Enfin, le processus de révision de la Constitution du 11 décembre 1990 est engagé avec beaucoup de chance de connaitre un heureux aboutissement. La nouvelle démarche a ceci de particulière qu’elle intervient juste après les échéances électorales majeures qui ont consacrées l’alternance politique apaisée et démocratique au sommet de l’Etat. Ceci est l’une des plus grandes réalisations du renouveau démocratique, un quart de siècle après la Conférence des forces vives de la nation. Durant ce parcours, toutes les tentatives réelles ou supposées de révision ont été vaines parce qu’elles étaient entachées de soupçon de confiscation de pouvoir ou de déficit de consensus entre les acteurs politiques, sociales et économiques de notre cher et beau pays le Bénin. La crédibilité de l’élan actuel résulte d’un profond besoin de réformes, exprimé par toutes les composantes de la nation et d’un contexte politique favorable. En effet, il s’agit pour le Président de la République, Monsieur Patrice TALON, d’honorer une promesse électorale des plus tangibles, de bénéficier d’un état de grâce favorable, généralement en début de mandat, de mettre à profit cette période, de trois ans environs, débarrassée d’échéance électorale. Le Parti Conscience Citoyenne, dans ses convictions, estime que la meilleure façon d’accompagner cette démarche est de contribuer à sa réalisation à travers des contributions sur : le régime politique, le système partisan, la lutte contre l’impunité, la question de la constitutionnalisation de certaines autorités administratives indépendantes, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Le développement desdits points a été présenté sous forme de dispositions écrites ou sous forme d’idées qu’il faille transformer en dispositions. Son contenu traduit une idée essentielle indispensable à la métamorphose de la vie politique, administrative, sociale et économique du Bénin. Il s’agit de faire preuve d’audace pour changer l’ordre ancien. Il s’agit d’ « Oser engager le Bénin ».
I- DU REGIME POLITIQUE
Si « toutes les dispositions qui organisent la forme républicaine de l’Etat, le régime présidentiel, la laïcité, les libertés individuelles et l’alternance politique » doivent demeurer intangibles, il urge de reconsidérer la forme du régime présidentiel béninois.
En effet, notre régime présidentiel ne répond pas aux exigences de la séparation stricte des pouvoirs qui exige que :
- Le pouvoir législatif détienne le monopole de l’initiative et la pleine maîtrise de la procédure législative ;
- Le pouvoir exécutif dispose d’une légitimité fondée sur le suffrage universel et ne peut donc être renversé - Le pouvoir judiciaire dispose de larges prérogatives.
• Ainsi, toutes les interférences, susceptibles de réduire et d’affaiblir les autres pouvoirs au profit du seul pouvoir exécutif, ou du Président de la République, doivent être écartées. Les dérives présidentielles constatées à la pratique de la Constitution du 11 décembre 1990 trouvent leur fondement dans cette organisation déséquilibrée entre les pouvoirs.
• En conséquence, à travers la future constitution, il est indispensable de retrouver le régime présidentiel à l’état pur, dans son essence.
II- DU SYSTEME PARTISAN
L’animation de la vie politique est une prérogative des partis politiques. L’échec des partis politiques ne cesse de s’affirmer au fil des échéances électorales. Ils n’ont plus une emprise significative sur les électeurs. Si ce n’est pas le cas, cette emprise n’est que régionale confortant ainsi l’idée selon laquelle il n’existe pas de parti représentatif à l’échelle du territoire national. Les alliances de partis ayant été représentatives à quelques périodes sont celles nées au cœur du pouvoir d’Etat, bénéficiant de tous les privilèges.
Pour justifier l’échec des partis politiques, il est évoqué la question de son financement. En effet, les partis sont devenus l’instrument de commerce des présidents, des fondateurs ou des militants bailleurs. C’est donc le pouvoir de l’argent qui dicte sa loi au sein des organisations politiques.
Le militantisme, l’attachement aux idéaux du parti, la conviction sont donc relégués au second plan. Le rapport de force entre le pouvoir de l’argent et les valeurs militantes a gangréné les modes électifs d’accession aux fonctions politiques à toutes les échelles. Il est ancré dans la conscience nationale, qu’il faut être riche pour se faire élire Président de la République, député, conseiller municipal et communal et même parfois conseiller local.
Ainsi, pour pallier à toutes ces défaillances et assainir notre système partisan, il faut :
- initier par la loi, Trois (03) grands partis politiques représentatifs à l’échelle du territoire national sur la base des options idéologiques libérale, socialiste et centriste ; avec la possibilité d’existence des courants en terme de mouvements à l’interne de chacune de ces partis - financer les activités politiques et électorales de ces partis politiques à hauteur de 70% par l’Etat qui organise par la loi sur le statut des partis politiques, le fonctionnement ; les 30% devront être financés par les activités du parti, les droits d’adhésion, les cotisations des élus du parti, les cotisations des membres et les dons divers;
- appartenir à la mouvance ou à l’opposition ; le paysage politique béninois est très changeant et se métamorphose selon les rapports de force politique. Ainsi, la transhumance politique est devenue la règle, déstabilisant ainsi les partis politiques. Les titulaires des mandats électifs monnaient généralement leur position. De ce fait, le jeu politique est déséquilibré. Tous les mandats doivent être exercés au nom du parti politique d’appartenance. En cas de désaccord, de démission, d’exclusion du parti, le mandat est exercé par le suppléant ;
- actualiser le statut de l’opposition ; l’existence d’une opposition politique doit être exigée par la loi. Ainsi, le statut de l’opposition doit prendre en compte le respect des droits des partis inscrits dans l’opposition au terme d’une déclaration solennelle. L’opposition doit élire en son sein, un chef de file, qui dans l’ordre protocolaire bénéficie des mêmes avantages que les autres présidents des institutions de la République. Il doit être protégé dans l’exercice de ces fonctions. A cet effet, un accent particulier doit être mis sur l’accès aux médias publics d’information ;
- organiser toutes les élections le même jour ; il est essentiel et vital pour notre démocratie, notre économie de débarrasser notre pays des cycles électoraux qui retardent et plombent toutes les initiatives.
