Le metteur en scène Tola Koukoui et les dizaines d’acteurs qui ont presté dans la pièce « Kondo le requin » écrite par Jean Pliya, de regrettée mémoire, ont des raisons d’être fiers. A la demande du chef de l’Etat, ils étaient à nouveau sur les planches, dans la soirée du vendredi 27 mai dernier. Le président de la République ayant voulu d’une ultime représentation de la pièce pour les membres du gouvernement, les présidents des institutions de la République, des membres du corps diplomatique et autres personnalités politiques.
La dernière présence d’une personnalité de haut rang de la scène politique béninoise au théâtre remonte à il y a quelques semaines déjà. Aux heures chaudes du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), l’ancien premier ministre avait fait parler de lui en se comptant parmi les spectateurs d’un spectacle de danse conduit par Marcel Gbeffa, lequel évoquait justement la problématique du métissage.
Mais le président Patrice Talon lui vient de faire très fort. Et, unanimement, depuis vendredi 27 mai dernier, les acteurs culturels du Bénin portent sur lui un autre regard. Celui du chef de l’Etat qui invite ses ministres, de hautes personnalités et décideurs de premier rang au théâtre. Lorsque la veille (jeudi 26 mai), l’information faisait le tour des cercles d’information culturelle, beaucoup n’y avaient pas cru. Beaucoup se demandaient si réellement le président Patrice Talon avait décidé d’une nouvelle représentation de la pièce «Kondo le requin». C’est donc peu certains que le déplacement du vendredi 27 juillet a été effectué par nombre d’acteurs culturels pour se convaincre de ce que le nouveau chef de l’Etat béninois hisse les arts et la culture de son pays à un niveau aussi élevé. Cerise sur le gâteau, Patrice Talon invite également au théâtre les membres du gouvernement, le corps diplomatique accrédité au Bénin, les présidents des institutions de la République, des anciens ministres… Bref le gratin politique pour revivre, non pas seulement une pièce de théâtre, mais aussi et surtout une partie de l’histoire authentique du pays, celle notamment du roi Béhanzin. L’honneur est donc multiple.
Une première
Il y a quelques semaines, en visite en Hexagone, le président de la République avait exprimé le besoin de son pays en ressources humaines, évoquant ainsi l’expression «désert de compétences». Une expression que certains ont vainement tenté de récupérer à d’autres fins. Mais cela n’a pas suffi à dérouter l’auteur de sa pensée et son vœu. Et comme il connaît assez le pays dont il a pris les rênes depuis le 6 avril dernier, le président Talon a su bien faire la part des choses, vendredi 27 mai dernier au palais des Congrès de Cotonou. En allant sur scène à la fin du spectacle pour dire son admiration au metteur en scène et aux comédiens, à la fin de la présentation à laquelle il a pris part de bout en bout aux côtés de son épouse, le chef de l’Etat s’est à nouveau exprimé sur la situation des «compétences» de son pays. Dans le domaine des arts et de la culture, il estime en effet que «le Bénin est une mer de compétences». Ce n’est pas sans émotion que, revivant l’histoire du Danhomey à travers cette pièce de théâtre, le premier magistrat du Bénin a dit toute son admiration au metteur en scène et à ses poulains. Ce qui en a rajouté à l’émotion des spectateurs.
Cette déclaration, accueillie avec des ovations vient aussi à point nommé, un peu comme pour taire une certaine polémique. En effet, bien d’acteurs culturels, sans hausser le ton, rouspète contre la nouvelle dénomination du ministère en charge de la Culture qui met le tourisme au devant de la culture, ce qui ne s’était pas souvent observé. D’aucuns y ont vu une manière de reléguer la culture au second rang. Mais depuis vendredi dernier, la lecture est toute autre. Tout en saluant cette «première», nombre d’acteurs y voient une volonté manifeste de valoriser le théâtre et la culture en général, mais aussi d’honorer les acteurs qui y travaillent. La présence des membres du corps diplomatique a été particulièrement appréciée. «C’est une manière d’offrir des ouvertures et des possibilités au spectacle», ont confié certains. Et si hommage il y avait pour le metteur en scène et ses hommes, il y en avait également pour l’auteur de la pièce, Jean Pliya qui aura légué à la postérité, cette belle œuvre mise en scène par Tola Koukoui qui lui, y a mis sa touche de professionnel. Plus de deux heures d’histoire, de chants, de danse, de panégyrique, d’émotion… «Kondo le requin» en tout cas est un spectacle complet qui plonge le spectateur dans l’histoire des royaumes du Danhomey avec les intrigues et rituels de succession au trône, les réalités du règne, les inévitables guerres, sans oublier la particularité qu’ici, il est question de Béhanzin le résistant, l’un des derniers souverains dont le nom résonne bien au-delà des frontières nationales. Autre élément important, c’est que la distribution de cette pièce draine plusieurs générations d’acteurs sur scène.