Le gouvernement Talon pouvait-il empêcher de son chef, la tenue du congrès à polémique de la Fédération béninoise de football, vendredi dernier , à la suite de la décision N°76/PI-PN/2016 rendue le 09 juin 2016 par le tribunal de Porto-Novo, qui l’interdit formellement ? La question se pose et pourrait laisser à penser qu’il n’avait pas une autre alternative dans les circonstances actuelles. D’aucuns lui attribuent cependant tout le tort d’avoir laissé faire, étant garant du respect des décisions de justice. Dans la déclaration qu’il a faite à la presse samedi dernier, le ministre des sports, Oswal Homéky, dont la gène était visible, a tenté de justifier l’attitude du gouvernement face à ce que certains ont tôt fait de qualifier de « rébellion à une décision de justice ». Extrait : « Quant à la présence des forces de sécurité sur les lieux, elle ne saurait être interprétée comme une complicité du Gouvernement car ces dernières ont été sollicitées depuis plusieurs jours par les organisateurs pour la sécurisation de leur manifestation. Elles étaient donc dans leur rôle et n’avaient reçu aucune consigne pour empêcher les bénéficiaires de l’ordonnance du juge de la notifier aux organisateurs de l’AG. Pour preuve, c’est d’ailleurs avec le concours d’un agent des forces de sécurité que l’huissier commis par les bénéficiaires de l’ordonnance du juge a accédé à la salle. Il est important de préciser qu’en la matière, il ne revient pas au Gouvernement de notifier une décision de justice à des membres d’une association autonome mais d’en garantir l’exécution à la demande des bénéficiaires. Dans le cas d’espèces, et comme mentionné dans l’ordonnance du juge, il revient au requérant de recourir à la force publique pour faire respecter la mesure de suspension, et non au gouvernement de substituer au bénéficiaire.» Le jeune ministre n’avait que d’yeux pour le match d’hier entre le Bénin et la Guinée Equatoriale, comptant pour l’éliminatoire de la Can Gabon 2017. Mais il ne semble pas moins préoccupé par l’issue de ce congrès électif parce qu’il a fallu qu’il se tienne pour que la Fifa lève sa sanction contre le Bénin et favorise la rencontre. « C’est un devoir républicain fait au Gouvernement d’accompagner les équipes nationales en toutes circonstances » s’est-il défendu. On pourrait donc en déduire que le gouvernement Talon s’est retrouvé dans une situation embarrassante, mais a préféré s’investir dans la tenue de ce match, fut-il traité de « complice » dans la tenue de ce fameux congrès.
Il reste que la situation risque de se compliquer dans les jours à venir pour un gouvernement qui aura du mal à composer avec une Fédération béninoise de football « illégale », si la justice en arrivait à cette conclusion, à l’issue d’une bataille juridique immanquablement imminente.
Les mises en garde de Michel Adjaka au régime Talon
Le président de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB), Michel Adjaka est très remonté contre le forcing dont a fait montre le Comité de normalisation du football en organisant vendredi dernier le congrès électif à polémique, en dépit de l’interdiction formelle du Tribunal de première instance de Porto-Novo. Il ne manque pas non plus d’indexer le régime de Talon pour avoir laissé faire. « En tout cas, tous ceux qui ont organisé ce forfait et le prétendu bureau élu, répondront de leurs actes devant les juridictions de notre pays, à moins qu’ils aillent se réfugier en Suisse ou au Cameroun, pays de résidence de leurs commanditaires. Le Bénin n’est pas une colonie de la FIFA.» dénonce Michel Adjaka. Lire ci-après l’intégralité de sa déclaration.
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AFFAIRE FIFA C/ DECISION DE JUSTICE: VAUT MIEUX POUR LE GOUVERNEMENT DE FERMER LES JURIDICTIONS AU PROFIT DES TERRAINS DE SPORTS
«Nul n’est assez fort pour être toujours le maître s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir», Jean-Jacques ROUSSEAU. Il est un principe élémentaire que dans un Etat où force reste à la loi, le Gouvernement ne peut pas faire usage de la force publique pour évincer ou vaincre le droit.
