Quand l’ancien professeur de Boni Yayi fait l’éloge de Patrice Talon et dégaine contre la qualité des relations en la France et les anciennes colonies d’Afrique, il y a à lire. Quand l’ancien bras droit de Jacques Foccart dénonce les mauvais côtés de la Françafrique, cela aiguise la curiosité. Robert Bourgi, l’un des acteurs décisifs dans les méandres de la Françafrique en Afrique noire francophone pendant plus d’une trentaine d’années, se livre à L’événement précis. En visite au Bénin où il a rencontré le Président de la république, Patrice Talon, nous l’avons interrogé. Au détour de cet entretien, il revient sur le respect qu’il voue à l’ancien Président Mathieu Kérékou et sur sa lutte contre ce qu’il appelle le mauvais côté de la Françafrique. Une lutte qu’il a engagée depuis plus de dix ans. Il n’a pas manqué de saluer la maturité du peuple béninois pour avoir remis en cause la Françafrique par l’élection de Patrice Talon. « C’est un homme neuf, un président neuf, un nouvel homme d’Etat en Afrique. Il ne ressemble pas à ceux qui l’entourent. Son parcours n’est pas celui des autres », estime-t-il.
L’Evénement Précis : Me Bourgi, Bonjour. C’est rare de vous voir au Bénin. Quel est l’objet de votre séjour à Cotonou ?
Robert Bourgi : Je devrais être présent à la prestation de serment du nouveau Président de la République, Patrice Talon, mais, pour des raisons familiales et personnelles, je n’ai pas pu venir. Je lui ai promis, à lui comme au ministre d’Etat, Abdoulaye Bio Tchané, de venir aussi rapidement que possible. Voilà pourquoi je suis à Cotonou. Je sais que ce retour aux sources sera suivi d’autres voyages dans votre beau pays.
Ce n’est pas la première fois que vous venez au Bénin.
C’est en fait un retour aux sources pour moi. J’ai enseigné ici à la Faculté de Droit de Cotonou de 1973 à 1977, au lendemain de la révolution du 26 octobre 1972. J’ai gardé d’excellents souvenirs de mes cinq années passées à Cotonou. J’ai récolté d’excellents souvenirs de mon passage dans votre pays auquel je suis très attaché. J’ai noué plusieurs amitiés et la dernière fois que je suis venu au Bénin, c’était en 1996. Kérékou était, en ce moment, le président du Bénin. J’accompagnais le garde des sceaux de la République française, Georges Dubeau, qui est le numéro deux d’Alain Jupé. Je l’ai accompagné à titre amical.
Parmi vos étudiants, il y avait un certain Boni Yayi !
C’est vrai. J’ai eu d’excellents étudiants qui sont devenus ministres, ambassadeurs. Parmi mes étudiants en sciences économiques figurait l’ex-président Yayi Boni. Au cours de mon présent séjour, j’ai rendu visite au président de la Cour constitutionnelle qui me disait ceci : « Vous avez le bonjour de ma femme ». Elle a été mon étudiante, il y a quelques décennies. Tout cela me touche beaucoup. Le Bénin compte beaucoup pour moi, sur le plan personnel, professionnel et même familial. C’est là que j’ai connu la jeunesse et des étudiants brillants. Je ne voudrais pas tomber dans le lieu commun en disant que c’est vraiment le quartier latin de l’Afrique.
Vos liens avec le Bénin concernent aussi l’attachement que vous avez pour le Président Mathieu Kérékou.
