué qu’il ne répond pas aux normes. Cette infraction s’exprime en termes de non respect de la dimension requise du fer et de défaut de marquage. Cette façon de faire met en danger la vie des populations, a-t-il dénoncé.
Selon lui, ce fer pourrait servir à construire des infrastructures telles que les salles de classe, les hôpitaux, les hôtels. «De tels bâtiments constituent des pièges à homme qui peuvent s’écrouler», a-t-il averti en rappelant quelques cas déjà produits au Bénin. Quant au défaut de marquage, il empêche de connaître le fournisseur du fer, a-t-il laissé entendre.
Dans le domaine de la boulangerie, il a également attiré l’attention des animateurs du secteur sur le fait que le pain qu’ils servent aux populations, n’est pas propre à la consommation. Selon lui, la préparation du pain au Bénin ne respecte pas les normes. Animés par le souci du profit face au renchérissement du coût des intrants, des boulangers introduisent dans le pain des substances toxiques. «Ce pain est dangereux et ce n’est pas acceptable», a dénoncé le ministre.
Pour ce qui est des jus de fruits vendus sur le marché, il a relevé aussi des anomalies. Celles-ci concernent notamment leurs conditions de préparation. Les services techniques du ministère ont constaté, lors de leurs missions d’inspection, que les usines de fabrication des jus de fruits ne respectent pas les règles d’hygiène. Dès lors, la vie des populations est menacée. Face à toutes ces dérives, Lazare Sèhouéto a dit son indignation avant d’indiquer que sous le régime de «la Rupture», le curseur sera déplacé vers la tolérance zéro par rapport au non respect des normes en matière de commerce et d’industrie. «Les affaires, c’est bien pour les opérateurs économiques. Mais la sûreté publique, c’est bon pour tous», a-t-il martelé.
Par ailleurs, il a ajouté que le contrôle ne se limitera pas à la qualité des produits. Il couvrira aussi les bases administratives de l’exercice des activités. Ainsi, a-t-il assuré, ceux qui mènent les activités industrielles ou commerciales dans l’illégalité doivent cesser d’évoluer dans l’anomalie. L’autre grief concerne le comportement de certains opérateurs économiques qui refusent de se soumettre au contrôle des services techniques du ministère en y faisant obstruction. Le ministre a fait savoir que cela constitue un trouble à l’ordre public et qu’il sera obligé de protéger les agents publics. Alors, Lazare Sèhouéto a invité ceux qui sont dans le cas à changer rapidement d’attitude, en permettant aux services techniques de faire leur travail de contrôle de conformité.
Mais, il a rassuré ses hôtes que pour ces premières observations, il n’y aura pas de sanction. «C’est le dernier avertissement. Vous devez vous mettre aux normes », a-t-il insisté avant d’ajouter que la prochaine fois, des sanctions tomberont.
Les inquiétudes des opérateurs économiques
Après avoir écouté très religieusement leur ministre tutelle, la vingtaine d’opérateurs économiques ayant répondu à l’appel ont eu tout de même des préoccupations à lui soumettre. Si du côté des boulangers, la dénonciation du ministre relative à l’introduction de substances toxiques n’a pas été contestée, l’un d’eux a pu toutefois s’expliquer sur une situation le concernant. Selon ce dernier, le reproche relatif à la fausse identité est un faux problème. Car, a-t-il rectifié, il possède plusieurs boulangeries dont l’une appartiendrait à une tierce personne mais qu’il exploite.
Pour leur part, les importateurs de fer à béton sont vraiment inquiets. Ils détiennent des stocks de fer auxquels les services techniques ont trouvé le défaut de marquage en dehors du sous-dimensionnement. Des opérateurs intervenant dans ce secteur sont intervenus pour demander un moratoire. Car, ont-ils fait savoir, ce n’est pas sûr que les stocks soient épuisés avant la prochaine mission de contrôle des services techniques. Par rapport à la question relative au marquage, Servais Dégbé, l’un des importateurs de fer à béton, a insisté sur la complexité du contrôle de conformité de ce produit. «Lorsque nous faisons une commande, doit-on amener les échantillons de l’usine d’abord ou embarquer avant de solliciter le Centre national d’essais et de recherches des travaux publics (Cnertp) pour obtenir le certificat de conformité? demande Servais Dégbé, importateur de fer à béton. Selon lui, aujourd’hui, c’est à la frontière que les agents du Cnertp vont prélever les échantillons pour faire le contrôle de conformité. Cette méthode, a-t-il semblé dire, est à revoir. Car d’une part, le Cnertp met du temps à se rendre à la frontière. Ce qui génère des frais pour l’importateur. D’autre part, cette méthode oblige l’importateur à solliciter le Cnertp à chaque commande. Alors, il a souhaité que l’autorisation soit donnée dans un délai relativement court et que le contrôle se fasse au niveau du fournisseur avant embarquement. L’autre préoccupation que Servais Dégbé a soulevée est le problème du marquage. Selon lui, le marquage reste une difficulté dans le secteur. Aussi a-t-il suggéré que l’on s’en tienne au certificat d’origine qui renseigne sur le fournisseur.
Mais le ministre n’entend pas céder. On ne saurait accorder un quelconque moratoire face au danger qui menace la vie des populations pour le pain, les jus de fruits et le fer à béton. «Pas de moratoire dans l’entreprise d’assassinat. On ne peut pas reconnaître que c’est mauvais et demander un moratoire pour continuer de faire ce qui est mauvais», a-t-il caricaturé. Pour lui, la solution pour les importateurs est de retourner aux fournisseurs le fer à béton défaillant ?