Les dignitaires et intellectuels traditionnels du Bénin, appuyés par l’Institut international de recherche et de formation (Iniref) se sont concertés hier, lundi 30 mai 2016, et ont exprimé des préoccupations qu’ils proposent à la commission chargée des réformes institutionnelles et politiques mise en place par le Chef de l’Etat, Patrice Talon. Pour eux, la prise en compte de ces préoccupations permettra d’aller à un «Bénin émancipé».
PREOCCUPATIONS DES DIGNITAIRES ET INTELLECTUELS TRADITIONNELS POUR UN BENIN EMANCIPE
A PRENDRE EN COMPTE PAR LA COMMISSION TECHNIQUE CHARGEE DES REFORMES POLITIQUES ET INSTITUTIONNELLES
* Nous, Rois, Reines, Chefs de Terre, de par Dieu et la Volonté des Ancêtres,
* Nous Hounnons, Bokonons, Guérisseurs, Détenteurs des cultures de nos peuples,
* Nous, Chasseurs Traditionnels et Groupes de Jeunes (appelés Donkpè dans certaines contrées) ayant depuis les temps immémoriaux assuré la sécurité de nos peuples,
Réunis ce jour 30 mai 2016, à l’initiative du Pr CAPO Hounkpati, Président de l’INIREF,
ü Constatant que par la force des armes, les colonialistes français (de 1894 à 1919) ont complètement dépouillé nos Pères des pouvoirs et attributions qu’ils détenaient par l’histoire et la tradition sur leurs peuples (pouvoirs d’administration et de juges et même pouvoirs religieux) et installé une nouvelle administration;
ü Constatant que la nouvelle administration coloniale s’est installée en négation de nos us et coutumes et s’exerce dans une langue étrangère à nos populations ;
ü Conscients que depuis 1960 notre pays va mal parce que – par cette œuvre coloniale – certains de ses fils façonnés par les colons ont tourné le dos aux valeurs existentielles héritées de nos Pères (langues et cultures) au profit de ces valeurs étrangères héritées de la colonisation française ;
ü Considérant que depuis lors les lois de l’Etat se font et s’appliquent sur la base de ces valeurs étrangères au mépris de nos us et coutumes, avec une administration fondée sur une langue étrangère qui exclut complètement les peuples de nos terroirs ;
ü Considérant que cette injustice est déjà en train d’être réparée dans les pays voisins (Ghana, Nigeria, Togo, Niger, etc.)
ü Considérant qu’en dépit de toutes les tracasseries, les Rois, Chefs de Terre, Guérisseurs et Chasseurs Traditionnels continuent d’administrer, de juger, de guérir et de sécuriser les populations de leurs terroirs respectifs ;
ü Convaincus que le salut de nos peuples et par conséquent de notre pays, le Bénin, passe par une « Refondation » de la Terre de nos aïeux sur des bases propres à nos valeurs tout en prenant en compte les valeurs positives des peuples du monde ;
ü Prenant acte du souhait formulé par le Président de la République « d’aboutir rapidement à un projet (de Constitution) qui synthétise les réponses les plus adéquates aux aspirations actuelles et futures de notre peuple»,
Portons à l’attention de la Commission Technique chargée des Réformes Politiques et Institutionnelles que soient insérées dans la constitution:
1°- La création au sein du Parlement de la Chambre des Nationalités composée de Représentants des Autorités traditionnelles et qui aura pour mission de contrôler la conformité des lois votées par les députés de l’Assemblée nationale avec les coutumes positives de notre pays.
2°- La création d’une juridiction de droit traditionnel depuis le village jusqu’au sommet ;
3°- La reconnaissance par l’Etat des Rois, Chefs de terre, chefs de couvents, devins comme administrateurs et juges locaux et dûment rémunérés par les soins et fonds de l’Etat ;
4°- La reconnaissance par l’Etat des groupes de chasseurs de diverses contrées du pays ainsi que les brigades de jeunes (Donkpè dans certaines contrées) comme structures légales contribuant à la sécurité publique et leur rémunération subséquente ; dans le corps de la sécurité publique et de défense du territoire ;
5°- La reconnaissance par l’Etat des cabinets et cliniques des tradithérapeutes et guérisseurs comme établissements de soins de santé légaux et partie intégrante de la médecine officielle au Bénin ainsi que le paiement par l’Etat des activités de guérisons des guérisseurs traditionnels ; .
6°- La Reconnaissance de toutes les langues nationales comme langues officielles avec pour conséquences :
- Leur usage obligatoire à tous les niveaux de l’Administration de notre pays dans leurs terroirs respectifs ;
- L’instruction des enfants dans leurs langues maternelles, l’alphabétisation des adultes sur leurs territoires respectifs ;
- Le déploiement immédiat de précepteurs pour alphabétiser les Rois, Reines, Dignitaires, Intellectuels traditionnels dans leurs langues maternelles sur leurs territoires respectifs.
7°- La protection et la promotion du patrimoine national (économique, culturel, historique).
Nous nous engageons à intensifier nos prières pour que les mânes de nos Ancêtres et les divinités bienfaisantes diverses assistent le Chef de l’Etat et vous-mêmes et vous éclairent sur la voie la meilleure pour une bonne écoute de toutes les couches sociales du pays dans un cadre le plus approprié possible de débat national.
Adoptée à l’unanimité et avec acclamations ce 30 mai 2016.
Ont signé
Les participants à la rencontre de concertation dont la liste est ci-jointe