Demain se prépare aujourd’hui. En politique, c’est d’autant plus vrai que s’imposer à ses adversaires est un travail de longue haleine. Ainsi, si le chapitre de la bataille pour le fauteuil présidentiel qui a vu en mars dernier, le président Patrice Talon l’emporter est refermé, il laisse déjà place, dans la perspective des législatives de 2019 et des communales de 2020 au combat des acteurs politiques autour du contrôle des fiefs. L’Ouémé, le Plateau, le Littoral, le Zou, le Borgou, la Donga, l’Alibori…
Depuis le 6 avril 2016, il est évident que la classe politique compose avec de nouveaux paradigmes. Et donc, il ne dépend que de l’énergie dépensée et de la stratégie déployée sur le terrain pour imposer son hégémonie pour les uns ou forcer à une redistribution des cartes pour les autres. Mais avant l’assaut final à donner par les partis politiques en compétition pour attaquer les différents fiefs lors des prochaines échéances électorales, il est à parier que le dénouement de la présidentielle de 2016 pèsera lourd dans la balance.
Ajavon et le défi de l’Ouémé
C’est donc à juste titre que beaucoup d’observateurs s’attendent à ce que si l’homme d’affaires Sébastien Ajavon, arrivé troisième lors de la présidentielle de 2016 s’engage véritablement sur le terrain politique, il pourrait sérieusement bousculer le Prd voire le renverser dans l’Ouémé. Mais, d’une élection à une autre, beaucoup de choses peuvent changer, et la débâcle du parti arc-en-ciel dans son fief de l’Ouémé lors de la présidentielle passée peut bien être une situation conjoncturelle. Tout compte fait, à moins que le roi de la volaille n’ait plus d’ambition politique, d’ici trois ans, les Béninois pourront juger de sa capacité à tenir la dragée haute au Prd dans l’Ouémé.
Qui pour l’électorat fon ?
De son côté, la Rb sortie groggy de la dernière présidentielle avec des scores minables dans ses fiefs du Littoral, de l’Atlantique et du Zou s’active, vaille que vaille, pour à nouveau y jouer les premiers rôles. Mais, la tâche ne lui sera pas facile puisque l’électorat de ces différentes localités à majorité fon a préféré en mars dernier, écouter d’autres interlocuteurs comme Joseph Djogbénou, Candide Azannaï, Orden Alladatin et opter pour un nouveau leader charismatique en la personne du président Patrice Talon.
C’est dire que même si les élections se suivent mais ne se ressemblent pas, la Rb sous l’égide de Léhady Soglo a fort à faire pour relever le défi de contrôler à nouveau l’électorat fon et en même temps ses traditionnels fiefs du Zou, du Littoral et de l’Atlantique. Ceci d’autant qu’il est fort probable que c’est à l’aune des erreurs du régime en place et de l’insatisfaction des populations en ce qui concerne la gouvernance Talon que la cote de la Rb pourrait à nouveau grimper.
Abt et les délices du septentrion
En attendant, c’est l’un des précieux soutiens du président Patrice Talon, en l’occurrence le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané qui a tout à prouver dans la bataille pour le contrôle de l’électorat du septentrion. En effet, après l’échec du candidat des cauris, Lionel Zinsou à la présidentielle, l’effacement de son mentor Boni Yayi et la déliquescence qui se constate ces derniers jours au sein des Fcbe, le leader de l’Alliance pour un Bénin triomphant (Abt) peut désormais rêver au-delà de sa Donga natale où jusqu’ici, son hégémonie ne souffre d’aucune contestation.
D’ailleurs, pour que les percées qu’il a enregistrées au cours de la présidentielle de 2016 dans le Borgou et l’Alibori ne soient pas anecdotiques, il doit se réveiller tôt, travailler d’arrache-pied afin d’être davantage perçu non seulement dans la Donga mais dans tous les départements du septentrion comme une alternative crédible. Dans tous les cas, si la page Boni Yayi doit être définitivement refermée dans le nord, il dépendra en grande partie de Abt et de l’organisation qu’il mettra en place pour s’enraciner plus profondément dans cette région du pays.
Toujours dans la perspective des prochaines joutes électorales, il faut s’attendre aussi à de grosses batailles entre partisans de la Rupture dans le Plateau, le Mono et le Couffo. D’un côté, ce sont les soutiens du président du patronat, Sébastien Ajavon qui feront feu de tout bois pour imposer leur hégémonie notée dans les urnes dans ces différentes localités lors de la présidentielle de 2016. Mais en politique, il n’y a pas de cadeau, et il faut s’attendre à ce que les appétits soient voraces non seulement chez les artisans de la première heure de la victoire de Patrice Talon à la présidentielle de mars passé mais chez d’autres acteurs politiques qui pourraient s’inviter au festin des élections. C’est de bonne guerre.
Angelo DOSSOUMOU