Les relations entre le Chef de l’Etat, le gouvernement et le pouvoir judicaire pourraient être bien conflictuelles. Les dernières déclarations en date du président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) à propos de la gestion de la crise du football sont suffisamment inquiétantes.
Il y a de l’eau dans le gaz. C’est le moins qu’on puisse dire au sujet des rapports entre le gouvernement et la Justice. La crise que traverse le football béninois pourrait être l’une des causes des détériorations des relations entre ces deux pouvoirs. Pour rappel,le Tribunal de première instance (Tpi) de Porto-Novo, a dans la décision N°76/PI-PN/2016 rendue le 09 juin 2016, suspendu la tenue du congrès de la Fédération béninoise de football (Fbf) prévu pour le 10 juin. Contre toute attente, ce congrès a été organisé et permis l’élection de la nouvelle équipe de la Fbf.L’élection ne passe pas chez les membres de l’Unamab. Dans une tribune acerbe publiée sur les réseaux sociaux ce vendredi, le président de l’Union, Michel Adjaka a déploré la non-exécution de la décision du Tpi de Porto-Novo. « Le pouvoir exécutif ne peut pas renier la souveraineté de notre Etat en bafouant royalement les décisions du pouvoir judicaire à l’effet de vénérer une association sportive. Ce faisant, le gouvernement de notre pays assimile la justice, une institution constitutionnelle, à moins qu’une association sportive nationale», a-t-il écrit. « Si en début de mandat, le gouvernement dit de la rupture se signale et s’illustre par la violation des décisions de justice ou leur exécution au gré des intérêts, il est aisé de deviner ce qu’il en serait d’ici quelques années… En tout état de cause, nous tirerons minutieusement les conséquences de cette profanation du temple judiciaire et y apporterons le rituel sacrificiel approprié afin que force reste à la loi », peut-on également lire dans le même message. S’exprimant davantage sur les prochaines réactions de l’Unamab, Michel Adjaka a déclaré au micro d’Océan Fm ce week-end : « … Nous allons en découdre avec le gouvernement. Il n’y a rien à faire. Parce que ceux qui sont là aujourd’hui sont des bénéficiaires de notre lutte et c’est inadmissible qu’ils se comportent ainsi». Une crise gouvernement-magistrat se profile donc à l’horizon. L’Unamab ne digère pas l’humiliation du vendredi dernier et promet bien réagir. Pour qui connaît la force et la témérité de ce syndicat des magistrats, Patrice Talon a bien des soucis à se faire. L’Unamab qui a démontré son unicité et son intransigeance face aux manœuvres de déstabilisation développées par le régime de Yayi Boni risque de mener la vie dure au nouveau gouvernement. Et pour cause. L’équipe de la Rupture avait le devoir de faire respecter la décision du Tpi de Porto-Novo. Elle contrôle la force publique. Mais elle a décidé de laisser faire. Pis, des forces de l’ordre ont assuré la sécurité des congressistes ce vendredi. Le gouvernement a sans doute cautionné la tenue du congrès. A bon droit, l’Unamab a fait entendre sa déception. C’est une frustration de trop puisque vers la fin du mois de mai, le même syndicat avait fustigé la nomination de certains magistrats au ministère de la Justice. Le président de l’Unamab avait déploré le recyclage de magistrats sanctionnés par le Conseil suprême de la magistrature dans des dossiers criminels. La coupe est presque pleine.Le milieu judiciaire pourrait connaître incessamment ses premiers moments de tension sous la Rupture.
Et pourtant…
Patrice Talon pourrait affronter prochainement la colère des magistrats à cause du non-respect des décisions de justice. Un dysfonctionnement démocratique dont ses proches et lui avaient étés victimes. Sous le régime défunt, l’Exécutif s’était à maintes reprises opposé à l’exécution des décisions du Tpi de Cotonou dans le dossier Tentative d’assassinat du Chef de l’Etat. Et certainement très marqué par ce tort, le candidat Talon avait fait de l’indépendance de la justice et du respect des décisions de justice, des points clés de son projet de société. Mais deux mois seulement après avoir accédé à la magistrature suprême, il est déjà confronté aux réalités du pouvoir.
Le dossier Fbf se révèle tout de même très complexe. Et on pourrait bien se demander si le gouvernement et son Chef avaient d’autres options face aux enjeux (Lire Dénouement de la crise à la Fbf : Levée de sanction conditionnée pour le Bénin, Matin Libre du lundi 06 juin 2016). La Fédération internationale de football association(Fifa) qui avait suspendu le Bénin conditionnait en effet la rencontre entre les Ecureuils et la Guinée Equatoriale ce dimanche en éliminatoires de la Can 2017à l’élection de la nouvelle équipe de la Fbf. Le Bénin ayant remporté le duel d’hier en se maintenant dans la compétition, l’audace du gouvernement pourrait être approuvée par l’opinion. Mais les magistrats attachés aux principes et très jaloux de leurs prérogatives devraient continuer àprotester.
A.S.
Adjaka attaque, Dadjo réagit
Le Président de l’Unamab, Michel Adjaka n’a pas fait dans la dentelle sur une chaine de radio de la place après l’élection de la nouvelle équipe de la Fbf. Il a critiqué l’organisation du congrès malgré la décision du Tpi de Porto-Novo. Le Secrétaire général du Comité de normalisation (Conor), Marius Dadjo Houégban a vivement réagi sur la même radio samedi dernier.
Lire des extraits de leurs propos.
Michel Adjaka
«Si une décision favorise le président de la république, il s'en presse de les exécuter. Mais si une décision n'est pas en sa faveur, il les oublie. Toute personne élue sur cette liste est dans le collimateur de la justice. Le bureau de l'Unamab se réunira la semaine prochaine. Nous allons en découdre avec le gouvernement. Il n'y a rien à faire. Parce que ceux qui sont là aujourd'hui sont les bénéficiaires de notre lutte et c'est inadmissible qu'ils se comportent ainsi »
Marius Dadjo
«Adjaka n’est qu'un simple individu. Un magistrat n’intervient pas à tout moment comme il le fait. C’est des gens comme lui et certains magistrats qui décrédibilisent la justice...Leurs anciens ne se comportaient pas comme ça. ..Dites à Adjaka qu'il parle trop »
Propos transcrits par M.M