J’ai pour le président Kérékou de l’estime, de l’affection et un très grand respect. Le président Kérékou avait pour moi de la confiance et m’affectionnait. Je l’ai toujours considéré, pas comme un président, mais en tant qu’un grand frère. C’était un très grand monsieur. Il y a une chose que je regrette n’avoir pas pu faire durant le séjour qui prend fin ce soir (mercredi 11 Mai 2016). Je m’étais promis d’aller me recueillir sur la tombe du président Kérékou. Mais, il faut 14 heures de route, aller-retour, Cotonou-Natitingou et je n’ai pas eu suffisamment le temps de le faire. J’ai promis au Président de la République que j’irai me recueillir, lors de mon prochain passage, sur la tombe de celui qui, non seulement était un homme d’Etat, mais un homme qui était farouchement fier et profondément ancré dans l’histoire de son pays. C’était aussi un grand homme africain. Je me rappelle de ce que m’a dit Omar Bongo Ondimba de Mathieu Kérékou, il y a trente ans, au cours d’une réunion de l’Union africaine: « Tu vois fiston, me confie-t-il, tu connais l’histoire tumultueuse entre Mathieu et moi. Tu sais, c’est un grand africain. C’est un grand monsieur ». Je lui ai répondu que cela me touche. J’en parlais hier (mardi 10 mai 2016) au président Patrice Talon. Cela fait quelques temps que je pense au président Mathieu Kérékou. Quand vous rentrez dans mon cabinet à Paris, Abdoulaye Bio Tchané le sais bien, car c’est un ami, il y a un portrait de Mathieu Kérékou me serrant la main. Il y a aussi ceux d’Omar Bongo, de Sassou N’Guesso et d’un autre que j’affectionnais beaucoup, le Maréchal Mobutu Sésé Séko. Je les ai tous connu, les chefs d’Etat africains, mais il y a les portraits de ces quatre que j’ai dans mon bureau. J’aime votre pays et c’est agréable que l’on se souvienne de moi.
Vous avez été reçu par le Président de la République avec qui avez déjeuné. Qu’est-ce qui justifie cette amitié entre Patrice Talon et Robert Bourgi ?
J’avais rencontré une première fois le président Patrice Talon en 2008. Il était de passage à Paris. J’étais avec l’homme qui m’appelait tonton et que je considérais vraiment comme mon neveu. C’est Karim Wade, alors ministre d’Etat de son père, le Président Abdoulaye Wade, qui m’avait dit qu’il allait saluer un ami à l’hôtel Saint Laurent, et c’était Patrice Talon. J’avais été déjà, à l’époque, séduit par le personnage. Faites-moi la grâce de croire que je connais le ressort des hommes ayant fréquenté au plus haut niveau. Déjà, j’ai ressenti que cet homme dégageait un charisme, une force qui émanait de lui un magnétisme. Lorsqu’il a été élu Président de la République, j’avais caressé le vœu de venir à sa prestation de serment à laquelle j’avais été convié. Je n’ai pas pu venir. A mon arrivée, nous avions passé un peu plus d’une heure ensemble en tête à tête. Je lui en sais gré de m’avoir accordé cet entretien. Nous avons parlé à bâtons rompus. Vous savez très bien que la réputation qui me précède est que je ne marche jamais sur mes mots. Quand j’ai quelque chose à dire, je le dis. C’est un devoir qui nous oblige à dire la vérité, même quand elle n’est pas partagée. Je dis ce que j’ai sur le cœur. Je suis heureux que le peuple béninois, dans sa grande majorité, ait choisi ce Patrice Talon parce que Obama disait « Nous ne sommes pas là pour nous servir, mais pour servir le pays ». La vie professionnelle de Patrice Talon lui a apporté beaucoup de satisfaction, mais aussi des revers. Lorsqu’il s’engage à ne faire qu’un seul mandat, c’est parce qu’il sait que son pays a besoin d’être transformé, que l’économie de son pays est fossilisée. Je crois que le Bénin a cette chance d’avoir à sa tête, un capitaine d’industrie. C’est un homme du privé et je crois qu’il va transformer le pays. Il va faire des miracles.
Vous croyez ?
