1990-2016, la constitution béninoise a 26 ans d’âge. Un quart de siècle de pratique démocratique a suffi à constater des failles. Le gouvernement de la Rupture a pris l’initiative de revoir certaines dispositions. Mais curieusement, on sent beaucoup plus une fixation sur les errements constatés au cours des dix ans de la gouvernance Yayi.
La question du mandat unique est loin d’être une priorité pour l’heure. Et heureusement, les partis politiques, dans leur grande majorité, ne se sont pas laissés pris au piège. Cette réforme, selon les explications du Chef de l’Etat Patrice Talon, est beaucoup plus liée au constat qu’il a fait de la gestion du pouvoir d’Etat par Boni Yayi. Alors candidat, l’actuel Chef de l’Etat a remarqué que Boni Yayi, aux premières heures, était beaucoup plus animé par le désir de travailler mais que les choses ont commencé par se gâter, lorsqu’il s’est mis en tête d’avoir coûte que coûte un second mandat. D’où la réforme du mandat unique, comme la solution. Comme cet exemple, plusieurs d’autres réformes sur la table de la commission Djogbénou ont rapport à l’exercice du pouvoir ses dix dernières années. Seulement, ce serait une erreur de prendre pour socle la pratique du pouvoir d’Etat par Boni Yayi pour faire des réformes. Face aux mêmes textes, les trois anciens présidents de l’ère démocratique n’ont pas eu les mêmes comportements. Et Maître Ibrahim Salami l’a suffisamment souligné lorsqu’il était l’invité de l’émission « Zone Franche » sur Canal3. On n’a pas vu Soglo et Kérékou omniprésent sur la chaîne de télévision nationale que Boni Yayi. Pourtant, les textes étaient les mêmes. Mais il a fallu que quelqu’un dise au Chef du gouvernement défunt, qu’il peut disposer comme il veut des chaînes de service public, pour qu’une rédaction à part entière soit installée à la présidence de la République. Des exemples du genre peuvent se multiplier, touchant surtout à l’hyperpuissance de l’Etat dans les institutions comme la Cour constitutionnelle, la Haute cour de justice, la Cour suprême, la Haac, etc.
Pourtant avant Yayi, des failles ont été constatées dans la constitution. La question des quinze jours qui séparent le 1er tour du 2e tour et qui ne tient pas compte de la date de la proclamation des résultats définitifs du 1er tour ;la situation des désistements au second tour qui a entraîné le match amical de 2001 ; la nécessité pour les présidents d’institution de se faire élire par leurs pairs ; la nécessité pour les professionnels des médias d’avoir un des leurs à la tête de la Haac ; la question de la Haute cour de justice qui est inopérante depuis sa création ; la nécessité de la création de la Cour des comptes comme l’exige l’Uemoa ; la question de la constitutionnalisation de l’accès de tous à l’eau potable et bien d’autres réformes étaient jugées indispensables après quelques années de pratique constitutionnelle. Le Conseil économique et social, en quoi est-il indispensable dans sa forme actuelle, si ce n’est que pour permettre à certains syndicats retraités et autres personnes de 3ème âge de continuer par profiter de l’Etat ? Pourquoi des députés, qui ont déjà un salaire et des primes au parlement, devront encore s’asseoir à la Haute cour de justice et y percevoir des dividendes dans un pays où l’accès à l’eau potable reste un luxe dans certaines régions ? Toutes ces institutions qui n’ont pas d’impact direct sur le quotidien du Béninois devront être repensées à défaut d’être carrément supprimées. Voilà autant de pistes qui devraient beaucoup plus occuper les membres de la commission chargée des réformes politiques et institutionnelles. Car quelque soient les textes, l’hyper-présidence ou la trop puissance d’un président de la République peut dépendre de la conception qu’a celui-ci du pouvoir d’Etat.
Bertrand HOUANHO