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Le nouveau départ et une nouvelle parade à la corruption : la remise en cause des marches publics
Publié le mardi 24 mai 2016  |  La Presse du Jour




Si un applaudimètre avait été installé au stade Charles de Gaulle, il aurait probablement enregistré sa plus forte intensité lors de l’investiture du Chef de l’Etat, quand il proclama, en dernier ressort de son discours, qu’il mènera la vie dure à la corruption et qu’il s’y était préparé soigneusement. C’est dire que, sur ce chapitre, le peuple l’attend de pied ferme et qu’il lui apportera tout son soutien.

Le procès d’intention fait au chef de l’Etat

D’aucuns ont rétorqué à la déclaration du Chef de l’Etat que la lutte contre la corruption était déjà bien avancée et que c’était à l’impunité qu’il urgeait de s’attaquer ; sa déclaration serait donc en retrait des réalités du temps. Mais, il convient de ne pas mélanger les genres et de comprendre qu’en principe, la lutte contre la corruption relève bien de l’action gouvernementale tandis que celle contre l’impunité est du ressort de la justice. Il convenait cependant de comprendre, également, que c’est dans un esprit de synthèse que le Chef de l’Etat, responsable en tant que tel des deux composantes de la lutte contre la corruption à savoir la prévention qui revient, spécifiquement, à l’Etat et la répression qui est du ressort de la justice, les a englobés dans la même dénomination. La corruption est une catastrophe sociale qui obère notre quotidien ; aussi, tout profane qu’est le citoyen lambda, néanmoins ouvert à la Rupture, a-t-il le droit de savoir comment les autorités qu’il a placées à la tête de l’Etat l’ont combattue jusqu’alors afin de suggérer, le cas échéant, des approches complémentaires.

La genèse de la lutte contre la corruption

Le terrain a été largement déblayé pour l’actuel chef d’Etat. En effet, la lutte contre la corruption a pris corps avec le Président Mathieu Kérékou dans les années 1980. Elle avait été alors axée, essentiellement, sur la corruption des routes ; mais elle avait fait long feu. En 1989 une ordonnance présidentielle, avec force de loi, avait été prise pour porter au rang de délit, aussi bien la corruption passive que celle active. Puis ce fut la ronde des commissions. Aux fins de vérification des biens, les Présidents Mathieu Kérékou et Nicéphore Soglo mirent sur pied successivement, les commission Ahouansou René et Amoussou Kpakpa. La commission Ahanhanzo Glèlè Adrien avait la mission de recenser tous les dossiers de détournements de deniers publics et de malversations entre 1996 et 1999.

Quant au Président Boni yayi, que n’a-t-il pas entrepris dès son avènement au pouvoir ? Il a marché, il a installé une ligne verte pour dénoncer les cas de corruption ; il a créé l’Inspection Générale d’Etat qu’il a placé sous sa tutelle et qu’il a fini par dissoudre, lui-même, pour des raisons mal définies, plutôt suspectes et a instauré à sa place, le Bureau de l’Auditeur Général; il a créé en 2010 le guichet unique au Port de Cotonou, puis le guichet unique des formalités des entreprises, au Ministère de l’Industrie, du Commerce, des Petites et Moyennes Entreprises. En Octobre 2011 il fit voter la loi contre la corruption et les infractions connexes. . En Février 2013, l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption, prévue dans ladite loi, vit le jour. A toutes ces institutions, il convient d’ajouter l’installation au sein des ministères, pour un certain temps en tous cas, de commissaires de gouvernement. Mais, paradoxe des paradoxes, c’est sous le régime du Président Boni Yayi qu’a eu lieu le plus grand nombre de scandales financiers et de détournements de deniers publics. Tout cela pour dire que la lutte formelle contre la corruption est une chose et que l’impunité en est une autre. Du reste, un chef d’Etat n’est ni enquêteur ni juge. Ce qu’on lui demande c’est de ne pas interférer dans la justice, de ne pas l’entraver par des manœuvres politiciennes, de ne pas l’empêcher de s’autosaisir des délits de corruption.
Mais l’Etat a-t-il fait tout ce qu’il fallait en matière de prévention ou resterait-il un champ d’intervention spécifique pour l’actuel Chef d’Etat ?

Je pense qu’avant tout, il convient de catégoriser les faits de corruption eu égard à l’étendue et à la pression de leur impact sur la communauté. Je distinguerais, alors, ceux qui affectent la société dans son entièreté et ceux qui au niveau desportent préjudice à des particuliers.

