La violation de la décision de justice relative à la suspension du congrès électif des membres du nouveau comité exécutif de la Fédération Béninoise de Football (FBF) continue de faire des vagues. La dernière en date est celle de Me Ibrahim Salami, avocat à la cour, Professeuragrégé dedroit. Dans une déclaration publiée sur sa page facebook, il a directement accusé le gouvernement d’avoir violé ladite décision. «Toujours est-il que trois ministres du gouvernement ont reçu notification la veille de l'organisation du congrès électif du comité exécutif de la Fédération Béninoise de Football. Le gouvernement n'est donc pas dans l'ignorance de cette organisation. Le Ministre des Sports l'a reconnu tout en se dédouanant d'avoir cautionné l'organisation de ce Congrès... Une chose est sûre, ce sont les forces de l'ordre de la République du Bénin qui ont assuré la sécurité des lieux et des personnes ayant pris part à ce Congrès. Cela est-il possible sans le soutien tout au moins implicite du gouvernement?», s’est-il demandé. «En principe, et dans un état de droit et non dans un Etat voyou ou dans une République bananière (je ne sais plus de qui est l'expression en mars 2016...Lol.), le gouvernement devait interdire l'organisation de ce Congrès. Ne le faisant pas, le gouvernement a fauté par inaction tout au mois, sauf à parler de ruse consistant à laisser faire pour ensuite en tirer bénéfice politique d'avoir sauvé le foot béninois. Et c'est là qu'on peut être amené à dire que le gouvernement Talon a sacrifié l'exécution de décision de justice qui est une obligation constitutionnelle et sacrée dans un Etat de droit à la participation du Bénin aux compétitions sportives», a précisé Me Ibrahim Salami. Il n’a pas manqué d’inviter tous les acteurs de la crise à faire preuve de retenue pour éviter la dégradation de la situation. «Prenons garde à ce que la crise du football ne se transforme en une guerre de tranchée entre avocats et magistrats et in fine entre l'UNAMAB et le Conseil de l'ordre des avocats», a-t-il souhaité.
Professeur Ibrahim Salami : «Entre le foot et le droit, je choisis le droit...»
«J'ai eu un échange téléphonique avec un journaliste du quotidien La Nouvelle Tribune qui a publié un article sur la crise du football. Le même article aurait été repris par Le Matinal. Voici mon point de vue. L'une des questions qui a préoccupé ces derniers temps concerne le statut de la FIFA. La FIFA est une association internationale qui regroupe des fédérations nationales.
La FIFA s'est donné (c'est son droit le plus absolu) des règles que toute fédération se doit de respecter. Parmi celles-ci, la précaution consistant à éviter les intrusions gouvernementales et des juridictions étatiques. Le fait que ce soit une association ne change rien au fait que les fédérations affiliées se doivent de respecter les textes de la FIFA.
Cette exclusion des juridictions étatiques est-elle valable même en cas de menace à l'ordre public? C'est une question délicate dans la mesure où la FIFA ne peut pas venir assurer l'ordre public dans les stades béninois. Cette tâche ne peut être confiée qu'aux autorités étatiques et donc justiciables des juridictions étatiques.
En vérité, un arrêt de la Cour suprême du Bénin allant dans le sens de l'exclusion en toutes circonstances des juridictions étatiques n'interdit pas en soi que les juges du fond (étatiques) se reconnaissent compétentes en attendant l'exercice des voies de recours qui pourraient conduire à infirmer ou confirmer cette jurisprudence. C'est en cela qu'on a le droit de critiquer une décision de justice mais elle doit être exécutée. Même mal jugé, une décision de justice doit être exécutée. Et l'exécution en cette affaire était bel et bien à la portée des autorités étatiques.
Le fait pour un juge du fond de prendre une ordonnance et de la rétracter n'est pas un errements en soi même si on est libre de commenter et/ou de critiquer toute décision de justice. Le vrai problème c'est que la multiplication des procédures au niveau étatique peut être un excellent moyen de paralyser indûment les activités sportives par des acteurs qui savent pertinemment qu'il y a une règle d'autonomie desdites affaires au sein de la FIFA. C'est en cela qu'il faut appeler à la vigilance des juridictions étatiques afin qu'elles ne soient pas instrumentalisées à des fins qui les dépassent.
