Pendant ses dix ans au pouvoir et lors de ses nombreuses et répétées interventions, l’ex Chef de l’Etat, Boni Yayi, a semblé montrer que c’est la justice qui ne l’a pas aidé dans la lutte contre la corruption, l’impunité, l’injustice…Mais il y a des faits qui prouvent le contraire. Le fait le plus patent et d’actualité, c’est la crise à l’Eglise protestante méthodiste du Bénin (Epmb).
Dans le dossier «crise à l’Epmb», l’ancien président de la République du Bénin avait tous les arguments pour le régler définitivement. Aujourd’hui, le dossier refait surface. Et de plus belle. Alors qu’il ne devrait pas être le cas. Dans ce dossier en effet qui oppose, notamment, Moïse Sagbohan à Simon Dossou, la justice a déjà dit le droit. Elle a déjà tranché. En première instance, en appel et en cassation, Moïse Sagbohan a été débouté sur toute la ligne. Et pourtant ! En effet, c’est M. Simon Dossou (es qualité de président de l’Epmb) qui a assigné les Sieurs Moïse Sagbohan et consorts devant le tribunal de première instance de Cotonou pour qu’il «ordonne le déguerpissement immédiat de Monsieur Moïse Sagbohan et de tous les pasteurs et évangélistes qui lui sont fidèles des temples qu’ils occupent», «leur fasse défense d’avoir à utiliser le nom « Eglise protestante méthodiste comme dénomination de leur prétendue nouvelle église…», «assortisse la décision d’exécution provisoire sur minute ; Le président de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin (Upmb) développe à l’appui de ses prétentions que par arrêt confirmatif N°108/2ème Ccms/2000 du 09 août 2000 du jugement N°32/99 du 07 juin 1999 de la quatrième chambre civile moderne du Tribunal de céans, la Cour d’appel de Cotonou a entre autres : annulé les nouveaux statuts constitutifs et règlement intérieur introduit par Monsieur Moïse Sagbohan en 1997», «Que Monsieur Moïse Sagbohan et ses partisans qui disent publiquement ne pas reconnaître l’arrêt N°108/2ème Ccms/2000 du 09 août 2000 du jugement N°32/99 du 07 juin 1999 du Tribunal de céans, proclament la création d’une nouvelle Eglise qu’ils dénomment «Eglise protestante méthodiste du Bénin Conférence » (Epmb-C) dont les statuts sont ceux annulés par l’arrêt sus indiqué…». Dans son jugement N°184/2è C-Civ du 21/12/2000, le Tribunal de première instance de Cotonou « …Ordonne le déguerpissement des temples de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin de Moïse Sagbohan et de tous les Pasteurs et Evangélistes qui les occupent de son chef ; Leur fait défense d’avoir à utiliser la dénomination de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin – Conférence pour désigner leur nouvelle Eglise sous astreinte comminatoire de la somme de Cinq Cent Mille (500.000) Francs Cfa par jour de résistance ; Dit n’avoir lieu à exécution provisoire ; Condamne Moïse Sagbohan, Arnold Lotsu et Alphonse Gbètomè aux entiers de la présente instance». A noter que le Sieur Simon Dossou avait pour conseil Me Hélène Kèkè-Aholou. Le Sieur Moïse Sagbohan et consorts étaient défendus par Maitres Monnou et Kato Atita. La partie perdante a interjeté appel du jugement devant la Cour d’appel de Cotonou. Le Sieur Môïse Sagbohan et consorts étaient défendus par Me Edgard-Yves Monnou et son collègue Augustin. Me Hélène Kèkè-Aholou est restée fidèle à Simon Dossou.
Jugement confirmé en appel et en cassation
La Cour d’appel de Cotonou, par arrêt N°186/10 du 21/10/2010, «Confirme le jugement 184 du 21 décembre 2000 rendu par le tribunal de première instance de Cotonou en toutes ses dispositions ; Condamne Moïse Sagbohan, Arnold Lotsu, et Alphonse Gbètomè aux dépens». La Chambre administrative de la Cour suprême a aussi connu du dossier. En effet, par une requête en date du 20 avril 2001, l’Epmb par l’organe de son conseil, Me Hèlène Kèkè-Aholou, «a introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre le récépissé de déclaration d’association n°2000/024/Misat/Dc/Sg/Dai/Scc-Assoc du 29 novembre 2000 portant enregistrement de l’association dénommée «Eglise protestante méthodiste du Bénin-Conférence (Epmb-C)». Dans son arrêt du 13 juillet 2006, la Chambre administrative de la Cour suprême décide : «Article 2 : Le récépissé de déclaration n°2000/024/Misat/Dc/Sg/Dai/Scc-Assoc du 29 novembre 2000 querellé, du Ministre de l’intérieur, de la sécurité et de l’administration territoriale, est annulé avec les conséquences de droit».
Autrement, que ce soit en première instance, en appel et en cassation, l’autorisation ministérielle de l’enregistrement de l’Epmb-C est annulée. Mais dans l’application des décisions, chaque fois que le camp déclaré légitime veut reprendre ses droits, cela pose problème. Ni le Procureur de la République, ni les forces de l’ordre n’ont pu aider à l’application de la décision de justice. Justement parce qu’au sommet, le camp perdant était visiblement protégé. Depuis toujours dans ce dossier, il y a eu rébellion ouverte à décision de justice. Au point qu’aujourd’hui, la crise a refait surface. L’indépendance de la justice n’avait pas droit de cité sous le régime du changement. Yayi qui a tout le temps clamé son opposition à l’injustice. Mais cela fait partie des priorités du «Nouveau Départ». Le président Patrice Talon veut redonner à la justice toutes ses lettres de noblesse, son indépendance totale. Pas une seule institution, pas un seul homme au-dessus de la justice au Bénin. Si Yayi l’avait compris comme cela, on ne parlerait pas encore aujourd’hui de crise à l’Epmb.
Jean-Marie Sèdolo