Oui, j’y crois. Non pas parce que l’homme a la volonté, mais il a les compétences et c’est parce qu’il y a ici au Bénin, le potentiel humain et riche. Seulement, on n’a pas assez exploité le potentiel humain. Vous avez une jeunesse brillante, intelligente qui a soif de réussir. Je crois que Patrice Talon va relever le défi. Vous savez, sa victoire est d’autant plus importante qu’elle a été acquise sur un homme, Lionel Zinsou, que je connais bien et qui a aussi énormément de talents. On le considère comme un homme qui a de l’expertise en matière de politique africaine. Au mois de juillet dernier, lorsque le président de la République française a fait son dernier voyage en Afrique, au Bénin et en Angola, les journalistes français ont demandé à ce que je fasse le matinal pour commenter le voyage du président de la République française. Les journalistes qui m’avaient interviewé dans le temps m’avaient demandé ce que je pensais de Lionel Zinsou. Je leur ai répondu que j’ai beaucoup d’estimes pour Lionel Zinsou. Il a prouvé qu’il avait des compétences valables. J’ai prédit qu’il sera battu si un jour il décidait d’être candidat. Et cela s’est passé. Je sais comment a réagi le peuple béninois, pour avoir eu la chance de grandir à ses côtés. J’avais des amis de tous les milieux et j’étais ami à tous les dirigeants de l’époque révolutionnaire.
Paris voyait aussi son échec ?
Non. Je ne parle que de moi. Mais à Paris, on pensait qu’il allait pouvoir être le futur président du Bénin.
On y a travaillé d’ailleurs
J’ai une chose à vous dire. Le Président de la République française, François Hollande, au moment où il était candidat pour la présidence de la République, poursuivait la France-Afrique. Mais depuis qu’il est président, nous sommes en plein dans la Françafrique. Dans ses mauvais comme bons côtés, cela m’a fait sourire. Quand Yayi Boni a été reçu à l’Elysée par François Hollande en présence de Laurent Fabius, on a dit que c’était le futur premier ministre de Lionel Zinsou. C’est le côté obscur de la Françafrique et on y est en plein. Si on l’avait fait au temps de Sarkozy, tout le monde nous serait tombé dessus. C’est ça qui devait prendre fin. C’est pour cela que depuis quelques années, je prends des positions qui sont contraires à celles prises il y a trente ans. Je ne veux plus que cela continue. J’ai été contre le financement, par les Africains, des hommes politiques français. Je l’ai vu, je l’ai vécu, je l’ai dit.
Vous l‘avez pratiqué ?
Bien sûr. Je ne veux plus que cela se passe. Je ne veux plus que ce soit l’étranger qui choisisse les hommes africains.
Pensez-vous que les Béninois notamment le président Nicéphore Soglo qui disait que c’est la France qui voulait réimposer le colon avait raison et que le peuple avait bien réagi ?
Ce que pense Nicéphore Soglo n’est pas ce que je pense. Moi, je pensais manœuvrer. Je pense que c’est aux Africains de désigner ou de chasser leurs présidents.
Et c’est ce qui a été fait. Lionel Zinsou a largement échoué?
Il a échoué, non pas parce qu’il était un mauvais candidat, parce qu’il avait la bénédiction de Paris. Aujourd’hui, ça ne passe pas et encore moins au Bénin. Vous êtes en avance de mille coudés sur le Sénégal, sur le plan de la maturité politique. Vous êtes en tête en matière de démocratie, derrière vous le Sénégal et très loin les autres pays. N’oubliez pas que vous avez été le pays de la première conférence nationale et je dirai au passage que j’étais le seul « yovo » présent à la conférence nationale en 1990 et que le président Kérékou avait invité. On a vu un homme comme le président Kérékou qui était tout sauf permissif. C’est un homme d’autorité et la conférence nationale avait peur qu’il la nettoie. Il a fait un discours extraordinaire. Il a quitté le pouvoir. Il s’est installé dans cette villa qui me tourne le dos, où je suis allé tout à l’heure en pèlerinage. Cet homme m’a marqué. Il était remarquable. J’ai eu des liens de complicité avec lui. Il s’est retiré et quelques années après, le peuple l’a rappelé.