Reste l'épineuse question de la non exécution de l'ordonnance aux fins de suspension du congrès électif avec commandement de s'y conformer.
Une première avait été prise puis rétractée au regard de nouveaux éléments produits par les demandeurs. Les parties avaient pris langue et ont convenu d'un protocole qui devait mettre fin à la crise. Mais très vite, la mésentente a refait surface et vingt associations sportives ont saisi le Tribunal de Porto-Novo pour obtenir la suspension du Congrès projeté. L'ordonnance n°76/PT-PN/2016 du 9 juin 2016 aux fins de suspension du congrès électif avec commandement de s'y conformer a été signifié le même jour au Comité de Normalisation de la Fédération béninoise de Football, au Ministère des Sports, au Ministère de la Défense, au Ministère de l'Intérieur et au enfin à Monsieur Rafiou PARAISO en son cabinet.
Pour ce qui concerne Me PARAISO, la signification faite en son cabinet par l'huissier porte la mention suivante: "A l'entrée du cabinet de l'avocat Maître Rafiou PARAISO ce jour jeudi 09 juin 2016, l'agent de sécurité nous a interdit formellement l'entrée au motif que les bureaux sont hermétiquement fermés et qu'il est la réception d'un quelconque exploit".
A ce stade, je me pose quelques petites questions naïves.
Au regard des expressions utilisées dans la mention faite par l'huissier (hermétiquement fermés, exploit), on peut se demander dans quelle langue l'échange a eu lieu entre l'agent de sécurité et l'huissier? On peut aussi se demander pourquoi l'huissier n'a pas mentionné l'heure de son passage au cabinet de Me PARAISO alors qu'il a pris soin de le faire pour les significations dans les trois ministères? La notification au CONOR l'a-t-elle été faite régulièrement et à personne indiquée?
Ces questions trouveront réponses certainement les jours à venir.
Toujours est-il que trois ministres du gouvernement ont reçu notification la veille de l'organisation du congrès électif du comité exécutif de la Fédération Béninoise de Football. Le gouvernement n'est donc pas dans l'ignorance de cette organisation. Le Ministre des Sports l'a reconnu tout se dédouanant d'avoir cautionné l'organisation de ce Congrès. Le tort est donc jeté sur les autres acteurs et en premier le CONOR. C'est une façon de dire que le gouvernement n'est pas prêt à assumer la responsabilité de cette violation de décision de justice. Une chose est sûre, ce sont les forces de l'ordre de la République du Bénin qui ont assuré la sécurité des lieux et des personnes ayant pris part à ce Congrès.
Cela est-il possible sans le soutien tout au moins implicite du gouvernement? Difficile de le croire. Si on devait le croire, il y aurait lieu à se sentir en insécurité encore plus grande ?
En principe, et dans un état de droit et non dans un Etat voyou ou dans une République bananière (je ne sais plus de qui est l'expression en mars 2016...Lol.), le gouvernement devait interdire l'organisation de ce Congrès. Ne le faisant pas, le gouvernement a fauté par inaction tout au mois, sauf à parler de ruse consistant à laisser faire pour ensuite en tirer bénéfice politique d'avoir sauvé le foot béninois. Et c'est là qu'on peut être amené à dire que le gouvernement Talon a sacrifié l'exécution de décision de justice qui est une obligation constitutionnelle et sacrée dans un Etat de droit à la participation du Bénin aux compétitions sportives.
Que ce soit sous le Président Boni YAYI ou sous le Président Patrice TALON, il est du devoir de tout juriste, a fortiori avocat et professeur de droit, de dire et de marteler que les décisions de justice doivent être exécutées. Si l'on accepte ou cautionne la non exécution des décisions de justice, c'en est fini de l'œuvre de justice et il vaut mieux fermer les tribunaux puisque la justice est vidée de son contenu et de son essence.
Je ne saurais enfin terminer sans regretter les jugements de valeur qui sont portés sur Me Rafiou PARAISO. L'on peut mener des combats nobles sans en arriver là...
Prenons garde à ce que la crise du football ne se transforme en une guerre de tranchée entre avocats et magistrats et in fine entre l'UNAMAB et le Conseil de l'ordre des avocats.
Personne ne sortira gagnant ni grandi de ce combat entre les acteurs de la justice.
Pour ma part, entre le foot et le droit, mon cœur ni ma raison ne balancent point, je choisis le droit.»
Notre Voix