Alors qu’il est reçu à l’Elysée par le président François Hollande le 27 avril 2016, Patrice Talon a été mal compris à Cotonou au lendemain de cette visite à propos de ses déclarations sur le désert de compétences que serait le Bénin. Pour beaucoup, le nouveau chef de l’Etat s’est permis une boulette politique en se moquant des cadres de son pays et en demandant de l’aide à la France pour l’aider à trouver des compétences dont il a besoin pour réussir sa mission de redressement.
Presque un mois après, dans l’interview accordée au quotidien français « Le Monde », le chef de l’Etat a réitéré sa détermination à poursuivre l’œuvre de reconstruction et surtout à effacer le lourd passif du régime défunt qui, dix ans durant, a mis le pays à terre et l’a laissé dans un état catastrophique. Interrogé sur le sujet relatif au besoin de compétences pour redresser la Nation, sujet qu’il a évoqué à Paris et qui a été mal interprété et suscité diverses réactions, il s’est autorisé à préciser sa pensée : « On a besoin d’expertises pointues et de cadres. Le Bénin compte de nombreuses compétences, sur-place ou au sein de la diaspora. Mais certains secteurs ne parviennent pas à recruter et un grand nombre de cadres expérimentés sont partis ou sur le point de partir à la retraite. La relève n’a pas été formée. Quand j’ai parlé de compétences à Paris, je pensais notamment au domaine du renseignement, de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. On n’a pas le temps d’attendre que nos personnels soient formés. Nous faisons face à une menace immédiate. Il nous faut donc de la compétence immédiate… »,a-t-il répondu. Et pourtant c’est vrai. C’est une vérité immuable, sans conteste. Le terrorisme, la sécurité, le renseignement. En dehors des enjeux climatiques qui deviennent une question urgente pour la planète, ces trois questions sont d’actualité et mobilisent toutes les énergies en raison des menaces terroristes.
Aucun pays au monde, fut-il les Etats-Unis, n’est pas à l’abri des menaces des différents groupes terroristes qui frappent en plein cœur leurs cibles. Malgré les moyens déployés par les grandes puissances, les attaques terroristes sont quotidiennes avec des bilans sans appel. Les Etats les plus développés sont obligés de conjuguer leurs efforts pour des actions communes d’envergure. Dans cette dynamique, il serait difficile de parler de terrorisme sans poser la question de sécurité et on ne pas les maîtriser sans les renseignements. Tous les trois sujets sont indissociables l’un de l’autre. La question qu’il convient de poser, c’est de demander si le Bénin dispose de compétences dans ces domaines. S’il faut admettre qu’il y a des Béninois dont les compétences sont sollicitées et utilisées au plan international, jusqu’au département d’Etat américain ou encore aux Nations unies dans le domaine de la sécurité, il faut aussi admettre qu’ils n’officient pas pour le compte du Bénin. Sur-place, ces expertises n’existent pas et le pays doit se tourner vers les compétences à l’extérieur pour être à la pointe. A titre d’exemple, pour former les forces de sécurité à lutter contre le terrorisme, le pays a fait appel aux instructeurs américains. Mais une fois formés, les agents ne sont pas soumis à un programme de recyclage, faute de compétences sur-place. Plus grave, formés et laissés à la disposition de la Police nationale, ils font les frais de la guerre de leadership au sommet de l’appareil de sécurité. De plus, selon nos informations, la collaboration entre cette unité et l’Agence chargée de la surveillance des frontières ne manque pas aussi d’en souffrir. Le mal est profond. L’interview de Patrice Talon à Paris à la fin d’avril 2016 est un baromètre des maux dont souffre le pays. Le Bénin est un désert de compétences dans les domaines du renseignement, le terrorisme et la sécurité, comme il l’a précisé dans l’entretien qu’il vient d’accorder au quotidien Le Monde.