Qu’est ce qui, selon vous, n’a pas marché dans la Françafrique ?
On a eu tort. La Françafrique n’a pas que de mauvais côtés. Nous avons une histoire en commun. Je reçois énormément de gens de tous les pays d’Afrique. Ils m’appelaient tonton et maintenant papi. Dans le cœur de la majorité des Africains, il y a un grand faible pour notre pays. Vous aimez la France. Nous avons une histoire en commun. Ce que je regrette depuis quelques années, c’est qu’on ne retrouve plus les hommes politiques qui sont conscients que la mondialisation, que l’ouverture sur le monde de l’Afrique et des Africains nous oblige à y poser le mouvement général du monde. C’était figé et cette passion pour l’Afrique, on les retrouve de moins en moins chez les dirigeants français. Si cela n’était pas vrai, pensez-vous qu’on serait allé chercher Robert Bourgi, à 69 ans, pour commenter la visite de François Hollande ? Il faudrait que les dirigeants français prennent conscience que les Africains doivent être considérés comme des partenaires à part égal. La France n’est plus la France d’avant parce qu’elle n’a plus les moyens comme à l’époque. Elle est une puissance moyenne aujourd’hui. Elle souffre de la concurrence des Américains, des Allemands, des Indiens, des Brésiliens, des Chinois, des Coréens. On n’a plus la dimension économique qu’on avait avant. Je n’ai pas peur de dire que la France est une puissance moyenne et il faudrait que les dirigeants français sachent que les africains ont besoin de la France et que la France a besoin des pays africains. Sans les pays africains, la France, à l’Onu, ne saurait pas assumer le vote de trente à quarante pays africains. La France a besoin de l’Afrique. Aujourd’hui plus que jamais, les anciennes colonies françaises souffrent et la prospérité est en Afrique. Mais, il faut reconsidérer la psychologie. J’ai revu une grande dame de ce pays qui n’est plus de première jeunesse comme moi. J’ai pour elle beaucoup d’affection et d’estime. Nous étions, il y a cinquante ans, sur les bancs de la faculté de droit de Dakar. Elle me disait, « Je voulais aller faire les soins en France, voir mes enfants, mes petits-enfants et on m’a fait faire la queue au consulat de France. Malgré ce que j’ai fait pour le pays ». C’est ça la politique des visas. C’est très mauvais. Les jeunes Africains ne vont plus en France, mais au Canada, en Allemagne, en Angleterre, en Chine, aux Etats-Unis, en Inde. J’ai noué toutes mes amitiés en France, sur les bancs de la faculté.
S’il vous était donné d’apprécier la coopération qu’a la France avec les pays d’Afrique. Pensez-vous que c’est l’idéal quand on a la Chine qui apporte directement son apport sans passer par des couloirs ?
La France n’a plus les moyens qu’elle avait avant. Elle est une puissance moyenne. Elle a des problèmes, même pour tourner normalement et on ne peut pas lutter contre les grands belligérants. Je ne sais plus comment ça va se faire
Pourquoi dit-on que Robert Bourgi est l’héritier de Foccart et de ses pratiques ?
J’ai été un témoin de la Françafrique, des bons comme des mauvais côtés. Moi, je combats depuis quelques années le mauvais côté de la Françafrique. Et je peux vous assurer que si la droite revenait au pouvoir, en 2017, il n’y aurait plus de côté obscur de la France-Afrique. Les Africains se gouvernent eux-mêmes. Il faut considérer les Africains comme des partenaires à part égale et nous sommes dans le domaine de la multi-latéralité, de la mondialisation. Il faut en respecter les règles. Les Africains ne sont plus des populations de second rang. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Ce qui m’a choqué, le Président centrafricain prête serment en présence du ministre de l’intérieur et des affaires étrangères. Le nouveau président de la république du Bénin l’a passé de la manière la plus transparente et démocratique que ce soit. La passation de pouvoir entre Lionel Zinsou et Abdoulaye Bio Tchané s’est passée remarquablement. Qui envoie-t-on à la prestation de serment ? Monsieur Melonion qui est le numéro deux obscur de la cellule africaine de l’Elysée. Il ne faut pas prendre les gens pour ce qu’ils ne sont pas.
