La commission Djogbénou, à charge des réformes politiques et institutionnelles, a rencontré mercredi dernier la classe politique au sujet d’un certain nombre de réformes en cours à propos de la loi fondamentale. Mais, contre toute attente, la réaction des représentants et chefs de partis conviés à la séance a surpris plus d’un surtout par rapport à la question du mandat unique de 7 ans que propose le président de la République, Patrice Talon. En effet, les uns et les autres se sont prononcé très tôt face à cette question. Intervenant sur la question, les Fcbe conduites par Amos Elègbè, les Fdu de Mathurin Nago, la Rb représentée par Bernard Lani Davo ou encore le Pcb ne sont pas favorables à cette option. Ces formations politiques, pour la plupart, craignent que le mandat unique ne devienne un piège pour la démocratie. Les partis politiques n’ont pas manqué de se prononcer sur la question de la réforme du système partisan et de la Haute Cour de la Justice. Faut-il le souligner, le Prd de Me Adrien Houngbédji n’a pas daigné se prononcer sur ces sujets à sa sortie de la rencontre car pour qui comprend la position de ce parti, il est évident qu’il opte à pareil moment pour le silence. Mais, le FAAR représenté par le professeur Léon Bani Bio Bigou est resté, quant à lui, favorable et soutient le président de la République. Il revient alors de constater qu’en plus de l’association des femmes juristes du Bénin présidée par Me Marie Elise Gbedo qui très tôt s’est opposée à l’option du mandat unique, la majorité des formations politiques n’adhèrent pas non plus à cette réforme.
Ils ont dit
Mathurin Nago, président de Fdu
« C’est un grand risque d’envisager pour l’instant un mandat unique »
« Nous avons réagi sur plusieurs sujets dont la question du mandat unique. Nous estimons que c’est un grand risque d’envisager pour l’instant un mandat unique. Ce serait mieux de garder le statu quo. Nous avons estimé qu’il faut revoir également la composition de la Haute Cour de Justice pour la rendre plus performante. En ce qui concerne le système partisan, nous n’avons pas insisté là-dessus puisqu’il y a beaucoup de gens qui se sont prononcé déjà sur cette question. Il y a un travail d’assainissement à faire, et nos propositions sont contenues dans le document transmis à la Commission ».
Léon Bani Bio Bigou, SG/FAAR
« Le FAAR est favorable à un mandat unique de 7 ans »
« Nous saluons déjà la démarche du président qui a voulu avoir le point de vue des partis politiques sur les réformes envisagées. Notre souhait est qu’on puisse lever les verrous au niveau de la Haute Cour de Justice, pour finir avec l’impunité. Il y a des impairs mais les textes actuels ne permettent pas de poursuivre les auteurs. Le changement de comportement ne peut se faire que de deux manières : l’encouragement à l’endroit de ceux qui font bien et des sanctions à l’égard de ceux qui font mal. Ensuite, il faut qu’on réforme le système partisan, qu’on puisse les réduire et les regrouper autour de grandes idéologies pour l’unité nationale. Il nous faut de vrais partis politiques pour mener des débats sur les problématiques du développement, sans considération éthique ou régionale. En ce qui concerne le point du mandat unique, nous, nous sommes d’accord pour un mandat unique de 7 ans ».
Jean Cocou Zounon, Parti Communiste du Bénin
«Le mandat unique ne résout aucun problème »
« Les problèmes qui se posent dans notre pays dépassent les attributions d’une commission. Nous leur avons dit qu’au mieux, on aurait dû faire des travaux préparatoires à des assises nationales, où chaque composante de la nation devra se prononcer. Nos propositions tendent à résoudre les problèmes qui se posent dans ce pays dans le cadre de la lutte contre l’impunité. Toutes nos propositions sont contenues dans un document transmis à la commission. La crise est profonde, et il faut que toutes les composantes de la nation puissent se réunir pour y apporter des solutions. Le mandat unique ne résout aucun problème. En un mandat unique, le président a la largesse de détruire le pays comme il le veut puisqu’il n’a pas à solliciter un second mandat ».
Bernard Lani Davo, Renaissance du Bénin
«L’efficacité d’une action peut être appréciée en un ou deux mandats »
« Nous souhaitons que les réformes soient conduites de façon à permettre au Bénin de prendre un nouveau départ, tant sur le plan politique que sur le plan du développement. Il faut qu’à l’issue de ces réformes, les partis politiques puissent réellement jouer leur rôle. En dehors des points envisagés par le président de la République, la Renaissance du Bénin a le souci de voir la décentralisation devenir une réalité. Si la Constitution, dans la mesure du possible, peut donner priorité à la décentralisation, ce serait un atout pour le développement. La Renaissance du Bénin est contre le mandat unique. D’abord, c’est pour quelle durée ? Il vaut mieux donner la chance au peuple de juger celui qui a été choisi et lui permettre de briguer ou non un autre mandat. Il y a des projets de développement qui prennent du temps. L’efficacité d’une action peut être appréciée en un ou deux mandats ».
Amos Elègbè, Forces cauris pour un Bénin émergent
«Nous ne sommes pas favorables au mandat unique »
« Notre Constitution a quand même connu 25 ans d’exercice. Le contexte dans lequel cette Constitution a été rédigée est dépassé. Nous nous sommes penchés sur les différents points proposés par le chef de l’Etat. Nous avons exercé le pouvoir et nous devons avoir le courage de dire si là où nous allons est important ou pas. Les matières en cause sont tellement nombreuses que nous nous demandons s’il ne faut pas aller vers une assemblée constituante. Ceci, pour rédiger carrément un projet de Constitution adapté aux exigences de notre temps et aux réalités de notre pays. Nous avons discuté des questions relatives au mandat unique, le pouvoir présidentiel, la Haute Cour de Justice etc. Nous ne sommes pas favorables au mandat unique. Ce n’est pas le mandat unique qui va freiner la corruption ou l’impunité, l’autocratie ou la dictature. Aucune grande démocratie au monde n’existe avec un mandat unique. Il faut à un moment donné sanctionner le pouvoir. Le contrôle citoyen ne peut se faire que par les urnes. Un mandat unique de 7 ans est trop long pour que s’il y a des dérives, le peuple puisse sanctionner. Si nous devons tenir compte de tous ces paramètres, la justice, le chômage et autres, il nous faut aller à une assemblée constituante ».
Yannick SOMALON