- Les premiers sont des forfaitures qu’un groupe de malfaiteurs imposent à la société, et qui ruinent et arrièrent le pays tout entier, notamment, en faisant monter le coût de la vie. C’est, principalement, la corruption d’affaires notamment en matière d’attribution des marchés publics, mais également la corruption au niveau des douanes et même, dans une certaine mesure, celle des routes en considération de son impact sur le coût du transport des marchandises et, de manière discursive, sur le niveau de vie des populations. Leur particularité, c’est que leurs méfaits s’imposent à la société entière et que, naturellement, il n’y pas consentement de la partie spoliée.
. – La deuxième catégorie de délits concerne la corruption des bureaux, liée à la procédure administrative ; la corruption politique et la corruption électorale. Ces cas ne débouchent pas sur une augmentation du cout de la vie et de la pauvreté qui en résulte, et il y a généralement consentement. Dans la présente réflexion nous nous bornerons à la corruption d’affaires

La corruption d’affaires et les marchés publics

Je les pointe du doigt mais, il sied de commencer par clarifier les choses.

- La clarification

En matière d’affaires, les libéralités sont de pratique courante et sont devenues phénomène universel. Sous tous les cieux, elles permettent d’huiler les négociations et de réaliser des affaires ; aussi les budgets des sociétés prévoient-elles les notes de frais y afférentes. Les libéralités ont ainsi, presqu’acquis une légitimité de fait, en système civilisé, mais elles ne se font, habituellement, pas sous forme de commissions que l’on distribue. Gentleman’s agreement parfait, accorder des libéralités, ne signifie guère et ne sous-entend, aucunement, que l’on se rattrape sur la qualité des travaux à réaliser, des fournitures, des services et des prestations intellectuelles à produire. C’est pourquoi je place la parade à trois niveaux : le contrôle juridique, le contrôle des offres et le contrôle de conformité.

- Le nécessaire contrôle juridique

Si nos informations sont exactes, les disposition de contrôle émanent, principalement, de la Direction Nationale des Marchés Publics qui est une composante de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP). Sa mission vise la conduite au plan national des procédures de passation de tous les marchés publics. Il faut dire que l’ARMP peut également recevoir les recours exercés par les candidats et soumissionnaires ou même s’autosaisir des violations de la réglementation en matière de marchés publics et de délégation de service public.

Mais le contrôle que nous proposons dépasse le cadre procédurier. Nous pensons, en effet, qu’il faudra systématiquement affecter à tout appel d’offre, un magistrat qui sera chargé de la supervision de toutes les étapes, depuis la confection de l’appel d’offre, le dépouillement des soumissions, l’adjudication, la rédaction du cahier des charges jusqu’à la livraison en s’assurant de la régularité de toutes les opérations. Il devra, également, veiller au respect des clauses du contrat notamment, en cas de retard et de mal façon dans la réalisation des travaux ou des prestations, et à l’application rigoureuse, le cas échéant, des sanctions prévues. Il lui reviendra de veiller, aussi, à la régularité, à l’opportunité et au rythme des décaissements. En clair, aucun décaissement ne devrait avoir lieu sans son aval. Aucun paiement au profit de l’adjudicataire ne devra se faire par virement dans les comptes bancaires des prestataires pour éviter tout chantage lié à l’établissement de chèques. Le magistrat en question sera donc responsable de tous les aspects juridiques des projets sur appel d’offre afin que plus aucun problème ne se pose de ce côté-là au cours de leur mise en œuvre.

Mais il conviendra de se prémunir contre les dérives éventuelles de ce magistrat afin qu’il ne s’érige pas en potentat, devenant lui-même le pivot de la corruption. Il faudrait alors préjuger des cas de recours qui pourraient être formulés contre lui ainsi que les modalités de son inculpation, le cas échéant. C’est la condition sine qua non de l’efficacité de la proposition que nous faisons autrement, ce serait déplacer le problème tout simplement.

- Le nécessaire contrôle de l’offre retenue

Il consisterait à rapprocher l’offre retenue des cotations habituellement pratiquées dans la sous-région en prenant soin, toutefois, de les affecter des coefficients locaux, le cas échéant. En effet, les offres ne sont pas significatives si elles ne sont pas comparées à une norme ; autrement toutes les extravagances seront permises sous le couvert du principe du moins disant sans possibilité de négociation aucune. Nous estimons donc que l’offre la moins disant, à l’issue de l’appel d’offre, peut toujours être négociée avec l’attributaire avant l’approbation du marché. Nulle part dans les textes, nous n’avons lu une telle disposition.

