Dans cet entretien réalisé avec le Secrétaire général de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), le Professeur Léon Bani Bio Bigou, nous avons abordé deux principaux sujets liés à l’administration publique béninoise pour sa redynamisation. Il est question du système de journée continue, du retard, ainsi que de la ponctualité des agents au poste. Le secrétaire général de l’Uac a présenté la situation dans l’administration qu’il dirige depuis quelques années. Approuvant le système de journée continue comme à l’Uac, il pense qu’il faut l’accompagner de mesures de surveillance. Concernant le retard, le Professeur appelle toute personne à un poste de responsabilité à être un exemple pour ses collaborateurs.
L’EVENEMENT PRECIS : Professeur Bio Bigou, quels sont les horaires d’ouverture et de fermeture de l’administration de l’Uac dont vous êtes le premier responsable ?
Professeur Léon BaniBio Bigou : Pour l’ouverture, c’est 08 heures et la fermeture est à r 16 heures 30.
Pourquoi leshoraires de l’université sont contraires à ceux de l’administration béninoise?
C’est une très longue tradition, à cause d’un certain nombre de paramètres. D’abord,il faut parler de la position de l’université par rapport au personnel qui venait y travailler. Cela supposait que s’il faut vous retenir de 08heures à 18 heures 30, l’université a les moyens d’assurer le déplacement aller-retour des agents. Donc essentiellement, c’est un problème de transport. C’est parce qu’on n’a pas eu les moyens de régler cela que ça perdure. On a donc joué sur le temps de pause qui est de 30 minutes.
Est-ce que cette mesure rend efficace le travail ?
Ce n’est pas à nous de nous juger, mais plutôt aux usagers de le faire. Depuis que j’ai en charge le secrétariat général de l’université, je n’ai pas connaissance de problèmes liés aux horaires. Ce qu’on a plutôt enregistré est une doléance du personnel par rapport aux moyens de déplacement. Il avait exigé un bus de déplacement. Or, cela suppose qu’on en ait un certain nombre pour les différentes directions. On n’a donc pas encore enregistré des plaintes au sujet d’une inefficacité de l’administration liée aux horaires.
Pensez-vous qu’on peut appliquer ces horaires à l’administration publique en général ou bien les changer ?
Je ne peux pas dire de façon absolue, non. Mais, je ne pense pas. C’est vrai que la gestion du temps dépend de nous-mêmes. Cela dépend des résultats que l’on vise. Si nous disons 8heures, c’est un choix qu’on peut toutefois changer. Ce qu’on ne peut pas changer, c’est les 24 heures. Donc, on peut faire toutes les gymnastiques dans les 24 heures. Par exemple, au Nigéria, ce n’est pas les mêmes horaires de travail. Donc tout dépend des réalités de chaque structure. Je vous rappelle qu’on a expérimenté ici le système de journée continue déjà sous le feu Président Mathieu Kérékou.
Pourquoi cette mesure de journée continue, avait-elle échoué ?
Cela avait échoué parceque l’objectif visé n’était pas atteint. Il s’agissait de permettre aux gens de donner le maximum d’eux-mêmes. Finalement, on a constaté qu’au moment où les agents devraient être à leur poste, ils sont ailleurs. Quand on a fait le bilan, on a vu que c’est défavorable, négatif à l’économie. Les gens profitent de l’occasion pour aller faire leurs affaires. Mais en réalité, c’est quelque part avantageux. Cela pouvait permettre d’éviter les problèmes de retard, d’embouteillage et autres. Mais les gens en ont abusé et cela a été revu.
Ne pensez-vouspas qu’il faut ramener cette mesure ?
Je disais que ce n’est pas impossible puisqu’on l’a déjà expérimenté sous le régime Kérékou. Maintenant, cela dépendra du système à mettre en place pour mieux suivre les agents. Ici, nous le faisons bien. La façon dont nous contrôlons ici nous permet d’atteindre nos objectifs.
A l’Uac, comment gérez-vous les cas d’absence et de retard dans l’administration ?
A l’entrée du rectorat par exemple, il y a une liste de contrôle. Quand l’agent arrive, ce n’est pas lui-même qui s’enregistre. C’est celui qui est responsabilisé qui le fait. Cela a été instauré dans toutes nos directions. Le tout ne suffit pas de donner des ordres, il faut suivre. C’est pour cela que j’organise des visites inopinées. Je descends dans tous nos établissements. Là, beaucoup ont peur que des sanctions rejaillissent sur eux. Alors chacun fait attention. En dehors de nos contrôles, il y a le ministère de tutelle qui envoie aussi des commissions de contrôle indépendamment de l’UAC. C’est comme cela qu’on on arrive à maitriser nos agents. Mais chaque année, il y a aussi des récompenses. On récompense les agents modèles de chaque administration. Les critères reposent sur l’assiduité, la ponctualité, la conscience au travail. C’est au niveau des agents même que les choix sont faitsavant que nous, nous ne validions. Quand on demande de changer de mentalité, il faut accompagner des sanctions positives pour ceux qui font bien et des sanctions négatives pour ceux qui se comportent mal. Quand je suis arrivé ici en 2008 comme secrétaire général, j’ai réuni tout le monde avec qui j’ai discuté. Et quand je constate que quelqu’un est surchargé, on le décharge pour lui permettre d’être plus efficace. Le deuxième élément principe est qu’on ne m’amène pas les courriers de la veille. Depuis ce temps, je n’en ai jamais reçu. Les principes doivent être clairs et nets.
Et pourquoi cela ne marche-t-il pas dans l’administration publique ?
Dans l’administration publique, il ne faut pas tout le temps en vouloir aux agents. Les autorités doivent eux-aussi être des exemples. Le régime militaire a fait marcher tout droit les citoyens et les agents. Il faut voir au niveau des responsables. Si vous voulez combattre le retard, il faut être des exemples. Ils doivent éviter d’encourager les mauvais exemples au détriment des agents efficaces. Il faut comprendre que la politisation à outrance de l’administration en est aussi pour quelque chose. Ceux qui sont à des niveaux de responsabilité doivent d’abord prendre conscience.
Propos recueillis par Emmanuel GBETO