En clair, le pouvoir exécutif ne peut pas renier la souveraineté de notre Etat en bafouant royalement les décisions du pouvoir judiciaire à l’effet de vénérer une association sportive. Se faisant, le gouvernement de notre pays assimile la justice, une institution constitutionnelle, à moins qu’une association sportive nationale. Concrètement, la caution du gouvernement à la violation de la décision N°76/PI-PN/2016 rendue le 09 juin 2016 par le tribunal de Porto-Novo est un incident grave et ignoble. Elle me rappelle les vains assauts du Président YAYI en 2007 contre l’exécution des décisions rendues en matière domaniale. La suite tout le monde la connaît, et point n’est besoin d’y revenir.
A la décharge du gouvernement, d’aucuns excipent de l’absence du Ministre des Sports au hold-up de ANJORIN et de Me PARAISO pour conclure à la non implication du gouvernement dans ce forfait.
En réalité, la présence du Ministre des Sports ou celle de son représentant importe peu en l’espèce. Ce qui est inquiétant et intolérable, c’est qu’au même moment où le Ministre des Sports s’est absenté, son homologue de l’intérieur s’est empressé d’assurer la sécurisation des lieux du congrès en prêtant ainsi main-forte à la violation de la décision de justice.
J’ose croire que la rupture n’est pas synonyme de ruse. On ne peut pas promettre un nouveau départ et le renforcement du pouvoir judiciaire au peuple et avoir des comportements pires que nous dénoncions sous l’ancien régime.
En tout cas, tous ceux qui ont organisé ce forfait et le prétendu bureau élu, répondront de leurs actes devant les juridictions de notre pays, à moins qu’ils aillent se réfugier en Suisse ou au Cameroun, pays de résidence de leurs commanditaires. Le Bénin n’est pas une colonie de la FIFA.
Enfin, on nous présente la FIFA, une association régie par la loi de 1901, comme s’il s’agissait de l’ONU; et le football comme un précieux outil de développement pour le compte duquel l’État peut violer sa propre constitution et le Chef de l’État son serment (Lire articles 53, 1er tiret et 59 de la constitution) pour se plier aux injonctions de la FIFA. C’est simplement triste.
Si en début de mandat, le gouvernement dit de la rupture se signale et s’illustre par la violation des décisions de justice ou leur exécution au gré de ses intérêts, il est aisé de deviner ce qu’il en serait d’ici quelques années.
L’histoire ne nous comptera jamais parmi ceux qui, pour des intérêts égoïstes, bâillonnent la République.
En tout état de cause, nous tirerons minutieusement les conséquences de cette profanation du temple judiciaire et y apporterons le rituel sacrificiel approprié afin que force reste à la loi.
«Le Ministère des Sports n’a pas cautionné l’organisation de cette AG», dixit Oswald Homeky
Après la tenue de l’assemblée générale, les bénéficiaires de l’ordonnance du tribunal de Porto-Novo ont top fait de pointer du doigt accusateur le ministère des sports ainsi que le gouvernement béninois d’avoir cautionné cela. Face à cette accusation, le ministre des sports, Oswald Homéky a tenu le samedi 11 juin 2016, un point de presse dans le but d’éclairer l’opinion publique sur la position du gouvernement. Selon ses déclarations, le gouvernement n’a jamais donné son onction à quoi que ce soit. Ainsi, balisant le terrain en rappelant les circonstances dans lesquelles il a hérité la crise qui secoue le football béninois, et les démarches que son cabinet et lui ont entrepris pour juguler ladite crise, le ministre Oswald Homeky a informé que « le ministère des sports n’a pas bravé la décision de justice et n’a pas cautionné l’organisation de cette assemblée générale ». « Car, prenant acte de la décision, rassure l’autorité, nous avons décidé de ne pas participer en personne aux travaux de l’AG élective et n’avons délégué aucun représentant du ministère des sports pour y participer. Les rumeurs faisant état de ce que le directeur des sports d’Elite, Ali Yaro y était sont fausses, ce dernier étant bel et bien resté dans son bureau ».
