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Prochaines réformes politiques et institutionnelles : Stanic Adjacotan propose l’institution du principe de la régionalisation
Publié le mercredi 18 mai 2016  |  Matin libre
Stanic
© aCotonou.com par DR
Stanic Adjacotan, doctorant en Droit public




Selon le doctorant Stanic Adjacotan, (photo) si les collectivités territoriales doivent continuer à ‘’quémander’’ de l’argent auprès de l’exécutif, le Bénin se développera difficilement. Il nous faut « …constitutionnaliser le principe de la régionalisation et cela doit aller avec l’ambition que les exécutifs régionaux dont les partis politiques seront responsables doivent devenir les pôles de développement économique et social », a suggéré dans une interview à Matin Libre ce Chercheur au Département du droit international et européen de l’Ecole de droit de la Sorbonne (France). Lire ses propositions.

Matin Libre : La commission chargée des réformes politiques et institutionnelles a été mise en place vendredi dernier. Beaucoup jugent pléthorique et moins diversifié le nombre des commissaires. M. Stanic Adjacotan, est-ce votre avis?

Stanic Adjacotan : Tout d’abord, il faut commencer par relever que l’événement qui s’est déroulé à la salle des ambassadeurs le vendredi dernier n’est que le début de la concrétisation des promesses de campagne du candidat Patrice Talon devenu président de la République. Parmi tous les candidats, c’est lui qui a le plus axé sa campagne sur les réformes politiques et institutionnelles. Pour ensuite tenter de répondre à votre question, je voudrais vous indiquer que j’ai pris le soin de lire la réflexion du professeur Nicaise Mèdé sur la composition de la commission. À l’analyse, il ne fait pas de doute sur le caractère pléthorique de cette dernière. Elle compte trente membres (Trente-cinq après la publication de liste officielle, Ndlr) contrairement aux précédentes commissions qui en ont compté moins.

Sur le manque de diversité des compétences, je serai moins critique. En ce sens que, dans les observations et appréhensions du professeur Mèdé, il a beaucoup plus mis l’accent sur l’absence de financier ès qualité. En tant que directeur d’un think-thank en droit public financier, sa réaction reste à tout fait légitime. Mais alors, que dira-t-on de la présence d’un ancien ministre de l’économie et des finances, je veux dire Grégoire Laourou ? Faisons quand même attention. La réforme d’une Constitution comme celle du 11 décembre 1990 a besoin de mains suffisamment expertes. On aurait pu faire l’économie de mettre certaines personnes dans la commission en ce sens que leur présence ressemble fortement à un doublon. La seule présence du président de l’Unamab (Union nationale des magistrats du Bénin, Ndlr) suffit. Point besoin d’ajouter d’autres magistrats. Mais à la fin, le président de la République avait le pouvoir discrétionnaire de fixer et de désigner ceux qu’il juge capables de lui faire des propositions de réformes et c’est ce qu’il a fait.

Plusieurs commissions avaient déjà planché sur les mêmes préoccupations. Celle-ci fera-t-elle un miracle ?

Vous voulez certainement parler des deux commissions précédentes : la première dirigée par l’éminent professeur Maurice Ahanhanzo Glèlè ; la deuxième, celle du haut magistrat Joseph Gnonlonfoun. C’est ici le lieu de rendre hommage au travail abattu par ces deux commissions. C’est la preuve que notre Constitution a déjà été diagnostiquée et auscultée à la loupe par des mains dont l’expertise ne soulevait le moindre doute. Elle a été lue et relue. Si vous lisez les rapports issus de leurs travaux vous relèverez les forces et les faiblesses de cette Constitution. Par conséquent, on ne peut attendre un miracle de ce que fera cette troisième commission à moins qu’elle n’aboutisse à la ‘’mise à mort’’ de la Constitution du 11 décembre 1990. Et je ne le pense pas. Cette Constitution dans toute l’Afrique est un modèle à un triple point de vue. Modèle pour sa longévité. Modèle pour sa stabilité. Et enfin modèle parce qu’elle est pour beaucoup de citoyens un objet de vénération quasi biblique. C’est pour cette raison que je voudrais reprendre ici Seidou Badian qui disait dans son célèbre roman Sous l’orage « qu’on ne peut en poussant dépasser le mur ». Le faire, c’est renverser la table posée au PLM Alédjo en février 1990. Et une telle option, sera un véritable saut dans l’inconnu. Soyons modeste dans cette ambition révisionniste et parlons d’amendement qui préserve les principes constitutionnels de base.

