La commission chargée des réformes politiques et institutionnelles se rend à l’évidence que la tâche ne lui sera pas du tout facile. Elle entame à peine le recensement des préoccupations des différentes couches de la société, que déjà naissent les premiers points d’achoppement. La question du mandat unique longtemps ventilée par le Chef de l’Etat, depuis son exil à Paris, et surtout lors de la campagne électorale comme l’un des points phares de sa réforme constitutionnelle, ne rencontre pas l’assentiment de tous. La révision de l’article 44 de la Constitution du 11 décembre 1990, relatif au nombre de mandats du président de la République risque d’être au cœur du débat sur la relecture de la loi fondamentale.
Des politiques divisés
Marie-Elise Gbèdo déclare au nom de l’Association des femmes juristes du Bénin (Afjb) : « qu’elles sont opposées à la proposition de l’institutionnalisation d’un mandat unique. Nous pensons qu’il faut laisser au président élu le choix de se présenter pour un ou deux mandats. Nous ne pouvons nous focaliser sur les dérapages du passé pour justifier le bien fondé de l’instauration d’un mandat unique ». Au-delà de sa profession, Marie-Elise Gbèdo est un acteur politique, membre de la coalition de la rupture qui a porté le chef de l’Etat au pouvoir. Plusieurs fois candidates à l’élection présidentielle, l’ancienne ministre de la justice sous le régime Yayi et du commerce sous Kérékou, maîtrise sans doute son sujet. Mais, même si son avis est partagé par quelques acteurs de la société civile, notamment des porte-voix des travailleurs, des sources crédibles rapportent que le Parti du renouveau démocratique (Prd) serait favorable à cette réforme.
La société civile sceptique
« Mandat unique ou mandat double, ce n’est pas la question. Il faut changer la gouvernance de notre pays. Talon polarise notre attention sur cela. Il nous faut aller aux états généraux au risque d’être trompés », a déclaré Paul Essè Iko, Secrétaire général de la Centrale des syndicats des travailleurs du Bénin (Cstb). Et pour cette fois-ci, il sera soutenu par son collègue de la Csa-Bénin, Dieudonné Lokossou : « L’âge et le nombre de mandats sont deux points de la loi fondamentale à ne pas toucher. Nous ne souhaitons pas qu’on nous impose un mandat unique. Sinon, le président démocratiquement élu peut devenir un dictateur puisqu’il sait qu’il n’a qu’un seul mandat ». Une chose est désormais claire, la question du mandat unique ne passera pas comme une lettre à la poste, bien qu’elle tienne à cœur à l’homme de la rupture. Pour certains acteurs qui ont refusé de se prononcer sur le sujet au stade actuel des choses, la priorité pour les Béninois n’est pas la question du mandat unique. Elle est subsidiaire. Il faudrait attaquer les réformes les plus à même d’induire un changement direct au niveau du développement socioéconomique et politique du pays. Toutefois, la rencontre de ce jour entre les membres de la commission chargée des réformes et les acteurs politiques, notamment le Parti du renouveau démocratique (Prd) et les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) peut être révélatrice de ce que serait le débat à l’hémicycle au sujet de ce point.
Arnaud DOUMANHOUN