Opinion de Michel Adjaka/«Crise entre le Gouvernement et l’Unamab : Quand le pouvoir exécutif préfère le maillot au maillet»
Quand deux intérêts sont en conflit, le bon sens et la sagesse inclinent à les concilier pour en tirer le meilleur parti, à défaut, primauté est donnée à l’intérêt supérieur.
En effet, il n’est un secret pour personne que depuis plusieurs années, le football au Bénin est pris en otage par une querelle intestine majeure entre acteurs de cette discipline sportive. Cette crise historique est liée, non seulement à la qualité des dirigeants de ce sport dit roi mais aussi et surtout à son environnement caractérisé à tous les échelons par des scandales de corruption, de dopage, de tricherie, de fraude, de conflits d’intérêts etc.
Institution chargée de dire le droit, la justice contribue au maintien de l’ordre public et de la stabilité sociale à travers la préservation du pacte républicain de tout dérèglement néfaste et nuisible. Par son office, la justice maintient constamment chaque citoyen dans les liens du contrat social à travers l’effet amendant et intimidant des décisions qu’elle prononce sur les espèces qui lui sont soumises.
Outil précieux de développement, la justice constitue un indice important pour le choix des destinations propices aux investissements. En clair, aucun investisseur sérieux n’injecterait de l’argent dans un pays où la justice se révèle comme une domestique docile du pouvoir exécutif. Autrement dit, un système judiciaire à la remorque de l’exécutif est indubitablement contre-productif en ce qu’il constitue un risque pour les affaires.
Malgré sa place sociale privilégiée et ses atouts, la justice a deux faiblesses rédhibitoires, l'absence de budget autonome et le fait que l'exécution de ses décisions est abandonnée au bon vouloir du pouvoir exécutif. On est tenté de dire que la justice sans la force publique est un véritable colosse au pied d’argile.
Pour prévenir tout abus de cette position dominante du pouvoir exécutif qui rendrait ineffective l’action de la justice, la constitution du 11 décembre 1990, en ses articles 59 et 127 a cru devoir faire du Président de la République le garant tant de l’exécution des décisions de justice que de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Malheureusement, pour des raisons inavouées, le mécanisme enregistre parfois des dysfonctionnements.
Préoccupé par son hégémonie, le gouvernement, dans les pays sous-développés, relègue souvent le pouvoir judiciaire au dernier plan, à défaut de l’asphyxier financièrement ou de le condamner à survivre au moyen de subsides.
En effet, dans la crise qu’il a orchestrée le vendredi 10 juin 2016, en prêtant main-forte à la violation d’une décision de justice plutôt que d’en garantir le strict respect, le gouvernement a poursuivi les actes peu républicains déplorés et dénoncés sous l’ancien régime. Mieux, il les a aggravés par le renversement de l’échelle des valeurs sociales à travers sa préférence aux intérêts égoïstes au détriment de la République, de la dignité et de la souveraineté nationale. Se faisant, par l’organe de ses ministres, le Chef de l’État a sacrifié le maillet de la justice sur l’autel du maillot de l’équipe nationale. Par ce geste inadmissible qui s’analyse comme une immolation de la justice sur la pelouse verte, le gouvernement et son Chef ont réussi à exporter la crise du football dans le prétoire et ce, au grand dam des justiciables.
Par cet exploit tristement glorieux, le gouvernement a profané le pouvoir judiciaire. Ce sacrilège appelle une sanctification urgente pour que force reste à la loi.
Notre Voix