Etiez-vous choqué de constater cela ?
Ça ne se fait pas. On aurait pu envoyer un ministre de premier rang, même s’il n’y a pas eu une prestation de serment comme on le fait un peu partout. Ne serait-ce envoyer un ministre de premier rang pour rendre hommage à la maturité politique du peuple béninois, à la maturité politique des acteurs politiques béninois.
C’est peut être une impression de choc qui est arrivée parce que son candidat n’est pas passé ?
Je dis ouvertement que je suis choqué et je l’ai dit au Président Patrice Talon. Il a fait un sourire qui, vous le savez, en dit long. Monsieur Foccart a été un ami de mon pauvre père qui a été un partisan, à Dakar, du Général de Gaulle pendant la seconde guerre mondiale. Il a connu Jacques Foccart en 1946 à Dakar. J’ai gardé le contact avec monsieur Foccart. J’ai travaillé sous le Général de Gaulle. Ma thèse de doctorat porte sur le Général de Gaulle et l’Afrique noire. Il m’a fait connaitre Jacques Chirac qui m’a nommé Chargé de mission pour toute l’Afrique noire au Sud du Sahara. Par la suite, j’ai été Conseiller politique au ministère de la coopération en France. Ce n’est pas faux quand on dit que Monsieur Foccart a été l’homme des coups d’Etat. Seulement, à la fin de sa vie, il avait compris certaines choses et il parlait aussi du mouvement général du monde. Je prends l’exemple de la Côte d’Ivoire où, Jacques Foccart avait reçu Laurent Gbagbo quand il était dans l’opposition et quand il était en exil en France. Pourtant, c’était l’ami d’Houphouët-Boigny qui était président de la Côte d’Ivoire à l’époque. Foccart avait reçu des opposants gabonais à Omar Bongo. Il avait compris certaines choses. La Françafrique de Foccart commençait à évoluer dans le sens favorable. J’ai aussi été aux côtés de Chirac, Villepin et Sarkozy.
Vous travaillez d’ailleurs déjà pour son retour
Je soutiens la candidature de Nicolas Sarkozy pour la primaire.
Et vous travaillez sur ça ?
Absolument, j’y travaille.
Croyez-vous que Nicolas peut venir ?
Pourquoi pas. On dit qu’Alain Jupé va remporter les élections. Moi, je reste convaincu que Nicolas Sarkozy n’a pas perdu toutes ses chances de la gagner, cette primaire. C’est un formidable guerrier. Il a une passion pour son pays et c’est un guerrier. C’est un battant. Il a un dynamisme énorme et surtout, il a comme Jacques Chirac et François Mitterrand, la connaissance intime des dizaines de milliers de communes de France. Il connait le pays. Alain Jupé ne connait que la ville de Bordeaux, quelques grandes capitales, mais le peuple ne le reconnaît pas.
Pensez-vous que Nicolas Sarkozy a encore quelque chose à faire valoir en France ?
Bien sûr. Il aime son pays. La seule faute qu’il ait faite à mes yeux a été le discours de Dakar. Je l’attendais à Libreville parce qu’il faisait Dakar avant Libreville. Le président Bongo m’avait invité à attendre Nicolas ensemble avec lui. Quand Bongo a appris son discours de Dakar, il s’est demandé s’il avait bu. A son arrivée à Libreville et après le tête à tête, Bongo lui a demandé s’il avait chaud à Dakar pour faire ce discours et qu’il allait lui envoyer sa chaussure, s’il était dans la salle. C’est la seule chose que je reproche à Nicolas. Mais le connaissant, je vous assure que le connaissant, chaleureux, très gentil, il a toujours fait les services que je lui demandais en faveur des pays africains. Si le destin permet qu’il revienne à la tête de notre pays, je ferai en sorte qu’il répare ses erreurs passées et que son image soit meilleur en Afrique.
