Se départir des méthodes inappropriées utilisées par ses prédécesseurs pour lutter contre le trafic des produits pétroliers. Le gouvernement du Nouveau départ a mis de côté la répression dont l’inefficacité manifeste n’est plus à prouver. La page de la traque des contrebandiers et ses images insoutenables de dégâts matériels et humains est définitivement tournée. Hier devant les honorables députés lors du vote de la loi de règlement 2014, le Ministre de l’économie et des finances Romuald Wadagni a été assez explicite sur ce sujet sensible. ‘’La répression n’est pas la meilleure formule. Le gouvernement travaille sur deux axes notamment le différentiel entre le prix au niveau des stations et dans l’informel à travers les taxes et d’autre part, pallier l’indisponibilité de stations-service dans les villes’’. C’est donc cette nouvelle approche dans la lutte contre les produits pétroliers de la contrebande qui sera expérimentée par le gouvernement du Nouveau départ. Mais, pour quels résultats ?
Le contre-pied des théories habituelles
Avant de répondre à cette interrogation, il faut rappeler que depuis deux décennies, la question du Kpayo a toujours été un casse-tête pour les gouvernements qui se sont succédé. Ainsi, Politiques et société civile ont donné à voir leurs divergences sur la méthode convenable pour venir à bout d’un fléau qui asphyxie l’économie nationale. Feu Général Mathieu Kérékou et la Conamip dirigée de main de maître par son Directeur du commerce intérieur Moudjaidou Soumanou ont tout essayé mais ont fini par jeter l’éponge. Sous le changement avec le président Boni Yayi, la ligne directrice est restée inchangée, c’est-à-dire la répression mais avec quelques nuances.
Malgré l’appui et l’encouragement du pouvoir Yayi aux vendeurs d’essence de la contrebande à se regrouper pour l’acquisition des mini-stations-service, le résultat n’a guère été reluisant. D’ailleurs, très tôt et contre toute attente, l’espoir a fait place au désenchantement faute de financement et d’insuffisances dans la conception du projet. De plus, la volonté de Boni Yayi à formaliser le secteur en autorisant les contrebandiers à se doter de bacs-citernes a essuyé le refus catégorique des importateurs qui ont menacé de paralyser le pays. L’impasse était flagrante.
La ‘’rupture’’ a-t-elle trouvé la solution ?
Formaliser le secteur et régler le problème d’approvisionnement. Selon des théories développées par d’éminents chercheurs en économie comme John Igué et Emmanuel Akpo, le « Kpayo » occupe forcément une place de choix dans l’économie béninoise. Pour eux, faire la guerre à la filière « Kpayo » sans créer les conditions d’un approvisionnement conséquent semble de l’utopie dans la mesure où il existe des régions qui n’ont pas de stations-service et ne fonctionnent que par l’essence de contrebande dans notre pays. La solution Talon allie efficacement pragmatisme et gradualisme, c’est-à-dire permettre l’exercice de cette activité dans les conditions de sécurité et faire en sorte que le secteur privé puisse être aussi viable.
En définitive, avec des impôts forfaitaires, le prix de l’essence de contrebande va augmenter de manière à ne plus trop concurrencer les stations-service en attendant de régler le problème d’approvisionnement au niveau des stations-service. Maintenant, reste à savoir quel accueil sera réservé par les acteurs concernés à savoir importateurs et contrebandiers dont les intérêts sont divergents aux solutions de Talon. Tout compte fait, sur le dossier Kpayo, la voix autorisée du ministre Wadagni n’a nullement soufflé du vent. La Rupture a déjà opéré son choix et à grands pas, elle avance.
Gérard GANSOU