Le Bénin accueille depuis lundi 30 mai, les participants au Ve congrès de l’Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français (Ahjucaf). Les travaux ont été officiellement lancés par le ministre d’Etat chargé du Plan et du Développement, Abdoulaye Bio Tchané, représentant le chef de l’Etat, président du Conseil supérieur de la magistrature en présence du ministre de la Justice, Me Joseph Djogbénou.
« Le filtrage des recours devant les cours suprêmes». C’est le thème sur lequel se penchent à Cotonou, les hauts magistrats officiant dans les juridictions membres de l’Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français (Ahjucaf).
Pour Ousmane Batoko, président de la Cour suprême du Bénin, la caractéristique essentielle de cette époque reste l’aspiration des peuples à une meilleure gouvernance, à une gestion des cités où l’exigence de démocratie, d’exercice des droits et libertés reste au-dessus de toutes autres transactions. C’est alors que se pose avec une certaine gravité, expose-t-il, la question de la place et du rôle de la justice dans un monde nouveau résolument engagé dans l’édification de l’Etat de droit. Il n’y a pas, selon Ousmane Batoko, de développement économique durable qui ne soit porté par un environnement soutenu par l’Etat de droit. La justice doit, souligne le président de la Cour suprême, jouer toute sa partition en se hissant aux exigences de l’Etat de droit. Ainsi, les cours suprêmes et de cassation membres de l’Ahjucaf se sont engagés au respect du droit en vue de la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit.
La rencontre de Cotonou s’inscrit dans la dynamique de la mutualisation des expériences capitalisées par les juridictions dans l’exercice au quotidien de leur office de juge de cassation. Le thème des assises paraît d’une surprenante actualité pour l’accomplissement efficient de la mission des hautes juridictions francophones. La problématique est, selon Ousmane Batoko, porteuse d’intérêt scientifique car les juridictions de cassation exercent une fonction de contrôle de la légalité des décisions des juridictions du fond d’une part et une fonction disciplinaire d’autre part à l’égard des mêmes juridictions. Il était utile, explique-t-il, d’engager des réflexions pour éviter l’engorgement en filtrant les recours portés devant les hautes juridictions.
Dominique Loriferne, président de la Chambre honoraire de cassation de France, secrétaire général de l’Ahjucaf a rassuré le Bénin du soutien de l’institution dans le cadre de ses actions.
En ce qui le concerne, Jean-Paul Laborde, directeur exécutif du Comité de lutte contre le terrorisme du Conseil de sécurité des Nations Unies, estime que le rôle des cours suprêmes est essentiel en matière de terrorisme. La question du filtrage est importante, a-t-il déclaré. Sans l'Etat de droit, il n’y aura pas de développement et la Cour suprême est la visibilité de l’Etat de droit.
Signe de motivation
Ouvrant les travaux en lieu et place du président de la République, Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’Etat chargé du Plan et du Développement se réjouit de la tenue à Cotonou du Ve congrès de l’Ahjucaf. Car, pour lui, c’est un signe de motivation du gouvernement béninois à poursuivre dans cette voie, vers plus de démocratie, de libertés individuelles et de renforcement de l’Etat de droit. Il a réaffirmé l’engagement sans faille du président de la République et de son gouvernement pour un renforcement de la séparation des pouvoirs et pour l’indépendance effective du pouvoir judiciaire.
«Cette réforme veut que le pouvoir judiciaire, clef de voute d’une véritable démocratie, puisse pleinement jouer son rôle de pilier dans la consolidation de l’Etat de droit. », a souligné le ministre d’Etat, réitérant la détermination du président de la République de réformer les institutions du Bénin.
Pour le ministre d’Etat, le président Patrice Talon a mis en place une Commission nationale technique chargée des réformes politiques et institutionnelles. Cette dernière est chargée, a-t-il rappelé, de faire des propositions permettant de renforcer la démocratie et de conforter l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Rappelant la célèbre citation de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs, Abdoulaye Bio Tchané a confirmé la place fondamentale qu’occupe le droit dans l’attractivité économique des Etats. «La nécessité d’un droit prévisible, fiable, indépendant de toute décision politique n’est plus à démontrer si on souhaite pouvoir attirer à nous des investissements internationaux susceptibles de participer à notre développement», a insisté le ministre d’Etat.
Il importe de noter que le filtrage n’est pas seulement une méthode pour réguler le flux des affaires ou désengorger une institution submergée, mais aussi le moyen de réserver à la plus haute autorité juridictionnelle, la connaissance des seuls litiges qui méritent d’être soumis à son contrôle.
Didier Pascal DOGUE