Pensez-vous que le contexte s’y prête ?
Il a toutes ses chances
On connait Foccart comme un homme de coup d’Etat et c’est pour cela qu’on dit qu’il était un maître alors que vous étiez son bras armé dans le mercenariat.
Non, certainement pas. Dégagez toutes ces mauvaises idées. Jamais, je n’ai prêté une main à toutes ces manigances. Je n’ai jamais été associé aux coups d’ordre.
On dirait que vous avez l’impression aujourd’hui que la Françafrique est une pratique malsaine ? D’où vient l’origine de cette renonciation ?
Je disais que la Françafrique avait un côté bon et obscur. Le côté obscur de la Françafrique a porté tort à l’Afrique et aux Africains et je veux que cela se renouvelle. Vous avez donné une leçon à ce mauvais côté de la Françafrique. Vous avez élu en toute liberté, en toute conscience un nouveau président. Je suis convaincu que Patrice Talon relèvera le défi et le gagnera. Il fera un miracle dans ce pays. Sa vie professionnelle est accomplie et il est heureux. Il me l’a dit qu’il ferait tout pour que le Bénin connaisse un nouveau départ. Il n’y en n’avait jamais eu avant et ça va être le départ.
Visiblement, vous soutenez toutes les ruptures. Vous avez soutenu celle de Nicolas Sarkozy et maintenant c’est Patrice Talon !
Pourquoi pas. Je suis Africain et j’aime votre pays. J’ai été séduit par votre président et j’ai hâte de le retrouver à déjeuner pour poursuivre la conversation. Il va réussir.
En visite à l’Elysée, le Président Talon disait que « le Bénin est un désert de compétences ». Il en a profité pour solliciter l’aide de la patrie mère pour faire fleurir ce désert. Pensez-vous que la France pourra mettre à sa disposition des compétences dont il a besoin ?
Je combats l’idée selon laquelle le Bénin est un désert de compétences. S’il l’a dit, c’est qu’il a mal formulé sa pensée
Vous en avez parlé avec lui ?
Non, puisque je ne savais pas qu’il l’a dit. Mais je pense qu’il a mal formulé sa pensée. Il a fait des éloges du peuple et de ses compétences. Je lui ai dit que le capital de cette jeunesse et de cette force vive est réel. Je suis certain qu’il va réussir son pari. Il a d’ailleurs à ses côtés d’excellents collaborateurs au nombre desquels il y a Abdoulaye Bio Tchané qui a fait ses preuves en matières bancaires au FMI, à la Banque mondiale. Moi, je suis confiant.
Il nous est revenu que votre séjour à Cotonou est aussi de boucler la réconciliation entre Patrice Talon et votre ancien étudiant, l’ex-président Boni Yayi.
C’est faux et archi faux. Si j’avais des relations d’amitié avec Yayi Boni, je serais venu au cours de ses deux mandats. Ça fait vingt ans que je ne suis pas venu. Je ne me mêle pas de cela. Patrice Talon saura régler cette situation.
Comment Me Bourgi a apprécié la transition démocratique qui a eu lieu le 6 avril dernier.
J’ai été séduit. Ceci a été dérogé tant au niveau présidentiel que des ministres. Vous avez donné une leçon de démocratie à l’Afrique. C’est à mettre à votre actif et c’est pour cela que la France se doit d’appuyer les efforts de Patrice Talon pour redynamiser son pays. La France se doit de l’aider et d’aider le Bénin
Quel est le secret de Me Bourgi de paraître, à 71 ans, comme un jeune homme ?