Lire un extrait de la Déclaration de presse du ministre des Sports
(…) Dès les premières heures de notre prise de service, nous avons entrepris de rencontrer les différents protagonistes afin d’étudier avec eux les voies et moyens d’une résolution définitive de la crise. Ces différentes rencontres, élargies à d’autres acteurs qui avaient été écartés à l’issue de crises précédentes, ont abouti le mardi 31 mai 2016 à la signature d’un protocole d’accord que nous avons transmis aux instances faîtières dansle cadre ‘un plaidoyer pour la levée de la suspension du Bénin.
(….) Suite à la rétractation le 1er juin 2016 de la décision de justice suspendant la tenue de l’Assemblée Générale de la FBF initialement prévue pour le 4 Mai 2016 d’une part, et à la lettre de la FIFA demandant au Comité de Normalisation d’organiser l’AG élective au plus tard 11 juin 2016 d’autre part, nous avons organisé le mercredi 8 juin 2016 une rencontre entre les différents protagonistes afin de discuter des conditions de la tenue éventuelle de l’AG élective.
N’ayant pas trouvé un accord à cause de la crise de confiance entre les différents protagonistes, nous avons convenu de nous revoir en vue d’un harmonisation des
points de vue avant la tenue de l’AG, les uns soutenant que le match qualificatif de l’équipe nationale séniors à la CAN Gabon 2017 était primordial, et les autres soutenant que le match n’est pas au-dessus de la crise.
Dans une lettre nous invitant à prononcer un discours d’ouverture des travaux, nous avons été informés de la décision du CONOR de tenir l’AG élective pour le vendredi 10 juin 2016 au Palais de Congrès de Cotonou. Par la suite, nous a ns été informés de ce qu’une nouvelle décision du Tribunal de Porto-Neve suspendait a tenue de l’AG et avons immédiatement demandé à en recevoir copie. Celle-ci nous a été notifiée par voie d’huissier en fin d’après-midi du jeudi 09 juin 2016.
Prenant acte de la décision, nous avons décidé de ne pas participer en personne aux travaux de l’AG élective et n’avons délégué aucun représentant du Ministère des Sports pour y participer. Les rumeurs faisant état de ce que Monsieur Ali YARO, Directeur des Sports d’Elite, y était sont fausses, ce dernier étant bel et bien resté dans son bureau. Le Ministère des Sports n’a donc pas bravé la décision de justice et n’a pas cautionné l’organisation de cette assemblée générale.
Quant à la présence des forces de sécurité sur les lieux, elle ne saurait être interprétée comme une complicité du Gouvernement car ces dernières ont été sollicitées depuis plusieurs jours par les organisateurs pour la sécurisation de leur manifestation. Elles étaient donc dans leur rôle et n’avaient reçu aucune consigne pour empêcher les bénéficiaires de l’ordonnance du juge de la notifier aux organisateurs de l’AG. Pour preuve, c’est d’ailleurs avec le concours d’un agent des forces de sécurité que l’huissier commis par les bénéficiaires de l’ordonnance du juge a accédé à la salle.
Il est important de préciser qu’en la matière, il ne revient pas au Gouvernement de notifier une décision de justice à des membres d’une association autonome mais d’en garantir l’exécution à la demande des bénéficiaires. Dans le cas d’espèces, et comme mentionné dans l’ordonnance du juge, il revient au requérant de recourir à la force publique pour faire respecter la mesure de suspension, et non au gouvernement de substituer au bénéficiaire.
En tout état de cause, la confrontation des constats d’huissiers et le débat juridique qui découlent de cette situation inédite situeront les uns et les autres sur la légalité de l’assemblée générale élective et la légitimité du bureau élu.Pour l’instant, nous notons que la FIFA, prenant acte de la tenue de l’assemblée générale élective, a levé la suspension du Bénin, permettant ainsi à l’équipe nationale sénior de disputer son match qualificatif du dimanche 12juin 2016 face à la Guinée Equatoriale. (…) notre présence au stade dimanche relève, non pas d’une caution quelconque, mais du devoir républicain fait au Gouvernement d’accompagner les équipes nationales en toutes circonstances.
Réalisation Christian TCHANOU et Anselme HOUENOUKPO