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Finance : au secours, le FMI revient en Afrique !
Publié le jeudi 19 mai 2016  |  La Tribune de la Capitale
Christine
© AFP par FABRICE COFFRIN
Christine Lagarde à Davos 2016




Confrontés à la baisse des cours de l'or noir et des matières premières, les pays subsahariens en sont réduits à faire appel à l'institution de Bretton Woods, dont l'aide passée a pourtant laissé de forts mauvais souvenirs. Washington, mi-avril. Carlos Agostinho do Rosário, le Premier ministre du Mozambique, débarque au siège du FMI la valise chargée d’une immense pile de documents sur les finances publiques de son pays. Objectif : montrer patte blanche pour sauver la crédibilité de l’État d’Afrique australe et obtenir le rétablissement du partenariat le liant au Fonds.
Le 15 avril, l’institution dirigée par la Française Christine Lagarde avait décidé de suspendre son aide financière au Mozambique après avoir découvert que cet économiste formé à l’université de Londres et son gouvernement avaient dissimulé une dette de plus de 1 milliard de dollars contractée en 2013 (plus de 726 millions d’euros à l’époque) auprès de banques internationales.
Le FMI face à une forte demande
Exportateur de charbon et d’aluminium, ce pays assis sur un gigantesque gisement de gaz naturel (qui lui vaut le surnom de « petit Qatar ») a vu ses recettes et la valeur de sa monnaie, le métical, dégringoler à cause du niveau bas du prix des matières premières. Fin octobre 2015, il avait ainsi demandé, pour la première fois en dix ans, un appui financier d’environ 286 millions de dollars au FMI pour financer son budget.
Cette aide désormais suspendue, le pays pourrait se retrouver dans une situation encore plus compliquée. Surtout que, dans la foulée du Fonds, la Banque mondiale et certains bailleurs bilatéraux comme le Royaume-Uni ont eux aussi arrêté de le soutenir financièrement. Rarement le FMI aura été autant sollicité au sud du Sahara ces dernières années. « Nos relations avec les États sont continues. Nous avons des programmes avec 21 pays [dont 17 bénéficient d’appuis financiers] en Afrique subsaharienne. La grande majorité d’entre eux avait déjà un partenariat avec nous avant la conjoncture actuelle », tempère Céline Allard, chef de la division des études régionales au département Afrique du FMI.
Une inquiétante série noire
Il n’empêche que, depuis le début de la chute du prix des matières premières en 2014, plusieurs exportateurs africains ont dû appeler l’institution à l’aide pour remettre de l’ordre dans leurs finances. Et cette tendance va s’accentuer.
Avant le Mozambique, il y a eu le Ghana. Considérée jusqu’à une époque très récente comme l’exemple même de l’Afrique émergente, l’ancienne Gold Coast, riche en or, en pétrole et en cacao, mais à court de liquidités et endettée jusqu’au cou, n’a eu d’autre choix que de demander l’appui du FMI. En avril 2015, elle a ainsi obtenu du Fonds un crédit de 918 millions de dollars sur trois ans.
Quant à l’Angola, deuxième exportateur africain de pétrole, ses dirigeants ont longtemps écarté cette option – avant de s’y résoudre début avril 2016. D’ici à juin, ils pourraient signer avec l’institution un accord pour obtenir des facilités de financement sur les trois prochaines années. La Zambie (exportateur de cuivre) ou le Zimbabwe devraient bientôt emboîter le pas au pays d’Eduardo dos Santos, puisqu’ils ont également engagé des discussions avec le Fonds.
Sur le continent, ce retour en première ligne du FMI suscite des inquiétudes. « Dans les années 1980, les pays africains avaient un ratio dette/PIB d’environ 12 % quand ils ont été contraints de se plier aux programmes d’ajustements structurels. Lorsqu’ils en sont sortis vingt ans plus tard, ce ratio était de 60 % [il est de 38 % aujourd’hui]. Et la croissance était ridicule malgré une pression de Bretton Woods sur les équilibres macroéconomiques », rappelle Carlos Lopes, le secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), pour souligner l’échec des politiques que l’institution avait alors imposées à certaines économies africaines.