Existe-t-il des sujets de préoccupations que les commissionnaires peuvent prendre en compte lors de leurs travaux ?

Bien sûr. Le Bénin n’est pas un Etat isolé et le modèle étatique que nous expérimentons depuis 1960 est celui unitaire contrairement à l’exemple du Nigéria où l’on a affaire à un Etat fédéral. Les modèles d’Etats unitaires comme le Bénin, je veux dire la France et l’Italie par exemple se sont rendus compte que ce modèle est dépassé. Et qu’elle a été leur ‘’recette miracle’’ ? C’est d’atténuer profondément le principe de l’unicité en constitutionnalisant le principe de la régionalisation qui dégage une forte odeur de fédéralisme. Nous avons opté pour la décentralisation avec l’élection des maires. Mais à l’unanimité, les experts sur la question vous diront que cela n’apporte pas le développement à la base.

Imaginez qu’on vous dise qu’en France ou en Italie que l’Etat central continue d’être commerçant c’est-à-dire gestionnaire de marché tel l’exemple de Dantokpa . Que l’Etat central continue de s’intéresser à la construction des écoles ou autres infrastructures socio-sanitaires. Vous trouverez très peu de pays sérieux dans lesquels de telles choses se passent. Le président de la République porte l’ambition de réduire sensiblement les prérogatives de l’exécutif et de réformer le système partisan. Et c’est en cela qu’il faut l’encourager pour que ces réformes intègrent la dimension économique de la Constitution.
Si les collectivités territoriales doivent continuer à ‘’quémander’’ de l’argent auprès de l’exécutif pour faire face aux préoccupations de développement, nous n’arriverons à rien. Réformer le système partisan, c’est aller à une plus une grande responsabilisation des partis politiques qui doivent avoir une influence régionale. Ce sera alors de constitutionnaliser le principe de la régionalisation et cela doit aller avec l’ambition que les exécutifs régionaux dont les partis politiques seront responsables doivent devenir les pôles de développement économique et social. L’Etat sera dans ce cas, un centre d’impulsion des politiques publiques au plan national en conservant ses prérogatives régaliennes.

Que pensez-vous de la proposition du président sur la réduction du mandat double au mandat unique ?

Je vais vous répondre que je ne suis pas de son avis. Et je m’explique. J’ai essayé de lire de nombreuses constitutions de par le monde et je n’en ai repéré aucun modèle pareil. En Haïti par exemple, le président ne peut pas faire consécutivement deux mandats. Après le premier, il doit se mettre à la touche et pourrait revenir après l’écoulement du second mandat qui commence juste après celui qu’il a fini. Mais là vous savez bien dans quel imbroglio politique ils sont actuellement plongés. Si le président Patrice Talon a eu une telle idée, c’est bien parce qu’il a été la principale victime des dérives monarchiques et dictatoriales de son prédécesseur. Imaginez qu’il n’y a pas eu de brouilles entre les deux hommes amis pendant un long moment et ennemis pratiquement à la fin du dernier mandat. On ne serait peut-être pas là à imaginer le principe du mandat unique. A mon humble avis, on ne peut se baser sur une lecture décennale du régime précédent pour dire que les pratiques politiques qui ont été les siennes nécessitent de réduire le mandat à un seul. Et je voudrais dire qu’en l’état actuel de notre droit constitutionnel positif avec bien sûr la jurisprudence de la Cour constitutionnelle dont il faut saluer ici l’audace et la témérité depuis plus de deux décennies, la question du mandat ne peut connaître une réduction. Faire abstraction de cette réalité jurisprudentielle applaudie hier par ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui, c’est braver les interdictions posées par l’institution à travers sa décision Options fondamentales de 2011.

Nous avons le devoir de dire au président de la République que son idée est lumineuse mais elle peut s’avérer dangereuse. Ce qu’il propose est largement suffisant pour adoucir les prérogatives de l’Exécutif et en accroissant le régime de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat et partant des membres du gouvernement. Je sais qu’un contentieux naîtra au sujet de la révision et là-dessus, le juge constitutionnel comme cela s’est fait en 2006 et 2011, rappellera je l’espère bien au Président de la République qu’à la Conférence nationale de février 1990, nous avions arrêté des principes constitutionnels qui ne sauraient recevoir très facilement des coups de canif politique.

Propos recueillis par Allégresse SASSE
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