« Le soja améliore la fertilité des sols et présente une adéquation avec l’agro-industrie dans la production d’huile végétale et d’aliments pour les animaux et de nombreux produits issus de la transformation artisanale pour enrichir l’alimentation en protéine », précise l’agro-industriel, Patrice Sèwadé, coordonnateur de l’Association Sojagnon. C’était à quelques jours de son voyage sur Kigali au Rwanda, où il a été convié à donner une communication publique à la Septième Semaine Scientifique de l’Agriculture Africaine qui se tient du 12 au 17 juin 2016. En sa qualité d’invité de votre rubrique ‘’Invité du Lundi’’, le consultant explique les perspectives du Projet PROSESS, dont il est le coordonnateur. A cet effet, il a indiqué combien le soja nécessite une attention de la part du gouvernement, au regard du besoin qu’il constitue pour le pays et la sous-région.
L’EVENEMENT PRECIS : En février 2016, vous avez lancé le projet PROSESS. Pourquoi ce projet ?
Patrice Sèwadé : D’abord, je dois faire savoir que l’Association Sojagnon s’occupe des chaines de valeurs de soja au Bénin à travers quelques initiatives de projets pour pouvoir lever les contraintes de la filière soja puis les facteurs de production des intrants notamment les semences jusqu’à l’amélioration de la technologie de transformation de production de soja au lait, soja fromage , soja ‘’afitin’’ et d’autres dérivés du soja. Maintenant, le Prosess, Projet Semences Soja, qui veut dire alignement des attributs de qualité des semences de soja aux différents produits dérivés, est la suite d’un projet que nous avons démarré en octobre 2014. C’est un projet financé par le PROSAM, entendu, Projet Soja Afitin-Milk, à travers, l’Union européenne. Ce projet améliore les technologies de transformation du soja en lait et en ‘’afitin’’. Dans le développement de ce projet, nous avons été confrontés à une réalité des partenaires qui souhaitent que l’on mette à leur disposition dans le cadre du projet, des variétés de soja qui répondraient mieux à leurs différentes technologies de transformation. Aujourd’hui, les transformateurs transforment le soja pour divers produits finis. Ils n’arrivent pas à identifier la variété de soja utilisée pour leurs produits. C’est là qu’ils sont arrivés à démontrer que quand ils viennent au marché, il y a certaines formes de soja qui leur permettraient d’obtenir un certain nombre de rendement. Donc, nous avons réfléchi pour expérimenter quelques variétés pour lesquelles ils seront en mesure de pouvoir donner plus de rendement en terme de technologie pour les produits finis que les producteurs sont en train de chercher. C’est de là qu’il nous ait venu d’écrire un projet qui permet d’aligner quelques variétés dérivés du soja aux différents produits dont les rendements sont meilleurs pour les transformateurs.
A ce jour dans quelle partie du pays, vous trouvez ces différentes qualités de soja ?
Le projet a commencé après son lancement par un diagnostic, une enquête qui a permis à l’ensemble des partenaires de repenser les différentes variétés qui existent au Bénin et dans la sous-région, afin de savoir les techniques appliquées pour la production et la transformation par les transformateurs. De cette enquête, on a compris qu’il n’y a pas du tout de semence pure de soja cultivée au Bénin. Tout ce qui a été cultivé au Bénin n’est que mélange. De plus, il y pas de producteurs semenciers spécialisés pour le soja au Bénin. Il y a quelques-uns qui font l’effort, mais beaucoup reste à faire pour garantir aux producteurs une bonne variété, qui respecterait toutes les règles de traçabilité de la part des producteurs. Donc cette enquête a révélé toutes ces contraintes. Donc, il n’y pas de semenciers. Et quelques quantités de semences qu’on a pu retrouver sont celles des centres de recherches de l’INRAB, mais à peine six (06) ; actuellement nous avons avec l’IITA, fait importer d’autres variétés qui ont déjà montré leur performance et que nous allons utiliser dans les conditions agro-économique de chez nous, en les expérimentant et testant pour voir lesquelles sont performantes en terme de rendement au niveau de la production et au niveau de la transformation. On est donc à ce niveau.
En terme de qualité des semences recensées, que retient l’ONG Sojagnon ?
On est encore au début du projet. Les constats se poursuivent toujours. C’est à l’issue des enquêtes que nous pourrons apprécier la qualité.
En quoi la filière soja est importante dans le développement du secteur agricole béninois ?