Dans l’imaginaire collectif subsaharien, cette époque rime avant tout avec austérité, privatisations en cascade et vagues de licenciements. De fait, les exportateurs de pétrole francophones d’Afrique centrale hésitent encore à solliciter l’institution basée à Washington. « Je ne compte emprunter de l’argent ni au FMI ni à aucune autre organisation », assurait à Jeune Afrique, avant la présidentielle d’avril, Teodoro Obiang Nguema, le chef de l’État équato-guinéen.
Peu d’alternatives pour les exportateurs africains
Mais jusqu’à quand résisteront-ils ? Peu diversifiées, ces économies fortement dépendantes de l’or noir – dont le cours reste désespérément bas – voient leurs recettes fondre de jour en jour. Et elles disposent de très peu de solutions de financement à l’international. Les emprunts obligataires internationaux que certaines ont utilisés ces dernières années pour s’émanciper de la tutelle du FMI sont devenus très chers en raison de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis.
Selon les données de l’agence Bloomberg, le taux moyen sur les obligations souveraines libellées en dollars était de 7,61 % fin mars, soit près de 300 points de base de plus qu’il y a trois ans. De plus, les investisseurs commencent à s’inquiéter de l’augmentation rapide de la dette de certaines économies comme le Congo, qui a vu la sienne passer de 33,1 % de son PIB en 2011 à 57,5 % l’année dernière.
La banque des Brics, qui aurait pu offrir une alternative, est loin d’être opérationnelle pour l’instant. La BAD ? « Son rôle se rapproche davantage de celui de la Banque mondiale : financer le développement [les infrastructures par exemple] et aider à renforcer les capacités des États », affirme un analyste. Quant à la Chine, confrontée à un ralentissement, elle s’intéresse plus au financement des infrastructures qu’aux appuis budgétaires.
À moins d’innover à travers des Panda Bonds chinois comme en négocie le Nigeria, les options sont rares. En réalité, « quand les choses vont mal, très peu d’organisations peuvent prêter des milliards dans un délai réduit. Rares sont les institutions capables de remplacer le FMI », explique à Bloomberg John Ashbourne, du cabinet de recherche Capital Economics, basé à Londres.
Mais le Bissau-Guinéen Carlos Lopes dédramatise : « Si un pays doit recourir à des emprunts à l’étranger à cause de difficultés liées à des pertes de recettes, autant qu’il s’adresse à ceux qui peuvent offrir des taux bas. Les organismes financiers multilatéraux constituent le meilleur choix dans ce cas, surtout s’il pense revenir en force après un mauvais passage. »
La question du règlement de la dette
Reste une question : les conditions. La contrepartie que demande le FMI aux États leur coûte-t-elle aussi cher que par le passé ? Il est clair que « des pays comme le Ghana, le Mozambique ou la Zambie vont devoir réduire leurs dépenses. Les craintes concernent les dépenses sociales en particulier », souligne Victor Lopes, économiste senior spécialiste de l’Afrique chez Standard Chartered Bank. « Au FMI, on a parfois tendance à confondre gestion rigoureuse des finances publiques et gestion restrictive », soutient Kako Nubukpo, ancien ministre togolais de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques.
Depuis 2013, un débat oppose les États au FMI au sujet de la dette. Les premiers estiment que celle-ci reste soutenable à 70 % du PIB tandis le second situe ce ratio à 50 % du PIB. Cependant, l’actuel directeur de la Francophonie économique à l’OIF reconnaît que le FMI a revu sa copie sur le continent en raison des échecs passés mais aussi de la montée en puissance au sein de son conseil d’administration de pays émergents comme la Chine, qui sont davantage favorables à des politiques budgétaires plus expansives.
« Dans les discussions que nous menons avec les autorités des pays qui sollicitent notre aide, nous veillons à préserver les dépenses visant à protéger les plus vulnérables. Et nous sommes conscients que certaines d’entre elles – notamment dans les infrastructures – sont importantes pour que les pays réalisent pleinement leur potentiel. Mais il faut toujours garder un œil sur l’équilibre budgétaire et la dynamique de la dette », avertit Céline Allard.
D’après Victor Lopes, certains pays ont en effet déjà tellement réduit leurs dépenses que le programme du FMI mettra sans doute davantage l’accent sur des réformes structurelles telles que la normalisation des taux de change.
Stéphane Ballong ( Jeune Afrique)
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