Je mène une vie saine. Je mange sainement. Je dors tôt. Les boites de nuit c’est fini et la jeunesse est terminée.
C’est une occasion de toujours maintenir la courroie de transmission entre les Chefs d’Etat africains et la mère patrie ?
Non. Je fais confiance au président Talon. C’est un homme neuf, un président neuf, un nouvel homme d’Etat en Afrique. Il ne ressemble pas à ceux qui l’entourent. Son parcours n’est pas celui des autres. Il n’est pas le fils d’un ancien Président de la République. C’est un peu le Pompidou qui était un directeur de banque, collaborateur du Général de Gaulle avant d’être président. C’est un peu le Pompidou béninois.
Mais le pouvoir corrompt
J’ai vu la corruption accompagner le pouvoir. Je l’ai souvent vu en Afrique et je le regrette profondément. Mais, Patrice Talon est comblé dans sa vie. Il n’a pas besoin de la corruption, ni de corrompre. Il vous donnera satisfaction.
Mais vous ne le connaissez pas trop. Pourquoi avez-vous alors cette certitude ?
Je l’ai observé hier. Je l’ai étudié. Je l’écoutais quand il parlait. Il m’a parlé en ouvrant son cœur. Je suis là pour apporter la lumière si tant est qu’il en a besoin. Mais, je suis confiant et je sais qu’il va réussir. Et le peuple béninois sera satisfait.
Vraiment ?
Si le peuple avait été satisfait des autres gouvernances, il n’y aurait pas Patrice Talon. Il vient d’arriver. Il a renversé la table et a pris le pouvoir de manière démocratique. C’est ce qui m’a plu chez cet homme
Patrice Talon va-t-il compter sur votre expertise ?
Je lui ai dit qu’il peut compter sur moi.
Que comptez-vous apporter comme expertise à Patrice Talon ?
L’expérience que j’ai acquise pendant quarante ans. On apprend des choses aux côtés d’Houphouët Boigny, d’Abdou Diouf, Omar Bongo, Sassou N’Guesso. On apprend les bons comme les mauvais côtés et on sait ce qu’il faut faire pour ne pas avoir les mauvais côtés. Je suis là, s’il a besoin de moi.
Parlons économie. Malgré ses nombreuses richesses, l’Afrique peine à décoller. A qui la faute, selon vous ?
Aux présidents africains. Regardez, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui en de bonnes mains.
L’Afrique peut-elle avoir une monnaie unique ?
Je ne le pense pas. Pas à l’échelle de ma vie.
Pourquoi ?
C’est un vœu que caressent les Chefs d’Etat africains mais, à l’échelle de ma vie, je ne vois pas se faire dans les vingt ans à venir.
Vous êtes catégorique!
Ce n’est pas grave. Le franc CFA est là arrimé avec le franc français depuis des décennies. Et maintenant l’euro. Reconsidérer tout cela, je ne vois pas cela se transformer à l’échelle de vingt ans
Quelle serait la politique financière de la France envers ses anciennes colonies si cela advenait ?
Un jour où l’autre, on en sortira. Chaque chose en son temps.
Pensez-vous que la suppression du CFA va impacter négativement l’économie française ?
Le franc CFA apporte beaucoup à l’économie française. Vous savez qu’il y a des réserves considérables de fonds africains à la France.
Et c’est pour ça que vous considérez qu’on ne peut jamais supprimer cela ?
Si mais pas dans dix ans ni dans vingt ans. Mais, ça se fera un jour.
Que diriez-vous de la presse béninoise ?
Je vois des dizaines de journaux. J’aime bien le foisonnement. Il parait que vous êtes un journal sérieux. J’aime bien vous écouter.
Me Bourgi, que diriez-vous pour conclure cet entretien ?
Je vous dirai de garder confiance en votre pays, en votre peuple et de donner toute confiance en votre Président de la République Patrice Talon.
Entretien réalisé pour l’événement précis par Gérard AGOGNON