Le soja est une filière porteuse à défaut d’être ciblé comme une filière prioritaire. Le soja rentre dans l’alimentation aujourd’hui de tous les humains, parce qu’il enrichit notre alimentation par des valeurs nutritionnelles telles que les protéines, les vitamines et les lipides. Le soja est important et indispensable pour l’aviculture. Aujourd’hui, lorsque les éleveurs de volailles n’ont pas le soja dans leur alimentation, ils perdent tout. Les quantités aujourd’hui demandées en terme de tourteaux est au-delà de 25 mille tonnes. Quand on rentre au niveau de la transformation pour la production de l’huile, c’est au-delà de 60 mille tonnes. Les deux déjà font plus de 80 mille tonnes. Si on revient au niveau de la petite transformation, nos femmes qui prennent une petite quantité pour transformer pour le fromage, le ‘’afitin’’, le lait et autres totalisent banalement 10 à 12 mille tonnes, l’an. Cela veut dire qu’on est dans un besoin de 80 à 100 mille tonnes de soja par an au Bénin, sans compter les demandes des marchés régionales. Le Nigéria exprime une demande de près de 650 mille tonnes pour alimenter ses industries. Or, au Bénin la production est de 80 mille tonnes et le besoin de 100 mille tonnes. Donc, il a un vide qu’il faut combler. Et le marché régional demande beaucoup. Le Togo, par exemple demande près de 12 mille tonnes, pour sa nouvelle industrie et son aviculture. Mieux si vous faites le soja biologique, vous êtes plus sollicités. L’industrie oléagineuse ou laitière du Nigéria a besoin de fonctionner pour satisfaire sa clientèle, tout comme le Bénin pour faire de la diversification. Il faut comprendre que le soja a quelque chose de particulier qui est sa forte teneur en protéines.
Quelques sont les structures avec lesquelles vous collaborez ?
D’abord, nous travaillons en consortium qui est une plateforme de plusieurs acteurs dans lequel on retrouve les organisations de producteurs et les institutions de recherches telles que l’INRAB et la FSA. Nous sommes nous autres une ONG qui assurons le lead de ce consortium pour obtenir des producteurs leurs besoins et traduire ces besoins en idées de recherches pour apporter des solutions. On transmet, vulgarise et conseille les agriculteurs avec des résultats qui permettent de changer leur rendement au niveau de la production et de la transformation. Voilà donc les structures avec lesquelles nous travaillons.
Quelle est la durée du projet ?
Ce projet a une durée de trois ans. Ça a été le 03 février 2016.
Quel est le regard du ministère de l’agriculture sur ce projet ?
La question des semences est une question qui monte à l’autorité de l’Etat. Personne n’est autorisée à produire comme il veut, et en dehors de règles légales de la législation en vigueur dans la production des semences. C’est vrai que le soja n’avait pas été pris en compte dans les 13 filières prioritaires, mais vu son importance, le soja est une légumineuse qui est utilisée par la population à la base pour produire des aliments accessibles à tous. C’est donc au regard de l’importance que le ministère a compris qu’il faut lui donner une place à travers des initiatives pour son développement. Nous nous alignons aux dispositions qui existent dans le secteur pour faire produire le soja, par les producteurs sélectionnés par les services spécialistes de la question. Là, nous demandons que l’Etat puisse mettre en place, le cadre réglementaire qui permette d’assurer une distribution, non seulement la mise en place régulière des semences à tous les acteurs. Sans les semences, il n’y pas de production agricole, pas de puissance agricole, pas de productivité agricole
Votre appel au gouvernement
Donc notre appel est déjà fait lors de la définition de l’élaboration de la méthodologie, de la relecture du plan stratégique de relance du secteur agricole et de son évaluation. Nous avons indiqué qu’il était important que la filière soja passe à une filière prioritaire, puisque les acteurs sont organisés. L’Association Sojagnon seule, a deux projets dans la seule filière. Ce n’est pas toujours facile. Si les partenaires internationaux acceptent et investissent dans cette filière et que le gouvernement de notre pays n’a pas une stratégie qui prend en compte la filière, cela cause problème, alors que ce même Etat vise la sécurité alimentaire des populations. Notre plaidoyer est de voir le gouvernement prendre en compte le soja parmi les filières prioritaires. A défaut de le prendre comme prioritaire, qu’il fasse de lui, une filière porteuse à laquelle il apporte son soutien et appui pour faciliter l’intervention des partenaires techniques et financières (Ptf). Nous aurons aimé que l’Etat puisse organiser les acteurs de la filière à l’image des autres filières comme le coton, le riz, le cajou et autres. Ce n’est pas impossible de passer à une fédération des producteurs du soja. Cela va de l’intérêt de l’Etat pour le suivi de la production. Maintenant que le gouvernement du Nouveau départ veut développer les pôles de développement par filière, il n’est pas exclu qu’en plus des filières auxquelles le Chef de l’Etat a un amour particulier, qu’il pense à la filière soja.
Propos recueillis par Emmanuel GBETO