Le contrôle de l’offre retenue que nous proposons devrait, pour être juste et équitable, être fait sous la supervision d’un inspecteur administratif assermenté. En effet, il conviendra de veiller à ce qu’elle ne rejoigne pas les offres des concurrents malheureux. Par ailleurs nous suggèrerions la présence, à ce stade, de la représentation des consommateurs, ne serait-ce que pour donner la touche démocratique qui fait défaut à l’Autorité de Régulation des Marchés Publics.

- Le contrôle de conformité

De notre point de vue, l’Etat devrait nommer pour toute réalisation de marché public un ingénieur en qualité, qui sera commis pour superviser et garantir tous les aspects techniques du projet. Il lui reviendra de s’assurer, en amont, que toutes les composantes des travaux sont bien comprises dans l’appel d’offres et qu’elles ont été, effectivement, prises en compte dans les différentes soumissions. Aucun imprévu d’ordre technique ne devrait, alors, venir entraver le cours des travaux, une fois qu’ils auront débuté ; et toutes les dispositions devront être prises pour éviter les avenants. Il devra veiller à la conformité des spécifications techniques des matériaux utilisés avec celles prévues dans la soumission. Au demeurant, devra peser sur l’ingénieur chargé de contrôler la qualité des travaux, la pression morale d’une contre-expertise étrangère toujours possible, dûment mentionnée dans son contrat de prestation de services. En cas de collusion avec l’entité qu’elle sera chargée de contrôler, il sera inculpé.

Il faut dire qu’une demi-douzaine de bureaux de contrôle est installée sur notre sol ; ils délivrent des certifications et font de l’inspection. Je pense qu’il va falloir les impliquer d’une manière ou d’une autre, si ce n’est dans la lutte formelle que nous menons contre la corruption, du moins dans l’esprit de cette lutte au niveau de la réalisation des marchés qu’ils inspectent et pour lesquels ils délivrent des certifications.
- Le nécessaire ‘’open door’’ de l’Autorité de la Régulation des Marchés Publics et de ses services au public

Nous évoquions plus haut, l’idée de démocratisation de l’institution, et pour cause. Voici une institution qui, à elle seule, absorbe les trois quarts des dépenses du budget et nous savons que ces dépenses sont alimentées en grande partie par l’argent du contribuable que l’Etat lui prend par le truchement des impôts. Déjà en 2008, les chiffres officiels faisaient état de 65 pour cent des dépenses du budget consacrés aux marchés publics. Et, dans tout cela ; le contribuable n’y voit que du feu alors qu’il en est le principal financier. Les services de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics sont nombreux, avec des attributions entremêlées et de compréhension difficile pour le citoyen ordinaire. L’opacité semble recouvrir cette institution qui ne fait pas l’effort nécessaire pour s’ouvrir au peuple, le tenant à distance respectable, ne lui donnant de ses nouvelles que lorsqu’il y a scandale dans l’exécution des travaux sur appel d’offre qu’elle pilote. Et une grande majorité de ces travaux font scandale : elle est donc, objectivement, source de corruption et la lutte contre ce fléau social ne serait pas complète si, en cette période de Rupture, l’on se privait de voir ce qu’il y a lieu de faire au niveau de cette institution étatique qui donne l’occasion, on ne voit pas bien comment, à un petit groupe d’individus de s’enrichir au détriment de la société entière. Que l’on nous entende bien, toutefois ! Nous n’insinuons pas qu’il y a corruption au sein des services de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics d’autant que nous n’en savons rien ; nous constatons seulement que, bien des fois, les travaux qui font objet d’appel d’offre posent problème dans leur exécution et nous estimons qu’il convient d’en identifier les causes et de retenir les voies et moyens d’endiguer le phénomène. L’on ne peut tout de même pas continuer de nous entretenir, à tours de bras, de lutte contre la corruption si l’on ne décèle pas ce qui cloche au niveau de cette source de corruption massive, institution publique de surcroît.
Nous n’avons pas cherché à faire œuvre de professionnel en matière de marché public ; nous n’en avons pas les ressources. Nous avons, seulement essayé de tirer les meilleurs enseignements des couacs que nous remarquons au cours de l’exécution des marchés sur appel d’offre, pour suggérer des approches de solution. Peut-être certains d’entre elles pourraient retenir l’attention des professionnels de la chose ; peut-être aussi que le Gouvernement du Nouveau Départ pourrait y trouver un champ d’intervention, spécifique à lui, dans le cadre de la poursuite de la lutte préventive contre la corruption.
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