III- DE LA LUTTE CONTRE L’IMPUNITE
Toutes les tentatives de poursuites des hauts responsables politiques, Président de la République, Ministres et députés ont jusqu’ici été vaines. En raison d’un régime de poursuite lourd et vicié. Au regard de tout ce qui précède, il faut alléger les conditions de levée de l’immunité parlementaire, et celle de mise en examen des ministres et du Président de la République.
La question des instances habilitées à cet effet sera abordée dans la partie consacrée au pouvoir judiciaire.
IV- DE LA CONSTITUTIONNALISATION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES
La tendance à constitutionnaliser tous les organes qui participent à l’animation de la vie publique est en vogue. Cependant il faut éviter d’alourdir le corps de la constitution au point de trouver toutes les justifications possibles pour l’amender et pour la réviser. Cette préoccupation nous amène à faire la revue des organes constitutionnalisés et à proposer ceux qui peuvent être reconduits, supprimés ou créés dans la perspective de la révision constitutionnelle.
Au titre des institutions à reconduire :
• Le pouvoir exécutif
• L’Assemblée National
• La Cour Constitutionnelle
• La Cour Suprême (à renforcer)
• Le Conseil Economique et Social (à élargir à la problématique de l’environnement)
• La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication
Au titre de l’institution à supprimer :
• La Haute Cour de Justice
Au titre de l’institution à créer
• La Cour des Comptes
V- DU POUVOIR EXECUTIF
Le processus d’élaboration d’une nouvelle constitution est fortement dominé par la question de la durée du mandat présidentiel, l’alternance politique, la représentativité politique des candidats à la fonction présidentielle, l’âge des candidats. A cet effet, le Parti Conscience Citoyenne propose :
- Que le président de la République soit élu pour un mandat de quatre ou de cinq renouvelable une seule fois ;
- Que l’âge de candidature soit ramené à 35 ans et que le verrou des 70 ans soit levé ;
- Que tous les candidats aux élections présidentielles soient investis par les trois grands partis.
VI- DU POUVOIR LEGISLATIF
Le pouvoir législatif représenté par l’Assemblée nationale reste l’une des plus grosses désillusions de notre système démocratique au point où son fonctionnement et son renouvellement réguliers ne constituent qu’un charme terni par des maux comme la transhumance politique, l’impunité et la faiblesse du contrôle de l’action du gouvernement. Ainsi, le Parti Conscience Citoyenne propose que :
- Le mandat parlementaire soit impératif ; le député élu au nom d’un parti ou d’une alliance de partis, ne peut démissionner ou quitter le groupe parlementaire du parti, sans perdre son mandat au détriment de son suppléant ou du candidat le mieux placé sur la liste électorale ;
- Les conditions de la levée de l’immunité parlementaire soient allégées et assouplies lorsque l’instruction est bouclée et que le procès est engagé ; il s’agit ici de donner au député inculpé le pouvoir d’abandonner sa charge et de se consacrer à sa défense, respectant ainsi, le principe du droit de la défense ;
- Les modalités de contrôle de l’action du gouvernement doivent être mieux élaborées afin de renforcer cette prérogative ; toutes les dispositions actuelles en la matière sont d’une vacuité absolue ; il peut être par exemple accordé à l’Assemblée nationale le pouvoir de saisir le pouvoir judiciaire aux fins d’obtenir les informations susceptibles de lui faciliter son pouvoir de contrôle.
VII- DU POUVOIR JUDICIAIRE
Le pouvoir judiciaire est un pilier essentiel de l’Etat de droit en raison du fait qu’il reste le seul pouvoir capable d’arrêter l’arbitraire du pouvoir d’Etat. A cet effet, son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et législatif doit être garantie. Les réformes au sein du pouvoir judiciaire doivent prendre en compte son organisation structurelle et sa proximité d’avec les populations à la base.
Ainsi, le Parti Conscience Citoyenne propose que :
- La création d’une Cour des Comptes pour se conformer aux exigences du droit communautaire ; elle doit être considérée comme la sœur jumelle de la Cour Suprême en ce sens qu’elle exerce avec elle le pouvoir judiciaire ;
- Le renforcement de la Cour Suprême par :
• La création d’une chambre spécialisée dans la répression de la corruption et l’enrichissement illicite;
• La création d’une chambre spéciale chargée de juger le Président de la République, les membres du gouvernement et les députés pour des faits qualifiés, dans l’exercice de leur fonction;
• La création des chambres administratives dans toutes les degrés de juridiction ;
• La création des tribunaux de commerce.
Les présentes propositions prennent en compte :
- La nécessité de rétablir l’équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire afin de garantir leur indépendance ;
- La nécessité de respecter les fondements du régime présidentiel ;
- La nécessité d’assainir le système partisan ;
- L’urgence de la lutte contre l’impunité.
En définitif, cet exercice a permis de se rendre compte de la valeur intrinsèque de la constitution en vigueur, d’en découvrir les failles et de soumettre aux instances compétentes chargées de conduire le processus de révision les propositions et la position du Parti Conscience Citoyenne. A cet effet, le Parti Conscience Citoyenne jouera sa partition aux côtés des autres forces vives de la Nation pour faire aboutir le processus de la révision de la constitution du 11 décembre 1990 pour l’arrimer à l’ère du temps.
Porto-Novo, le 1er juin 2016
Pour La Direction Nationale,
Le Président,
Moukaram Badarou