Le Bénin va-t-il instaurer le mandat unique pour le chef de l’Etat ? La Commission technique chargée des réformes politiques et institutionnelles est en place depuis le 6 mai 2016. Elle planche sur la question et sur le rééquilibrage des pouvoirs et le renforcement des institutions. C’est une commission de 30 membres qui regroupe des personnalités politiques, des universitaires, des membres de la société civile. Son vice-président, Karimou Chabi Sika, candidat malheureux à la présidentielle, répond aux questions de Carine Frenk.
Rfi : Trouvez-vous que c’est une bonne idée de mettre en place une commission technique quand certains imaginaient déjà une conférence nationale bis ou des assises plus larges pour des sujets aussi importants ?
Karimou Chabi Sika : Je crois que l’objectif est assez clair et le président Talon a parfaitement raison. Vous avez suivi nos dernières élections. La classe politique a totalement perdu les repères, le système démocratique lui-même. Les Béninois commencent par se poser des questions. Et nous pensons donc qu’à la sortie des élections, maintenant que tout est calme, il faut revisiter l’ensemble de tous ces dispositifs-là. Et cela, on ne peut le réussir qu’en début de mandat.
L’idée, c’est d’aller vite ?
Oui. La commission a 38 jours pour déposer son rapport. Et ce rapport va permettre au gouvernement de faire un avant-projet de texte de révision de la Constitution qui ira d’abord à la Cour suprême pour avis, et après la Cour suprême, ça ira Parlement. C’est après le Parlement qu’on va envisager le référendum.
Et le référendum, c’est pour cette année ou l’année prochaine ?
Je crois que ça va être vers la fin de l’année ce référendum ou au plus tard, au début de l’année prochaine.
L’objectif de cette vaste réforme, c’est le renforcement de la démocratie. Pour Patrice Talon, cela passe par l’instauration du mandat unique pour le président de la République ?
Voilà et je crois que la proposition phare la plus innovante, c’est celle-là, c’est-à-dire un mandat unique. Nous avons constaté que lorsque vous êtes sous un régime de deux mandats, dès le premier mandat, vous faites tout, à tout prix, pour avoir un deuxième mandat. Donc, en général, il y a des considérations totalement politiciennes. Il y a trop de déviances dans la gestion. Or, quand vous avez un seul mandat, c’est un mandat unique. Ça va vous donner plutôt envie de laisser un nom. Et c’est cela qu’il faut pour notre peuple.
Ça sera cinq ans ou plutôt sept ans ?
Nous sommes en débat. Ça pourrait être cinq ans. Ça pourrait être sept ans. Ça pourrait être neuf ans. Ce qui est sûr, nous ne pouvons pas dépasser dix ans. Donc, il fait un mandat et à la fin du mandat unique, il s’en va. Il n’y aura plus possibilité de revenir, un peu comme à la Poutine, c’est-à-dire on met peut-être l’un de ses partisans, il fait la parenthèse et on revient. Ici, vous faites un mandat et à la fin de votre mandat, vous ne pourrez plus être candidat.
Le Bénin tient à rester le laboratoire de la démocratie en Afrique ?
C’est un peu notre ambition. De toutes les façons, on n’a jamais atteint la perfection. Nous sommes en train de rechercher ce qui sera le mieux pour notre peuple pour qu’on ne soit pas en train de laisser un peuple dans l’anxiété : est-ce qu’il y aura révision ? Est-ce qu’il n’y aura pas révision ? Est-ce qui va partir ? est-ce qu’il ne va pas partir ? Quelqu’un qui vient, il fait ce qu’il peut faire et il s’en va. Donc, c’est l’option qui est en train d’être proposée. C’est en discussion. Nous pensons que c’est original parce que les débats sont assez passionnants. Et ça ne manque pas d’intérêt.
Mais il n’y a pas de consensus sur cette question du mandat unique aujourd’hui ?
Non. Je crois qu’il serait prématuré de dire qu’il n’y a pas consensus ou qu’il y a consensus.
Mais est-ce qu’il est sûr qu’il y aura cette proposition dans votre avant-projet ?
Ce n’est pas encore décidé. Nous sommes d’abord dans le débat général. Nous sommes en train de discuter. Je crois que, de toutes les façons, ça a été explicite dans les propositions du président de la République. Et nous donnerons une suite.
Est-ce qu’il y aura un Premier ministre dans la future Constitution du Bénin ?
Non ! Ce n’est pas réglé. Ce débat-là, il est en cours.
Et puis, vous allez aborder d’autres sujets très importants qui font consensus, comme la réforme des partis politiques ?
Oui. Le chef de l’Etat propose le financement des partis politiques par une loi. Et je pense que même les acteurs politiques sont unanimes que le « système partisan » au Bénin est totalement à refonder parce qu’il ne fonctionne pas. On ne peut pas imaginer une démocratie où le « système partisan » ne fonctionne pas. La deuxième chose, c’est qu’à la fin de nos travaux, nous allons certainement proposer des réformes pour permettre d’abord de rééquilibrer nos institutions, de les renforcer, de faire en sorte que ce ne soit plus donc des hommes forts, mais des institutions fortes, surtout et surtout, rééquilibrer les pouvoirs. Voilà les deux grandes ambitions.
Donc, beaucoup de travail et peu de jours ?
Oui, beaucoup le pensent, mais au fait ce sont des sujets qui étaient assez connus. Le nouveau dans tout ceci, c’est fondamentalement le mandat unique. Tous les autres sujets, d’une façon ou d’une autre, avaient été déjà discutés. Les visions n’étaient peut-être pas les mêmes. Mais aujourd’hui, avec les expériences, de plus en plus, on fera le consensus pour aller à l’essentiel.
Source Rfi.fr