Le nouvel organigramme des Ministères rendu public il y a peu par le gouvernement de Patrice Talon règle un problème fondamental de l’administration publique au Bénin : sa politisation à outrance. Ce sera certainement un mauvais souvenir avec le décret 2016-292 du 17 mai 2016 qui a dépoussiéré de fond en comble les critères d’éligibilité aux hautes fonctions étatiques.
Le cri de cœur des nombreuses organisations syndicales, observateurs et autres leaders d’opinion vient d’avoir un écho favorable. Du moins, avec les nouvelles dispositions en vigueur. Le décret 2016-292 du 17 mai 2016 fixant les structures-types des Ministères est presqu’une révolution dans les pratiques longtemps décriées au sein de l’administration publique béninoise. En son article 2 déjà, les objectifs visés ont été clairement précisés : « La structure type se fonde sur les principes de clarification des missions de l’Etat et vise la construction d’une administration publique moderne pour l’efficacité du développement impliquant la séparation des fonctions politiques, techniques et administratives au sein des structures ; le respect de l’intérêt général, des principes et des valeurs de la gouvernance ; la gestion axée sur les résultats, la reddition des comptes et l’imputabilité ; la rupture avec l’impunité, etc. » Voilà qui est assez clair désormais pour que les uns et les autres cessent de confondre des missions d’Etat à des missions politiques où il faut servir et contribuer à renforcer la visibilité politique du chef, du mentor ou du parrain, par qui telle ou telle nomination a été possible.
Le gouvernement de Patrice Talon a d’ailleurs vu juste en réglant le problème depuis le sommet avec désormais des ministres moins entourés et moins encombrés par des collaborateurs plus politiques que techniques. Des chargés de protocole ou de mission, attachés de cabinet et autres ont été balayés dans les cabinets ministériels depuis quelques jours pour sans doute permettre à l’autorité ministérielle de mieux se concentrer sur sa mission dans son domaine de compétence. Si certains avancent des raisons budgétaires, d’autres pensent aussi que ces entourages, leur profil et leur provenance en rajoutent aux occupations du ministre et sont sans grands intérêts pour le développement du pays.
Il y a aussi d’autres dispositions fortes de ce décret qui ne manqueront pas de contribuer au renforcement de la mission républicaine de l’administration publique. Il s’agit de la procédure d’engagement des cadres à certains postes clés comme celui nouvellement créé, à savoir, le directeur de l’administration et des finances (Daf), regroupant désormais deux anciennes fonctions, le directeur des ressources humaines et le directeur du matériel et des ressources financières. Poste assez délicat et hautement sensible dans le Ministère, l’option qui consiste désormais à procéder par appel à candidature met l’occupant à l’abri des injonctions et désidérata du ministre. Le Daf n’a plus à se montrer reconnaissant dans des actes de gratitudes envers l’autorité si cela ne reste pas dans les normes établies. Toute chose contraire à un passé où le DRFM est nommé par le ministre pour le servir vachement au plan politique.
Il y a aussi le cas des directeurs de cabinet, personnalité influente dans un Ministère, après le ministre, qui même s’ils continueront d’être nommés doivent répondre à un profil exigé. En son article 70, le nouveau décret stipule que « Le directeur de cabinet et le directeur adjoint de cabinet sont nommés par décret pris en conseil des ministres parmi les cadres de catégories A, Echelle 1 de la fonction publique ayant accompli au moins 10 ans de service ou parmi tous autres cadres supérieurs de niveau équivalent, s’ils devraient être désignés en dehors de l’administration publique ». Il n’en a pas toujours été ainsi, où des directeurs de cabinet aux compétences douteuses, débarqués de nulle part, viennent occuper ce poste au bon vouloir de l’autorité ministérielle et avec la bénédiction du président de la République. Les tâches assignées par le présent décret à l’occupant de ce poste sont d’ailleurs si nombreuses qu’il n’aura même plus de temps à l’activisme politique. Sa compétence technique est fortement exigée à travers de multiples tâches : animer le travail de gouvernance, d’orientation stratégique et de leadership qui incombe au cabinet pour la performance globale du Ministère ; planifier, organiser, diriger et évaluer les activités du cabinet dans le sens de la gouvernance et du leadership, notamment par l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi-évaluation et la capitalisation des plans d’actions du cabinet. Bref le travail à abattre est colossal pour qu’on continue de le confier à un quidam.
Du reste, ce décret semble sonner définitivement le glas de la politisation de l’administration publique béninoise pour la mettre au service du pays et de son développement. Mais il va falloir aussi attendre sa mise en œuvre pour mieux apprécier. Car de la théorie à la pratique, le pas n’est pas souvent vite franchi.
Christian TCHANOU